Russie - Rapport annuel 2021

carte russie rapport annuel 2021

Fédération de Russie
Chef de l’État : Vladimir Poutine
Chef du gouvernement : Mikhaïl Michoustine

La pandémie de COVID-19 a continué de mettre à rude épreuve des services de santé déjà exsangues. Les droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique ont été régulièrement bafoués. Les rassemblements organisés par l’opposition politique ont presque tous été interdits. Les lois sur les « agents de l’étranger » et les « organisations indésirables » ont été largement utilisées pour réprimer la dissidence, de même que les poursuites sur la base d’éléments fallacieux et d’autres formes de pression. Des journalistes, des défenseur·e·s des droits humains et d’autres militant·e·s ont été victimes de menaces et d’agressions commises en toute impunité. La persécution des témoins de Jéhovah s’est accrue. La torture et les autres mauvais traitements dans les lieux de détention constituaient toujours des pratiques endémiques et il était rare que les responsables de tels actes soient traduits en justice. Des disparitions forcées ont été signalées en Tchétchénie. Les autorités n’ont pas pris de mesures pour lutter contre la violence domestique. Les personnes LGBTI ont cette année encore subi des discriminations. Comme les années précédentes, des personnes réfugiées ou demandeuses d’asile ont été victimes d’expulsions arbitraires.

Contexte

Les élections législatives de septembre ont été marquées par une pression sans précédent exercée sur les candidat·e·s d’opposition indépendants, qui, dans certains cas, ont été empêchés de se présenter pour des motifs fallacieux. Les observateurs et observatrices indépendants présents ont relevé un nombre record d’irrégularités tout au long des trois jours de scrutin.

La corruption est restée généralisée.

Face au peu d’empressement manifesté par la population pour se faire vacciner contre le COVID-19 et à la progression rapide de la maladie, toutes les administrations régionales ont imposé la vaccination obligatoire pour certains groupes de travailleuses et travailleurs. Le gouvernement a annoncé à plusieurs reprises la mise en place de « jours chômés » intégralement rémunérés pour tenter d’enrayer la propagation de la pandémie, contraignant les entreprises à prendre en charge le coût de cette mesure, avec un soutien limité de la part de l’État.
La Sibérie et l’Extrême-Orient russe ont été frappés par une chaleur et une sécheresse record, qui ont entraîné une série de feux de forêt d’une ampleur sans précédent. Les fumées toxiques se sont répandues sur un très vaste périmètre, aggravant la pollution atmosphérique déjà importante dans les grandes villes.
La Russie occupait toujours un certain nombre de territoires, dont la Crimée.

Droit à la santé

Les taux extrêmement élevés de contamination par le COVID-19 et de décès dus à cette maladie ont accentué les problèmes du secteur de la santé, qui, dans certaines régions, connaissait déjà une situation catastrophique. L’état de décrépitude des infrastructures, un usage des équipements empreint de négligence et un manque de moyens financiers, entre autres, seraient ainsi à l’origine d’une rupture d’approvisionnement en oxygène survenue en août dans un hôpital d’Ossétie du Nord, qui aurait coûté la vie à neuf personnes placées en réanimation. Malgré la pénurie de personnel médical dans tout le pays, le gouvernement a décidé de procéder à de nouvelles coupes dans le budget de la santé. Le grand nombre d’hospitalisations liées au COVID-19 a entraîné des retards dans les soins programmés.

Le fait qu’une pièce d’identité et une attestation d’assurance maladie soient obligatoires pour se faire vacciner contre le COVID-19 a compliqué la vaccination des personnes sans domicile fixe ou migrantes sans papiers, car celles-ci disposaient rarement des documents demandés. Les travailleuses et travailleurs migrants en situation régulière ont également rencontré des difficultés, la vaccination étant très souvent payante pour eux.

Liberté de réunion

Les rassemblements publics d’opposition ont pour la plupart été interdits, sous prétexte notamment de restrictions sanitaires, tandis que les manifestations de masse en faveur du gouvernement ont pu se dérouler normalement. Des personnes qui manifestaient seules ont régulièrement été arrêtées et poursuivies en justice, en violation de la législation abusivement restrictive1.

