Royaume-Uni - Rapport annuel 2021

carte Royaume-Uni rapport annuel amnesty

Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord
Cheffe de l’État : Elizabeth II
Chef du gouvernement : Boris Johnson

Le gouvernement a promis une enquête sur sa gestion de la pandémie de COVID-19 et a réduit nettement une allocation touchée par six millions de bénéficiaires. Les droits des personnes réfugiées ou migrantes ont été régulièrement bafoués. Un nouveau projet de loi sur le maintien de l’ordre menaçait gravement le droit à la liberté de réunion pacifique et celui de ne pas subir de discrimination. Un projet loi sur le contrôle judiciaire et une révision de la Loi relative aux droits humains suscitaient l’inquiétude. Dans certaines parties de l’Irlande du Nord, l’avortement n’était pas suffisamment accessible. Les responsabilités n’avaient toujours pas été établies pour les violations passées en Irlande du Nord ni pour la complicité du Royaume-Uni dans le programme de détention secrète mené par les États-Unis. Une décision de justice bloquant l’extradition de Julian Assange vers les États-Unis a été annulée en appel. En Écosse, les conditions de détention n’étaient pas conformes aux normes de base.

Contexte

La pandémie de COVID-19 s’est accélérée en 2021, entraînant des hausses brutales du nombre de cas et une forte pression sur les hôpitaux. Le gouvernement a imposé un confinement national le 5 janvier et le Parlement a prolongé l’état d’urgence sanitaire à deux reprises. La plupart des restrictions imposées pour répondre à la pandémie ont été levées en juillet et en août. Fin décembre, le nombre quotidien de contaminations a atteint des niveaux records et des restrictions ont été de nouveau imposées au Pays de Galles, en Écosse et en Irlande du Nord.

Droit à la santé

En décembre, le Royaume-Uni était au deuxième rang des pays d’Europe en nombre de décès liés à la pandémie de COVID-19. À cause de la pandémie, l’espérance de vie des hommes a diminué pour la première fois depuis que cette statistique existe. À la fin de l’année, 82,4 % de la population âgée de 12 ans et plus était totalement vaccinée contre le coronavirus. Les autorités britanniques possédaient, fin 2021, un surplus important de doses de vaccin, qui n’ont pas été suffisamment redistribuées aux pays à revenu faible ou intermédiaire inférieur qui en avaient besoin.

Le Premier ministre a annoncé en mai que la commission d’enquête publique indépendante sur la réponse apportée par le gouvernement à la pandémie de COVID-19 ne commencerait pas ses travaux avant le deuxième trimestre 2022. Des familles endeuillées, des syndicats, des personnes travaillant dans le secteur de la santé et d’autres groupes ont demandé que cette enquête soit ouverte immédiatement.

Le recours généralisé aux consignes de ne pas tenter de réanimation cardiorespiratoire pendant la pandémie a été critiqué dans un rapport d’un organisme de contrôle indépendant en mars. Des personnes âgées ou atteintes de handicap n’ont pas été suffisamment aidées ou n’ont pas reçu les informations nécessaires avant que la consigne de ne pas les ranimer ne soit appliquée.

Droit à la sécurité sociale

En octobre, le gouvernement a supprimé une augmentation de 20 livres sterling par semaine des prestations sociales que recevaient six millions de personnes au chômage ou ayant des revenus faibles, qu’il avait mise en place en avril 2020 pour faire face à la pandémie. Selon certaines estimations, cette suppression allait faire passer 500 000 personnes sous le seuil de pauvreté, dans un contexte de hausse des prix de l’énergie et de l’alimentation.

