Des milliers de personnes étaient toujours détenues, certaines depuis plus de 10 ans, par des milices, des groupes armés et des forces de sécurité, sans avoir la possibilité de contester la légalité de leur privation de liberté. Des dizaines de journalistes, de responsables politiques, de fonctionnaires et de militant·e·s de la société civile ont été enlevés, soumis à une disparition forcée, torturés ou maltraités en raison de leur appartenance politique ou tribale ou de leur origine régionale réelles ou supposées, ou de leur engagement dans le contexte des élections prévues. Des milices et des groupes armés ont tué et blessé des civil·e·s et détruit des biens de caractère civil lors d’affrontements sporadiques et localisés. Les attaques de groupes armés contre un réseau d’adduction d’eau ont mis en péril l’accès à l’eau salubre de plusieurs millions de personnes. Les autorités ont continué à financer et à intégrer dans les institutions publiques des milices et des groupes armés responsables de crimes de guerre et de graves violations des droits humains. Elles ne protégeaient pas les femmes, les filles et les personnes LGBTI contre les violences sexuelles et les violences liées au genre, et ne faisaient rien pour lutter contre la discrimination. Les minorités ethniques et les personnes déplacées se heurtaient à des obstacles dans l’accès à l’éducation et aux soins de santé. Les milices et les forces de sécurité ont fait usage de la force meurtrière illégale et d’autres violences pour arrêter arbitrairement des milliers de migrant·e·s et de réfugié·e·s, tandis que les garde-côtes libyens, soutenus par l’UE, ont intercepté en mer des milliers d’autres personnes et les ont renvoyées de force en détention en Libye. Des migrant·e·s et des réfugié·e·s privés de liberté ont été soumis à la torture, à des violences sexuelles et au travail forcé ; certains ont été victimes d’homicides illégaux. Des dizaines de personnes civiles ont été condamnées par des tribunaux militaires lors de procès manifestement inéquitables.
Contexte
Le processus de médiation des Nations unies a abouti à la prestation de serment, en mars, d’un gouvernement d’unité nationale chargé de préparer les élections présidentielle et législatives. Les divisions politiques ont persisté et les Forces armées arabes libyennes (FAAL), un groupe armé, ont conservé le contrôle effectif de grandes parties de l’est et du sud du pays.
Le 22 décembre, l’élection présidentielle, dont le premier tour devait se tenir le 24 décembre, a été reportée faute de validation par les autorités de la liste des candidat·e·s éligibles. Les désaccords quant à l’éligibilité des personnes candidates et aux dispositions constitutionnelles et législatives devant servir de base à l’organisation des élections ont persisté. Un certain nombre d’acteurs politiques du pays ont estimé que les lois électorales annoncées par le porte-parole du Parlement étaient invalides car elles n’avaient pas été approuvées par un vote parlementaire, dans un contexte d’irrégularités de procédure et de violations de la feuille de route soutenue par les Nations unies. Après l’annonce de la candidature d’AbdelHamid al Dbeibah à la présidence en décembre, c’est le vice-Premier ministre, Ramadan Abu Janah, qui a assuré temporairement la fonction de Premier ministre.
Malgré un accord conclu en août par des représentants du gouvernement d’unité nationale et des FAAL prévoyant un retrait progressif des combattants étrangers, plusieurs milliers étaient toujours présents dans le pays.
L’économie libyenne a montré des signes de redressement, en partie grâce à la reprise de la production pétrolière. Cependant, le fait que le pays n’ait pas adopté de budget national ni unifié la Banque centrale empêchait la population de jouir pleinement de ses droits socioéconomiques et a donné lieu à des retards répétés du versement des salaires des fonctionnaires.
En octobre, le Conseil des droits de l’homme [ONU] a prolongé le mandat de la Mission indépendante d’établissement des faits chargée d’enquêter sur les crimes de droit international commis en Libye depuis 2016.
Détention arbitraire et privation illégale de liberté
Le gouvernement d’unité nationale et les FAAL ont annoncé la libération de plusieurs dizaines de prisonniers, parmi lesquels Saadi Kadhafi, l’un des fils de l’ancien dirigeant Mouammar Kadhafi. Milices, groupes armés et forces de sécurité ont toutefois continué de détenir arbitrairement des milliers de personnes ; certaines étaient privées de liberté depuis plus de 10 ans sans inculpation ni procès.