Les rassemblements en soutien au dirigeant d’opposition Alexeï Navalny se sont soldés par un nombre sans précédent d’arrestations arbitraires2 et de poursuites administratives et pénales pour des motifs fallacieux3. Des technologies de reconnaissance faciale auraient été utilisées à Moscou pour identifier et sanctionner des manifestant·e·s pacifiques.

La police a pu recourir à la force de manière illégale contre des manifestant·e·s pacifiques en toute impunité (utilisation de pistolets à décharge électrique, par exemple)4.
Une dizaine d’informations judiciaires ont été ouvertes pour « violations répétées de la réglementation sur les rassemblements publics ». Le militant écologiste Viatcheslav Egorov a été condamné en octobre à 15 mois d’emprisonnement pour avoir organisé une manifestation non violente.

Liberté d’association

Les organisations de la société civile ont cette année encore été la cible de représailles et de restrictions au titre des nouvelles dispositions concernant les « agents de l’étranger » et les « organisations indésirables », qui élargissaient le champ de la législation en vigueur jusqu’alors (en interdisant toute coopération avec des « organisations indésirables » basées à l’étranger, par exemple) et renforçaient les sanctions administratives et pénales.

En juillet, la Commission de Venise du Conseil de l’Europe s’est montrée très critique à l’égard des modifications apportées à la législation sur les « agents de l’étranger », soulignant que celles-ci constituaient « de graves violations des droits de l’homme fondamentaux ». Elle a recommandé aux autorités russes d’« abandonner » ce régime spécial ou de « réviser en profondeur […] l’ensemble de sa législation » dans ce domaine. Le gouvernement russe n’a pas tenu compte de ces recommandations.

Huit nouvelles ONG, dont l’Alliance des médecins, un syndicat indépendant du secteur de la santé, ont été ajoutées à la liste des « agents de l’étranger ». Dix-huit autres ont été désignées comme « indésirables », parmi lesquelles le Partenariat international pour les droits de l’homme (IPHR) et le Réseau européen d’ONG pour l’observation des élections (ENEMO). Les autorités ont continué de sanctionner par de lourdes amendes celles qui figuraient sur la liste des « agents de l’étranger ».

En juillet, le groupe de défense des droits humains Komanda 29 a annoncé sa dissolution, après que son site Internet eut été bloqué pour avoir publié, selon les autorités, des contenus mis en ligne par une ONG tchèque récemment désignée comme « indésirable ». Le groupe a effacé toutes ses publications en ligne et toutes ses archives Internet pour éviter les poursuites.

Au mois d’août, l’association d’observation des élections Golos a été la première entité à se voir désignée comme « association publique – agent de l’étranger » non reconnue au titre des nouvelles dispositions juridiques. Cinq autres groupes ont ensuite subi le même sort. En décembre, les organisations de défense des droits humains les plus anciennes et les plus influentes du pays, Memorial International et le Centre russe « Mémorial » de défense des droits humains, ont été sommées de cesser leurs activités, sous prétexte d’atteintes à la législation sur les « agents de l’étranger ». Ces deux organisations ont fait appel.

Classée « indésirable », l’ONG Russie ouverte a continué d’être persécutée, y compris après sa dissolution en mai, décidée pour ne pas mettre en péril ses militant·e·s. En février, son ancienne coordonnatrice, Anastasia Chevtchenko, a été condamnée à quatre ans d’emprisonnement avec sursis, peine réduite à trois ans en appel au mois d’août5. L’ancien directeur exécutif de l’organisation, Andreï Pivovarov, a été arrêté en mai alors qu’il venait d’embarquer pour un vol international. Il était accusé de collaboration avec une « organisation indésirable » en raison de ses publications sur Facebook. Son procès s’est ouvert au mois de novembre.