Droits des personnes réfugiées ou migrantes

Face à l’augmentation du nombre de personnes traversant la Manche en bateau pour tenter d’obtenir l’asile au Royaume-Uni, le gouvernement a modifié les règles en matière d’immigration et proposé de nouvelles dispositions législatives rendant le dépôt des demandes d’asile plus difficile. Le projet de loi sur la nationalité et les frontières comportait des éléments pénalisant les demandeurs et demandeuses d’asile selon la façon dont ils arrivaient sur le territoire et le moment où ils déposaient leur demande, ainsi que des modifications qui les rendaient passibles de nouvelles poursuites. Ce texte remédiait à la discrimination qui privait beaucoup de Britanniques de leurs droits en matière de citoyenneté, mais contenait aussi des dispositions permettant aux autorités de déchoir une personne de sa nationalité britannique sans préavis.

Le ministère de l’Intérieur a annoncé une augmentation du nombre de vols affrétés par les autorités pour procéder à des expulsions collectives à partir de juillet. Les personnes embarquées sur ces vols étaient souvent expulsées sans avoir eu accès à des conseils juridiques adaptés et sans que leurs demandes aient été examinées en bonne et due forme.

Le gouvernement n’a pas assez protégé les personnes fuyant la crise des droits humains en Afghanistan. En plus d’un dispositif existant pour les Afghan·e·s employés par les autorités britanniques, le gouvernement a annoncé en août la création d’un Programme de réinstallation des citoyens afghans, mais il a reconnu à la fin du mois d’octobre que celui-ci n’était pas encore mis en œuvre, malgré l’urgence de la crise2. Selon les chiffres officiels, sur les 1 055 Afghan·e·s dont la demande d’asile a été examinée entre janvier et septembre, seulement 484 ont obtenu une protection.

Des personnes demandeuses d’asile ont continué d’être détenues dans des conditions inhumaines, notamment dans d’anciennes casernes militaires, où des flambées de COVID-19 se sont produites.

Liberté de réunion

En juin, le parquet a décidé de ne pas poursuivre les personnes qui avaient participé aux manifestations du mouvement Black Lives Matter à Belfast et à Derry-Londonderry en juin 2020. La Force de police de l’Irlande du Nord a également pris des mesures pour rembourser 72 amendes infligées à des manifestant·e·s pour des infractions aux restrictions liées à la pandémie de COVID-19.

Le projet de loi relative à la police, à la délinquance, aux condamnations et aux tribunaux (loi PCSC) risquait de limiter fortement le droit à la liberté de réunion pacifique, notamment en permettant à la police d’interdire ou de limiter les manifestations jugées « bruyantes » ou « perturbatrices », en érigeant en infraction le fait de « s’enchaîner » à une personne, un objet ou tout autre élément ou d’« être équipé » pour le faire, et en permettant aux tribunaux d’imposer de larges restrictions aux manifestant·e·s à titre individuel. Il prévoyait en outre des poursuites pénales contre les personnes qui enfreindraient involontairement les règles imposées par la police lors de manifestations et renforçait les sanctions contre les organisateurs et organisatrices désobéissant à ces règles. Plus de 350 organisations ont condamné ces propositions et des milliers de personnes ont participé à des manifestations contre ce projet de loi.

En mars, la police a eu recours à une force injustifiée et excessive pour disperser une manifestation silencieuse rassemblant majoritairement des femmes, organisée à Londres, la capitale, en hommage à Sarah Everard, violée et tuée par un policier. La police a affirmé que ce rassemblement était contraire aux règles liées à la pandémie de COVID-19.

Discrimination

En février, une coalition de 17 organisations a déclaré boycotter l’évaluation par le gouvernement de son programme Prevent visant à lutter contre la radicalisation après la nomination de William Shawcross à sa tête bien qu’il ait tenu à plusieurs reprises des propos islamophobes5.

En mars, la Commission sur les disparités raciales et ethniques, instaurée par le gouvernement à la suite des manifestations du mouvement Black Lives Matter en 2020, a publié un rapport niant l’existence d’un racisme institutionnel au Royaume-Uni et soulignant « une utilisation fréquente et une mauvaise application du terme “racisme” pour rendre compte de toutes les disparités observées ». Le Groupe de travail d’experts sur les personnes d’ascendance africaine [ONU] a déclaré que ce rapport « érigeait des clichés et des stéréotypes racistes en vérités, en déformant les données et en détournant les statistiques et les études pour en tirer des conclusions hâtives ».

