Le délai de prescription qui existait pour les actes de torture, entre autres infractions, a été supprimé. Plusieurs ONG se sont inquiétées de certaines limites apportées à l’exercice des droits à la liberté d’association, de réunion pacifique et d’expression. Le personnel soignant a exigé une meilleure protection face au COVID-19. La presse a dénoncé le renvoi forcé illégal (pushback) et brutal de réfugié·e·s et de migrant·e·s aux frontières du pays. Les Roms et les personnes LGBTI ont cette année encore subi des discriminations systémiques. L’enquête sur la « restitution » illégale aux mains de la CIA et la torture d’Abd al Rahim al Nashiri a été close.
Contexte
La Cour de justice de l’Union européenne a estimé en mai que la Roumanie devait respecter les engagements pris avant son adhésion à l’UE en matière de lutte contre la corruption et se conformer aux critères de l’Union garantissant l’équité de la justice, notamment en adoptant des garanties contre toute ingérence politique. En juin, la Commission européenne a noté une tendance positive en matière de réformes judiciaires et de lutte contre la corruption.
Liberté d’expression, d’association et de réunion
Plusieurs dizaines d’organisations de la société civile ont écrit en juin au ministre de la Justice, pour lui faire part de leur souhait d’être pleinement associées à l’examen du cadre réglementaire régissant les associations et les fondations que le gouvernement entendait mener. Elles demandaient que l’adoption d’une procédure simplifiée s’accompagne de garanties appropriées pour éviter que des décisions discrétionnaires ne menacent les ONG.
En août, les organisateurs et organisatrices de la marche des fiertés de Bucarest ont reçu une amende, parce que la participation au défilé avait dépassé la limite de 500 personnes autorisées. L’ONG Accept a contesté cette amende, en faisant valoir que les restrictions anti-COVID-19 applicables ce jour-là étaient disproportionnées.
Plusieurs ONG avaient fait remarquer en juillet que les restrictions liées à la pandémie concernant les manifestations ne s’appliquaient pas de la même manière aux manifestations sportives, culturelles, religieuses ou familiales.
Des journalistes enquêtant sur des irrégularités et des faits de corruption présumés dans l’utilisation de fonds publics ont été interrogés en mai par la Direction des investigations en matière de criminalité organisée et de terrorisme. Un maire avait porté plainte contre eux, les accusant d’avoir formé un groupe criminel et de se livrer à du chantage, deux infractions passibles l’une comme l’autre d’une peine pouvant atteindre cinq ans d’emprisonnement. Plusieurs ONG ont mis en garde contre ce dangereux précédent, susceptible de porter atteinte au droit à la liberté d’expression. Le parquet a classé en juin la procédure intentée contre les journalistes.
Un projet de loi sur la protection des lanceurs et lanceuses d’alertes au service de l’intérêt public – excluant donc les alertes lancées dans le secteur privé – était toujours en instance devant le Parlement. Il a été reproché au ministère de la Justice de ne pas avoir tenu compte de plusieurs amendements proposés par des ONG, concernant notamment la fourniture d’une aide juridique et la capacité des lanceurs et lanceuses d’alerte à s’exprimer directement auprès des médias.
Droit à la santé
La pandémie de COVID-19 a soumis à une très forte pression un système de santé déjà sous-financé et saturé.
Le personnel soignant a manifesté en mars, pour demander une augmentation du budget de la santé, une meilleure protection face au COVID-19, des hausses de salaire et l’abaissement de l’âge du départ à la retraite.
À la fin de l’année, 40 % de la population avait été entièrement vaccinée et l’acceptation du vaccin marquait le pas. La Roumanie a enregistré le plus fort taux de mortalité due au COVID-19 de la région et l’un des plus forts au monde.
Droits des personnes réfugiées ou migrantes
En octobre, une enquête menée par l’organisation Lighthouse Reports a révélé la façon dont les autorités roumaines (comme celles d’autres pays de l’Union européenne) avaient brutalement rassemblé des personnes migrantes ou demandeuses d’asile pour les renvoyer sommairement dans des pays extérieurs à l’UE.
Discrimination
Les Roms
Une nouvelle loi érigeant en infraction les crimes de haine à l’égard des Roms est entrée en vigueur en janvier. Les Roms continuaient d’être victimes de harcèlement, aussi bien en ligne que dans l’espace public, et de se heurter à des actes de discrimination, et notamment de ségrégation, en matière de scolarité, de logement et d’emploi.
Les lesbiennes, les gays et les personnes bisexuelles, transgenres ou intersexes
Les personnes LGBTI ont cette année encore subi des discriminations systémiques. La Cour européenne des droits de l’homme a estimé en janvier que la Roumanie avait violé les droits de deux personnes transgenres en refusant de reconnaître leur identité, au motif qu’elles n’avaient pas subi d’opération chirurgicale de changement de sexe. La Cour a considéré que le cadre juridique n’était ni clair ni cohérent en la matière.
La Cour a jugé en juin que les autorités ne s’étaient pas acquittées du devoir qui était le leur de protéger les personnes face aux actes de militants d’extrême droite qui, en octobre 2013, avaient investi la salle de projection d’un film LGBTI en proférant des menaces et en hurlant des injures homophobes.
En juillet, plusieurs ONG ont exprimé leur préoccupation face à la volonté de certaines personnalités politiques de proposer une loi hostile aux personnes LGBTI. Le mariage et la vie commune entre personnes du même sexe n’étaient toujours pas reconnus. En septembre, le Parlement européen a demandé à la Commission européenne de se pencher sur le non-respect par la Roumanie d’une décision de 2018 de la Cour de justice de l’Union européenne concernant la nécessité d’harmoniser la législation nationale afin de garantir le droit des couples de personnes du même sexe de résider et de circuler librement.
Torture et autres mauvais traitements
Les autorités ont clos en mars l’enquête qui avait été ouverte sur la « restitution » illégale, la détention secrète et les actes de torture dont a été victime Abd al Rahim al Nashiri dans l’un des « sites noirs » gérés par l’Agence centrale du renseignement (CIA) des États-Unis en Roumanie. La Cour européenne des droits de l’homme avait établi en 2018 que la Roumanie avait bien accueilli sur son territoire le centre clandestin de détention et qu’elle était complice des actes de torture et de disparition forcée dont avait été victime Abd al Rahim al Nashiri. Les autorités ont de nouveau refusé de reconnaître leur complicité dans cette affaire ainsi que le jugement de la Cour européenne des droits de l’homme. Abd al Rahim al Nashiri était toujours détenu sur la base de Guantánamo, sans jamais avoir été jugé, et risquait la peine de mort.