Tout au long de l’année, des hommes et des femmes ont été arrêtés en raison de leur appartenance politique ou tribale, réelle ou supposée, ou de leur engagement dans le cadre des élections, et ont été soumis à une disparition forcée ou détenus au secret, certains jusqu’à sept mois durant1.
L’Agence de sécurité intérieure, un groupe armé affilié aux FAAL, a enlevé Haneen al Abduli en mars dans une rue de Benghazi. Cette femme, qui avait demandé publiquement que les responsables du meurtre de sa mère, l’avocate Hanan al Barassi, abattue en 2020, aient à rendre compte de leurs actes, a été maintenue en détention jusqu’au 28 juin dans la prison d’Al Kuwayfiya2.
Dans les zones contrôlées par les FAAL, des dizaines de civil·e·s ont été condamnés par des tribunaux militaires lors de procès d’une iniquité flagrante3. Les droits à une défense satisfaisante, à une décision motivée et à un véritable réexamen étaient systématiquement bafoués.
Le journaliste Ismail al Zway, qui purgeait une peine de 15 ans d’emprisonnement prononcée par un tribunal militaire en raison de son travail dans les médias, a été remis en liberté par les FAAL en septembre.
Torture et autres mauvais traitements
Les milices et les groupes armés pratiquaient systématiquement la torture et d’autres mauvais traitements dans les lieux de détention officiels et non officiels, en toute impunité. Coups, décharges électriques, simulacres d’exécution, flagellation, simulacres de noyade, suspension dans des positions contorsionnées et violences sexuelles ont été signalés par des personnes qui avaient été détenues par des milices (Forces spéciales de dissuasion, Appareil de soutien à la stabilité, Brigade 444, Agence de sécurité publique ou Force de soutien de la Direction de la sécurité) ou des groupes armés (Agence de sécurité intérieure, bataillon Tareq Ibn Zeyad, 128e et 106e brigades, notamment).
Le personnel pénitentiaire, les milices et les groupes armés maintenaient les personnes détenues dans des conditions cruelles et inhumaines : promiscuité, privation de soins de santé, absence d’hygiène, manque d’exercice et nourriture insuffisante. Au moins deux hommes sont morts en détention après avoir été privés des soins médicaux dont ils avaient besoin.
La législation libyenne prévoyait toujours l’imposition de châtiments corporels, tels que la flagellation et l’amputation.
En juin, un tribunal militaire de Tripoli a condamné à 80 coups de fouet un soldat qui avait consommé de l’alcool ; la police militaire a procédé à la flagellation.
Homicides illégaux
Les corps d’au moins 20 personnes qui avaient été enlevées par des milices ou des groupes armés ont été retrouvés au cours de l’année. Certains présentaient des marques de torture ou de blessures par balle.
En août, le corps d’Abdelaziz al Ogali, un homme âgé de 56 ans qui avait été enlevé en novembre 2020 par des individus armés appartenant semble-t-il aux FAAL, a été retrouvé à Benghazi.
Liberté d’association et d’expression
Tout au long de l’année, les milices et les groupes armés présents dans les zones contrôlées par le gouvernement d’unité nationale et les FAAL ont usé de menaces contre des dizaines de militant·e·s et de responsables politiques, leur ordonnant de cesser leurs activités et de ne pas participer aux élections. Au moins 20 hommes ont ainsi été arrêtés.
En septembre, après que la Ligue nationale de la jeunesse eut appelé à manifester contre le report des élections, des hommes armés ont enlevé le directeur de cet organisme d’État dans son bureau à Tripoli. Imad al Harati a été maintenu en détention au secret pendant neuf jours.
Le Parlement a adopté en octobre une loi sur la cybercriminalité qui limitait fortement la liberté d’expression en ligne, autorisait le gouvernement à mener des activités de surveillance et à exercer la censure, et punissait d’une peine d’emprisonnement la diffusion de contenus considérés comme « immoraux ».
Les milices et les groupes armés ont continué de s’en prendre aux journalistes et aux utilisateurs et utilisatrices des réseaux sociaux. Des personnes qui n’avaient fait qu’exercer leur métier ou avaient simplement exprimé un avis critique ont été menacées, arrêtées arbitrairement et, parfois, détenues.