Le projet de loi PCSC contenait des dispositions qui élargissaient les pouvoirs de la police en matière d’interpellation et de fouilles en introduisant de nouvelles ordonnances de réduction des violences graves, et qui rendaient passible de poursuites le fait de « résider dans un véhicule sur un terrain sans autorisation ». Une nouvelle obligation légale imposant aux autorités de collaborer pour réduire les violences graves conférerait également à la police et aux ministres le pouvoir de solliciter des informations sur des personnes auprès d’organismes publics, ce qui affaiblirait les protections existantes en matière de partage de données. Le gouvernement a reconnu que ces dispositions risquaient de toucher de manière disproportionnée les hommes noirs, les Tziganes, les Roms et les gens du voyage (Travellers).

En juin, un policier a été reconnu coupable de l’homicide d’un homme noir, Dalian Atkinson, en 2016. Le policier lui avait infligé une décharge de pistolet à impulsion électrique pendant 33 secondes et asséné deux coups de pied à la tête. Des statistiques publiées en août par le Bureau indépendant de surveillance de la police (IOPC) ont révélé que les pistolets à impulsion électrique étaient utilisés de façon disproportionnée contre des personnes noires et que celles-ci risquaient davantage que les autres citoyen·ne·s de se voir infliger des décharges prolongées par les policiers.

Droit à la vérité, à la justice et à des réparations

En novembre, le gouvernement d’Irlande du Nord a décidé de mettre en place une commission d’enquête indépendante, ainsi que d’autres mesures élaborées en collaboration avec des victimes, à propos des « foyers mères-bébés », des Laveries des sœurs de Marie-Madeleine et des maisons de travail, qui ont fonctionné de 1922 à 1990. De nombreuses femmes et jeunes filles tombées enceintes hors mariage ont été envoyées dans ces établissements, où elles ont subi des détentions arbitraires, du travail forcé et des mauvais traitements ainsi que l’adoption forcée de leurs bébés6.

En juillet, le gouvernement a annoncé un plan visant à régler l’héritage du conflit en Irlande du Nord. Ce plan comprenait notamment la prescription de tous les faits liés au conflit et la fin de toute action judiciaire pénale, civile et médicolégale concernant cette période – soit une amnistie de fait pour les violations des droits humains commises pendant le conflit.

Le gouvernement a aussi présenté en juillet un projet de loi relative au contrôle judiciaire et aux tribunaux, qui contenait des dispositions diminuant les chances des victimes d’obtenir réparation pour des violations des droits humains par le biais de la justice et supprimant le contrôle judiciaire en bonne et due forme de certaines décisions de tribunaux, notamment celles concernant des personnes migrantes et demandeuses d’asile.

L’évaluation de la Loi relative aux droits humains de 1998 ordonnée par le gouvernement s’est achevée en octobre. Le gouvernement a ensuite proposé des modifications importantes de cette loi qui affaibliraient fortement la protection des droits humains au Royaume-Uni, notamment en élargissant la possibilité de se démarquer des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme et en rendant plus difficile la saisine de la justice pour des violations des droits humains.

Droits sexuels et reproductifs

En raison du manque de moyens et de financements accordés aux services d’avortement en Irlande du Nord pour respecter le nouveau cadre législatif, l’accès aux soins est resté précaire et les personnes ayant besoin d’un avortement précoce par voie médicamenteuse se retrouvaient dans une situation s’apparentant à une « loterie en fonction de leur code postal ». Un organisme public de soins local a supprimé des services par manque de moyens. En juillet, le secrétaire d’État pour l’Irlande du Nord a ordonné au département de la Santé de l’Irlande du Nord de rendre les services d’avortement accessibles d’ici au 31 mars 2022.