Liberté d’expression

Les autorités ont utilisé les lois sur les « agents de l’étranger » et les « organisations indésirables » pour réprimer la liberté d’expression et réduire au silence la presse, les journalistes et les militant·e·s indépendants. Le fait de ne pas faire figurer en tête des publications concernées la mention obligatoire « agents de l’étranger » était désormais passible d’une amende.

Quatorze organes de presse et 70 personnes ont été désignés comme « agents de l’étranger ». Le média d’investigation Proekt a quant à lui été interdit en tant qu’« indésirable ». Son fondateur, Roman Badanine, classé « agent de l’étranger » un peu plus tard, et deux autres journalistes ont fait l’objet de perquisitions en juin, dans le cadre de l’enquête sur une affaire de diffamation.

La journaliste Elena Milachina a reçu des menaces de mort à peine voilées après la publication de son travail d’investigation sur les exécutions extrajudiciaires et la torture aux mains de la police tchétchène. Ces menaces n’ont pas fait l’objet d’une enquête sérieuse.

En août, une correspondante de la BBC à Moscou a été interdite de séjour en Russie sine die, au motif qu’elle représentait « une menace pour la sécurité nationale ».

En avril, quatre journalistes du magazine étudiant DOXA se sont vu imposer des restrictions de déplacement, en tant que suspects de droit commun. Ils étaient accusés d’avoir « impliqué des mineurs dans des activités dangereuses », pour une vidéo qui appelait les étudiant·e·s à ne pas céder aux menaces d’expulsion en cas de participation à des manifestations pacifiques. Leur procès s’est ouvert en décembre.

Les musicien·ne·s dissidents s’exposaient à des annulations de concerts. Un concert de la poétesse et journaliste Tatiana Voltskaïa a été annulé en octobre, parce qu’elle avait été désignée « agent de l’étranger » peu de temps auparavant.

Les blocages arbitraires et extrajudiciaires de sites Internet ont continué, tandis que le champ d’application de la législation en la matière était élargi. Plus d’une quarantaine de sites Internet associés aux actions politiques et anticorruption d’Alexeï Navalny ont été bloqués en juillet, sous prétexte qu’ils étaient utilisés « pour des activités extrémistes prohibées ».

En septembre, la cour d’arbitrage de Moscou a ordonné à Google et à Yandex de supprimer toute référence au « vote intelligent » dans les résultats de leurs moteurs de recherche. Google et Facebook ont été condamnés à plusieurs reprises à des amendes pour ne pas avoir supprimé des « contenus interdits ». Le journaliste Igor Khorochilov a été condamné à deux reprises à 10 jours de détention administrative pour « propagande d’insigne extrémiste » après avoir mentionné le « vote intelligent » sur Facebook.

Le Service fédéral de sécurité (FSB) a publié en septembre une longue liste de sujets ne relevant pas du secret d’État, allant des infractions commises au sein de l’armée aux retards dans les programmes spatiaux, dont le suivi ou la couverture faisait désormais de leur auteur·e un « agent de l’étranger ». L’ONG Mères de soldats de Saint-Pétersbourg, organisation de défense des droits des anciens combattants, a annoncé à la suite de cette publication qu’elle renonçait à travailler sur les violations des droits humains dans l’armée.

Dmitri Mouratov, rédacteur en chef du journal indépendant Novaïa Gazeta, a reçu le Prix Nobel de la paix en octobre, en reconnaissance de sa contribution à la liberté d’expression dans un environnement médiatique de plus en plus répressif.

Défenseur·e·s des droits humains

Les représailles contre les défenseur·e·s des droits humains étaient très fréquentes et sévères.

Au mois d’avril, l’avocat spécialiste des droits humains Ivan Pavlov, fondateur du groupe Komanda 29, a été inculpé arbitrairement de « divulgation des conclusions d’une enquête préliminaire ». Il a quitté la Russie en septembre et a été placé sur une liste de personnes recherchées. Il risquait en outre de perdre sa licence d’avocat. Ivan Pavlov et quatre de ses collègues ont été déclarés « agents de l’étranger » en novembre.
Le procès de la militante féministe et LGBTI Ioulia Tsvetkova, accusée de « diffusion de pornographie » pour avoir mis en ligne des dessins de corps de femmes présentés sous un jour positif, s’est ouvert en avril à Komsomolsk-sur-l’Amour. Il était toujours en cours à la fin de l’année.