En octobre, des hommes armés non identifiés qui portaient un uniforme militaire ont enlevé le journaliste Saddam al Saket alors qu’il couvrait un sit-in de réfugié·e·s à Tripoli. On était toujours sans nouvelles de lui à la fin de l’année.
L’enregistrement, le financement et les activités des ONG étaient soumis à des procédures opaques et longues. Un recours déposé contre les restrictions excessives du droit à la liberté d’association prévues par le décret n° 286/2019 régissant les ONG attendait toujours d’être examiné par un tribunal administratif de Tripoli.
Des acteurs humanitaires ont fait état d’un durcissement des restrictions d’accès à la Libye et aux populations dans le besoin.
Attaques illégales
Le cessez-le-feu national en place depuis octobre 2020 a tenu, mais des milices et des groupes armés ont violé le droit international humanitaire lors d’affrontements armés sporadiques et localisés, notamment en menant des attaques aveugles et en détruisant des infrastructures civiles et des biens privés.
En juin, deux femmes et un homme ont été tués lors d’affrontements à la mitrailleuse entre l’Unité des enquêtes criminelles, une milice basée dans la ville de Zaouïa, et une milice de la ville voisine d’Al Ajaylat dirigée par Mohamed al Shalfoh. Des biens civils ont également été endommagés.
En octobre, un garçon a été tué dans la ville de Sebha, dans le sud du pays, lors d’affrontements entre la Brigade 116, un groupe armé affilié aux FAAL mais placé officiellement sous le commandement du gouvernement d’unité nationale, et un groupe armé local.
Au moins 24 civil·e·s, dont des enfants, ont été tués ou blessés par des mines terrestres posées par des acteurs non étatiques affiliés aux FAAL avant leur retrait de Tripoli en 2020. En mars, un homme et un garçon ont trouvé la mort dans deux explosions de mines terrestres distinctes dans la banlieue sud de Tripoli.
Des groupes armés ont attaqué à plusieurs reprises les installations de la Grande Rivière artificielle, un réseau de canalisations transportant l’eau des aquifères du sud vers les zones côtières, ce qui a restreint l’accès à l’eau de millions de personnes. Exigeant la libération de leur chef tribal Abdallah al Senussi, ancien responsable des services de renseignement condamné à mort en 2015, des hommes armés appartenant à la tribu Magharba ont forcé les gestionnaires de ce réseau à couper l’approvisionnement en eau de l’ouest de la Libye pendant une semaine, en août.
En juin, le groupe armé État islamique a revendiqué un attentat-suicide perpétré contre un poste de contrôle de la police à Sebha, qui a fait six morts parmi la population civile.
Plusieurs pays, dont la Russie, la Turquie et les Émirats arabes unis, ont violé l’embargo sur les armes instauré par l’ONU depuis 2011 en maintenant des combattants étrangers et des équipements militaires en Libye. Lors d’une opération contre des migrant·e·s et des réfugié·e·s à Tripoli en octobre, on a pu voir sur des images vidéo dont l’authenticité a été vérifiée des milices utilisant des véhicules blindés fabriqués et exportés par les Émirats arabes unis. Selon toute probabilité, ces véhicules avaient été récupérés par des milices fidèles au gouvernement d’entente nationale (GEN, qui était au pouvoir avant le gouvernement d’unité nationale) pendant les hostilités qui les ont opposées aux FAAL à Tripoli en 2020.
Impunité
Des cadres et des membres de milices et de groupes armés responsables de crimes de droit international jouissaient d’une impunité quasi totale. Les autorités continuaient de financer, sans les soumettre à un contrôle, des groupes armés et des milices qui se rendaient coupables d’exactions, et à intégrer leurs membres dans des organes de l’État.
En dépit des informations crédibles faisant état de l’implication de sa milice dans des crimes de guerre depuis 2011, le commandant de la Force centrale de sécurité d’Abou Salim, Abdel Ghani al Kikli, a été nommé en janvier à la tête de la nouvelle Autorité de soutien à la stabilité, chargée du maintien de l’ordre et du renseignement.
Les responsables libyens et ceux qui exerçaient un contrôle de fait sur une partie du territoire ne tenaient aucun compte des mandats d’arrêt émis par la CPI. Saïf al Islam Kadhafi, mis en cause par la CPI pour crimes contre l’humanité, s’est porté candidat à la présidence.