Impunité

En avril, la Loi de 2021 sur les opérations à l’étranger (relative au personnel actif et aux anciens combattants) a instauré des restrictions sur les procédures judiciaires liées à des opérations militaires à l’étranger. Ce texte limitait dans le temps la possibilité de recours au civil contre le ministère de la Défense et prévoyait l’absence de poursuites pénales pour les infractions remontant à plus de cinq ans, hormis certains crimes graves.

En février, un détenu de Guantánamo, Mustafa al Hawsawi, a déposé une plainte devant l’Investigatory Powers Tribunal (chargé de juger les abus de pouvoir en matière d’enquête) concernant la complicité du Royaume-Uni dans les actes de torture et les autres mauvais traitements qu’il a subis dans des centres de détention secrète de la CIA entre 2003 et 2006. En avril, un autre prisonnier de Guantánamo, Abu Zubaydah, a porté plainte contre les États-Unis, le Royaume-Uni et cinq autres pays auprès du Groupe de travail sur la détention arbitraire [ONU].

Liberté d’expression

Le gouvernement des États-Unis a fait appel d’une décision rendue en janvier par la justice britannique, qui avait rejeté sa demande d’extradition visant Julian Assange. En août, les autorités américaines ont obtenu le droit de faire appel sur d’autres points. En décembre, la Haute Cour a jugé leur recours recevable et a ordonné l’extradition de Julian Assange, acceptant les assurances diplomatiques offertes par les États-Unis selon lesquelles le prévenu ne serait pas détenu à l’isolement. Julian Assange a fait appel de cette décision fin décembre devant la Cour suprême du Royaume-Uni7. Il était poursuivi aux États-Unis pour avoir rendu publics des documents classés secret-défense dans le cadre de son travail avec Wikileaks.

La Cour européenne des droits de l’homme a statué en mai que les pouvoirs du gouvernement britannique en matière d’interception massive des communications ne comportaient pas de garanties suffisantes contre le risque d’abus, violant ainsi les droits au respect de la vie privée et à la liberté d’expression8.

En septembre, l’Investigatory Powers Tribunal a rendu une décision favorable à la militante Kate Wilson, amenée par la ruse à s’engager dans une relation intime de longue durée avec un policier infiltré, qui espionnait ses activités politiques pacifiques et celles des personnes travaillant à ses côtés. La juridiction a estimé que cette femme avait subi un traitement inhumain et dégradant, une discrimination sexuelle ainsi que des violations de ses droits au respect de la vie privée et familiale et à la liberté d’expression, de réunion pacifique et d’association. Une commission d’enquête publique sur l’espionnage d’organisations écologistes et défendant la justice sociale par des policiers infiltrés a examiné d’autres dossiers en avril et en mai, notamment les plaintes d’autres femmes amenées à des relations intimes par la ruse.

Conditions de détention inhumaines

En août, le Mécanisme national de prévention du Royaume-Uni a publié un rapport sur les problèmes persistants dans certains lieux de détention en Écosse, tels que la surpopulation carcérale et le maintien de personnes en garde à vue pendant plus de 24 heures.

« Vaccins contre le COVID-19. Un nouveau rapport montre que les laboratoires pharmaceutiques alimentent une crise des droits humains sans précédent », 22 septembre

“UK : Afghanistan resettlement scheme is ‘too little, too late’”, 18 août

“UK : Napier Barracks Covid outbreak shows Home Office ‘just doesn’t care’ about people seeking asylum”, 12 août

“UK : MPs should vote down ‘dystopian’ policing bill”, 4 juillet

“UK : NGOs condemn appointment of William Shawcross and announce civil society-led review of Prevent”, 16 février

“Northern Ireland : Mother and Baby Home public inquiry welcome step towards truth and accountability”, 15 novembre

« États-Unis/Royaume-Uni. La secrétaire générale d’Amnesty International appelle à “abandonner les poursuites visant Julian Assange, empêcher son extradition et le libérer” », 25 octobre

« Royaume-Uni. La plus haute juridiction de l’Europe statue que le régime de surveillance de masse du Royaume-Uni a bafoué les droits humains », 25 mai

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