L’enquête indépendante sur l’assassinat de la journaliste Daphne Caruana a établi que l’État n’avait pas fait le nécessaire pour protéger cette femme et avait créé un climat d’impunité propice à son assassinat. L’interdiction totale de l’avortement demeurait en vigueur. Des personnes demandeuses d’asile ou migrantes ont cette année encore été détenues illégalement dans des conditions déplorables. Les poursuites engagées contre trois demandeurs d’asile s’étant opposés à leur renvoi forcé illégal (pushback) en Libye à la suite d’un naufrage étaient toujours en cours.
Contexte
En juin, le Groupe d’action financière, une organisation intergouvernementale, a placé Malte sur la « liste grise » des pays ne présentant pas des garanties suffisantes contre le blanchiment d’argent et le financement d’activités terroristes, ce qui décourageait de fait les investissements internationaux.
Droit à la vérité, à la justice et à des réparations
Le rapport final de l’enquête indépendante sur l’assassinat, en 2017, de la journaliste Daphne Caruana Galizia a été rendu public en juillet. L’enquête a conclu que les autorités n’avaient pas reconnu l’existence d’un danger imminent pour la vie de cette femme ni pris de mesures pour la protéger, et que le Premier ministre et d’autres responsables aux plus hauts niveaux de l’État avaient créé un climat d’impunité propice à cet assassinat.
L’enquête a recommandé la poursuite des investigations sur tous les aspects de ce crime, ainsi que des réformes systémiques pour renforcer l’état de droit et la protection des journalistes. Un ancien homme d’affaires soupçonné d’avoir ordonné l’assassinat a été mis en examen en août. Deux hommes accusés d’avoir posé l’engin explosif qui a tué la journaliste étaient dans l’attente de leur procès, et un troisième, qui a plaidé coupable, a été condamné en février à 15 ans d’emprisonnement.
Droits sexuels et reproductifs
L’interdiction totale de l’avortement est restée en place, empêchant tout recours à cette intervention y compris quand la grossesse mettait en danger la santé de la mère. En mai, une députée a présenté une proposition de loi visant à dépénaliser l’avortement ; c’était la première fois qu’une telle proposition était soumise au Parlement. Toutefois, des opposant·e·s à ce texte ont empêché la tenue des débats.
Droits des personnes réfugiées ou migrantes
À la fin de l’année, quelque 832 personnes réfugiées ou migrantes avaient débarqué à Malte, souvent après avoir été secourues en mer par les forces armées maltaises. À la fin septembre, un quart des 464 personnes alors arrivées par la mer étaient des mineur·e·s isolés, et la plupart étaient de nationalité syrienne, soudanaise ou érythréenne. En 2020, 2 281 personnes en quête de sécurité avaient rejoint Malte par la mer.
En mars, la commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe a critiqué Malte, lui reprochant de rester sourde ou de réagir avec lenteur aux appels de détresse en mer de personnes réfugiées ou migrantes, et d’avoir donné pour instruction aux navires privés de ramener en Libye les personnes secourues.
En mai, le HCDH s’est également dit préoccupé par le fait que des personnes en mer se retrouvaient en danger de mort, car Malte et d’autres pays de l’UE tardaient à les secourir et reportaient sur les autorités libyennes la responsabilité des opérations de secours, ce qui entraînait le retour de certaines personnes en Libye, où elles risquaient de subir des violences.
Des demandeurs et demandeuses d’asile ont cette année encore été détenus de façon arbitraire dans des conditions insalubres et indignes. La commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe et le Comité européen pour la prévention de la torture (CPT) ont exprimé des inquiétudes quant à l’irrégularité et la durée de la détention de nombreuses personnes demandeuses d’asile. En mars, le CPT a publié son rapport sur les visites qu’il avait effectuées dans plusieurs centres, notamment au « bloc Hermès » et dans le centre de détention de Safi, en septembre 2020. Le CPT a décrit un système caractérisé par « une grande négligence institutionnelle », avec des traitements inhumains et dégradants et des cas signalés de mauvais traitements et d’utilisation excessive de la force. Il a demandé à Malte de revoir sa politique de détention des personnes migrantes. En octobre, la commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe s’est elle aussi rendue dans le centre de détention de Safi. Elle a demandé aux autorités d’y garantir immédiatement des conditions dignes et d’envisager des solutions de remplacement à la détention des migrant·e·s.
En mars, dans l’affaire Feilazoo c. Malte, la Cour européenne des droits de l’homme a conclu que Malte avait violé les droits d’un ressortissant nigérian en le plaçant à l’isolement de façon prolongée et dans de mauvaises conditions, et en l’enfermant inutilement avec des personnes en quarantaine pour COVID-19.
Le même mois, la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance s’est dite préoccupée par le fait que Malte ne prévoyait pas de mettre en place une forme de régularisation pour les personnes qui résidaient dans le pays depuis de nombreuses années et ne pouvaient pas être renvoyées dans leur pays d’origine.
Dans l’affaire du « renvoi du lundi de Pâques », les victimes et les proches de certaines des personnes décédées lors de leur renvoi forcé illégal en Libye, en avril 2020, par un navire marchand mandaté par le gouvernement maltais ont engagé des poursuites contre Malte pour déni du droit d’asile. Lors d’une audience en mai, un ancien haut responsable a confirmé avoir organisé plusieurs renvois forcés illégaux, dont celui « du lundi de Pâques ».
En octobre, 32 hommes ont intenté un procès au gouvernement pour leur détention illégale, entre fin avril et début juin 2020, dans des ferries stationnés par les autorités en dehors des eaux territoriales afin de les soustraire aux obligations en matière de droits humains. Ils faisaient partie des plus de 400 personnes ayant ainsi été détenues par le gouvernement sur des navires non équipés pour de longs séjours et sans que les motifs juridiques de leur détention ne leur aient été communiqués.
Trois demandeurs d’asile étaient toujours poursuivis en justice pour s’être opposés à leur renvoi illégal en Libye, avec plus de 100 autres personnes, par le capitaine du navire qui les avait secourus en mer. Des témoins ont expliqué que les jeunes hommes, appelés « les trois de l’El Hiblu », avaient simplement tenté une médiation entre le capitaine et les autres passagers et passagères. Ils étaient notamment accusés d’infractions à la législation antiterroriste et risquaient la réclusion à perpétuité1.
Malta : The El Hiblu 3 Case – Update. The Long Wait for Justice (EUR 33/3884/2021), 26 mars