Ernest Mezak, connu pour son engagement en faveur des droits humains, a été inculpé abusivement d’outrage à magistrat en juin, pour avoir critiqué sur les réseaux sociaux le rôle des juges dans les poursuites engagées contre des manifestant·e·s pacifiques6.

Galina Arapova, avocate et directrice du Centre de défense des médias (qui figurait depuis 2015 sur la liste des organisations considérées comme « agents de l’étranger ») a été déclarée en octobre « agent de l’étranger » à titre personnel.

Impunité

Les responsables d’actes criminels à l’égard de défenseur·e·s des droits humains et de journalistes jouissaient toujours d’une totale impunité. De nombreuses affaires criminelles, passées et contemporaines, n’avaient pas été résolues, soit parce qu’aucune enquête n’avait été ouverte, soit parce que les investigations entamées étaient au point mort.

La Cour européenne des droits de l’homme a estimé en août que les autorités russes n’avaient pas enquêté de façon satisfaisante sur l’enlèvement et le meurtre, en 2009, de Natalia Estemirova, sans toutefois conclure à leur responsabilité directe dans les crimes commis.

Le délai de prescription (15 ans) a été atteint en octobre dans l’affaire du meurtre de la célèbre journaliste d’investigation Anna Politkovskaïa, sans que les instigateurs de son assassinat n’aient été identifiés.

Répression de la dissidence

Les représailles contre les militant·e·s d’opposition et les dissident·e·s se sont intensifiées, à mesure que les autorités et le parti au pouvoir, Russie unie, se trouvaient confrontés à une opinion publique de plus en plus critique à l’approche des élections législatives.
À l’issue d’un procès motivé par des considérations politiques, le célèbre opposant Alexeï Navalny a été condamné en février à 32 mois d’emprisonnement pour avoir enfreint les conditions du sursis probatoire auquel il avait été condamné lors d’un précédent procès, infondé, en 2014. Le même mois, la Cour européenne des droits de l’homme a ordonné sa libération immédiate à titre de mesure provisoire visant à garantir sa sécurité physique.

La Russie a cependant refusé d’obtempérer. Alexeï Navalny s’est plaint de traitements inhumains et dégradants, notamment du refus de l’administration de lui accorder certains soins de santé essentiels. En juin, les bureaux régionaux de son mouvement et deux ONG partenaires ont été déclarés « extrémistes » et interdits par une décision de justice. En septembre, la Russie a ignoré l’appel du Conseil de l’Europe lui demandant de libérer l’opposant et d’annuler ses condamnations. Au contraire, les autorités ont annoncé en octobre l’ouverture de cinq nouvelles informations judiciaires contre lui et ses associé·e·s.

D’autres collaborateurs et collaboratrices et sympathisant·e·s d’Alexeï Navalny ont été poursuivis en justice dans tout le pays, notamment dans le cadre de procédures pénales et administratives dépourvues de tout fondement. En avril, à Arkhangelsk, Andreï Borovikov a été condamné à plus de deux ans d’emprisonnement pour « diffusion de pornographie », pour avoir mis en ligne sur les réseaux sociaux, en 2014, un clip du groupe allemand Rammstein – clip qui avait été effacé depuis longtemps. Violetta Groudina a été hospitalisée en juillet à Mourmansk pendant 19 jours, sous prétexte de COVID-19, alors qu’elle n’avait pas contracté le virus. Cette mesure l’a par ailleurs empêchée de se présenter aux élections locales en tant que candidate indépendante. Lilia Tchanycheva, militante vivant à Oufa, était passible de 10 années d’emprisonnement pour son rôle de coordonnatrice régionale de l’organisation d’Alexeï Navalny.

D’autres voix dissidentes ont également été réprimées. En mai, Nikolaï Platochkine, dirigeant du mouvement Pour un nouveau socialisme, a été condamné à cinq ans d’emprisonnement avec sursis et à une amende exorbitante pour avoir, selon l’accusation, « appelé à des troubles de grande ampleur » et diffusé « des informations fausses en connaissance de cause ». Il avait en réalité critiqué les pouvoirs publics, et notamment leur réponse à la pandémie de COVID-19, et avait préparé des manifestations pacifiques.

Un militant de Nijni Novgorod, Mikhaïl Iossilevitch, a été accusé de façon mensongère d’avoir coopéré avec une « organisation indésirable » et d’avoir menacé un témoin. Il a passé plus de six mois en détention provisoire. Il a été remis en liberté provisoire en août sous certaines restrictions. Son procès s’est ouvert au mois de décembre.
Le chamane sibérien Alexandre Gabychev, qui avait juré en 2019 de « purger » le Kremlin du président Vladimir Poutine, a été violemment arrêté par une cinquantaine de policiers à son domicile de Iakoutsk. En juillet, il a été interné sur décision de justice dans un hôpital psychiatrique, pour une durée illimitée et avec obligation de traitement. Il a été transféré en octobre dans un établissement psychiatrique spécialisé de Novossibirsk, à des milliers de kilomètres de chez lui.

Torture et autres mauvais traitements

La torture et les autres mauvais traitements en détention constituaient toujours des pratiques endémiques et il était rare que les responsables de tels actes soient traduits en justice.
Les personnes arrêtées lors de rassemblements en faveur d’Alexeï Navalny se sont plaintes d’avoir été détenues dans des conditions inhumaines et dégradantes, entre autres dans les locaux surpeuplés du centre de détention de Sakharovo, à la périphérie de Moscou, où sont habituellement internés des migrant·e·s.
Plusieurs enquêtes judiciaires ont été ouvertes à la suite des multiples allégations d’actes de torture, y compris de viol, dont auraient été victimes des prisonniers dans la région d’Irkoutsk en 2020. Toutes ces enquêtes étaient au point mort. Des victimes et des témoins se sont plaints d’avoir fait l’objet de menaces et de manœuvres d’intimidation.

Les frères Salekh Magamadov et Ismaïl Issaïev ont été enlevés par la police en février, à Nijni Novgorod, pour être ensuite conduits en Tchétchénie, où ils ont été placés en détention provisoire sur la foi d’accusations mensongères d’assistance à groupe armé. Tous deux se sont plaints d’avoir été torturés et, plus généralement, maltraités, mais les autorités tchétchènes ont refusé d’ouvrir une enquête judiciaire sur leurs allégations.
En octobre, Maxime Ivankine, condamné à 13 ans d’emprisonnement pour participation aux activités d’une organisation « terroriste » fictive baptisée « le Réseau », a confié à ses avocats avoir « avoué » sous la torture un double meurtre, pendant son transfert vers un pénitencier situé dans une autre région.
Des vidéos très explicites montrant des actes de torture, y compris des viols, perpétrés sur des détenus dans les locaux de l’hôpital de la prison de Saratov, ainsi que dans d’autres établissements pénitentiaires, ont été rendues publiques en octobre par des militant·e·s du groupe Gulagu.net. Face au large écho de cette affaire dans la presse et au tollé qu’elle a suscité dans l’opinion publique, les autorités ont ouvert une enquête judiciaire et un certain nombre d’agents de l’administration pénitentiaire ont été licenciés. Menacé, le lanceur d’alerte qui avait fourni les images, Sergueï Saveliev, a été contraint de quitter la Russie.

Disparitions forcées

De nouvelles informations ont fait état de disparitions forcées, en particulier en Tchétchénie. On ignorait notamment ce qu’était devenu Salman Tepsourkaïev, modérateur de 1ADAT, une chaîne Telegram. Critique à l’égard des autorités, cet homme avait disparu en 2020. Une vidéo publiée plus tard par une source anonyme l’a montré en train d’être torturé. La Cour européenne des droits de l’homme a estimé en octobre que la Russie était responsable de la détention arbitraire et non reconnue de Salman Tepsourkaïev, ainsi que des actes de torture dont il avait été victime. Elle a également considéré que la Russie n’avait pas sérieusement enquêté sur lesdits actes de torture.

Liberté de religion et de conviction

Les persécutions contre les témoins de Jéhovah se sont accentuées depuis que ce groupe a été arbitrairement classé « extrémiste », en 2017. Ses membres ont fait l’objet de perquisitions de leurs domiciles et des poursuites judiciaires ont été engagées contre certains d’entre eux dans toute la Russie et en Crimée occupée. Au moins 105 personnes ont été condamnées, dont certaines à des peines d’emprisonnement de plus en plus lourdes.
Un tribunal d’Astrakhan a condamné en octobre Olga Ivanova à une peine de trois ans et demi d’emprisonnement, et Roustam Diarov, Sergueï Klikounov et Evgueni Ivanov à huit ans d’emprisonnement. Il s’agissait des sanctions les plus lourdes jamais prononcées contre des témoins de Jéhovah.

Violences faites aux femmes et aux filles

En août, une étude réalisée par l’ONG de défense des droits des femmes Consortium a révélé que 66 % des femmes tuées entre 2011 et 2019 avaient été victimes de violence domestique. Rien n’était vraiment fait pour lutter contre ce problème. Le projet de loi sur la violence domestique, au point mort depuis des années, n’avait toujours pas été inscrit à l’ordre du jour du Parlement. Les mesures restrictives liées à la pandémie rendaient la situation des victimes de violence familiale plus difficile encore.

La Cour européenne des droits de l’homme a jugé en septembre, dans l’affaire Volodina c. Russie (n° 2), que les autorités n’avaient pas protégé la requérante des actes de cyberviolence dont elle avait été victime ni fait le nécessaire pour qu’une enquête sérieuse soit menée et que l’auteur présumé des violences soit traduit en justice. La Cour a conclu que l’impunité qui en découlait suffisait à mettre en doute la capacité de l’appareil d’État à avoir un effet suffisamment dissuasif pour protéger les femmes contre la cyberviolence.
Droits des lesbiennes, des gays et des personnes bisexuelles, transgenres ou intersexes
Encouragée par la législation homophobe sur la « propagande gay », la discrimination à l’égard des personnes
LGBTI est restée très répandue.

Droits des personnes réfugiées ou migrantes

Les personnes réfugiées ou demandeuses d’asile étaient toujours exposées au risque de renvoi forcé.
En septembre, Valentina Tchoupik, réfugiée originaire d’Ouzbékistan et défenseure des droits des migrant·e·s, a été arrêtée dans la zone de transit de l’aéroport de Moscou-Cheremetievo alors qu’elle revenait en Russie. Son statut de réfugiée a été révoqué et elle a été interdite de séjour sur le territoire russe pour une durée de 30 ans et menacée d’être renvoyée en Ouzbékistan. Seul le concert de protestations suscité par sa situation a permis qu’elle soit finalement autorisée, en octobre, à partir pour l’Arménie.

Russia : No Place for Protest (EUR 46/4328/2021), 12 août

« La crise des droits humains s’aggrave avec l’arrestation de très nombreux sympathisant·e·s d’Alexeï Navalny », 22 avril

« Russie. La détention d’une ancienne collègue d’Alexeï Navalny, inculpée de charges liées à l’“extrémisme”, annonce des représailles massives », 11 novembre

Russie. Déni de justice pour une manifestante pacifique agressée (EUR 46/3695/2021), 12 février

« La prisonnière d’opinion Anastasia Chevtchenko condamnée à une peine de prison avec sursis », 18 février

Russian Federation : Prosecution of human rights defender must stop (EUR 46/4469/2021), 14 juillet

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