Recherché par la CPI pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité, Al Tuhamy Khaled est mort en février en Égypte, où il était en fuite. Sous le coup d’un mandat d’arrêt de la CPI pour les meurtres de 33 personnes commis à Benghazi et dans les environs, Mahmoud al Werfalli a été assassiné dans cette ville en mars.
En avril, à la suite d’une décision du procureur invoquant l’absence de preuves, le gouvernement d’unité nationale a remis en liberté Abdelrahman Milad, également connu sous le nom d’Al Bidja. Cet homme restait sous le coup de sanctions prononcées par le Conseil de sécurité [ONU] en juin 2018 pour son implication dans des faits de traite d’êtres humains. Il a repris ses fonctions de chef des gardes-côtes libyens pour le secteur ouest, à Zaouïa. De même, Osama al Kuni a conservé son poste de directeur du centre de détention d’Al Nasr, à Zaouïa, bien que son nom ait été ajouté sur la liste du Conseil de sécurité relative aux sanctions en raison de sa participation à des crimes commis contre des migrant·e·s et des réfugié·e·s.
Les FAAL ont indiqué en juin que des membres du groupe armé Tareq Ibn Zeyad avaient tué Mohamed al Kani, un commandant du groupe armé Al Kaniat, alors qu’il opposait une résistance à son arrestation. Des centaines de fosses communes contenant les corps d’hommes, de femmes et d’enfants qui auraient été tués illégalement par Al Kaniat ont été découvertes à Tarhounah après le retrait du groupe armé de la ville, en juin 2020. Bien que les autorités aient annoncé des enquêtes, aucun responsable présumé n’a été traduit en justice.
La Mission indépendante d’établissement des faits a indiqué en octobre que toutes les parties au conflit avaient commis des violations du droit international et que les atteintes commises contre les personnes réfugiées ou migrantes pourraient être constitutives de crimes contre l’humanité.
Violences sexuelles ou fondées sur le genre
Les autorités libyennes ne protégeaient pas les femmes, les filles et les personnes LGBTI contre les violences sexuelles ou fondées sur le genre, ni contre les homicides, les actes de torture et la privation illégale de liberté perpétrés par des milices, des groupes armés et d’autres acteurs non étatiques. Il était difficile pour les femmes et les filles d’obtenir justice en cas de viol ou d’autres violences sexuelles. Elles s’exposaient notamment à des poursuites pour avoir eu des relations sexuelles en dehors du mariage, considérées comme une infraction pénale en Libye, ainsi qu’à la vengeance des auteurs de ces actes. Des militantes et des femmes politiques, dont Najla al Mangoush, ministre des Affaires étrangères du gouvernement d’unité nationale, et Laila Ben Khalifa et Huneida al Mahdi, candidates à l’élection présidentielle, ont été victimes de violences misogynes et de menaces en ligne.
À la suite d’un différend familial, l’étudiante Widad al Sheriqi a été enlevée en février par des hommes armés emmenés par son père. Elle a été torturée et maintenue en captivité dans un lieu privé à Zaouïa, dont elle s’est évadée en mars.
En juillet, les Forces spéciales de dissuasion (Radaa) ont capturé une jeune fille victime de violences familiales et l’ont remise de force à ses proches.
Les groupes armés et les milices ont continué d’attaquer, de harceler et d’arrêter des personnes LGBTI. La loi sanctionnait toujours pénalement les relations consenties entre personnes de même sexe.
En septembre, un homme transgenre de Benghazi a fui la Libye après qu’un groupe armé affilié aux FAAL eut menacé de le tuer, ainsi que son ami.
Discrimination
Minorités ethniques et peuples autochtones
Dans le sud de la Libye, certains Toubous et Touaregs, en particulier ceux qui n’avaient pas de carte nationale d’identité, étaient en butte à des discriminations lorsqu’ils tentaient d’accéder à des services essentiels, notamment l’éducation et la santé, ou à des clubs de sport. À Koufra, dans le sud-est du pays, les Toubous n’avaient pas accès à la seule université de la ville car elle était située dans une zone contrôlée par des groupes armés rivaux. En septembre, le Premier ministre a annoncé la mise en place d’un comité chargé d’examiner les demandes de nationalité sujettes à controverse, qui émanaient essentiellement de membres de minorités ethniques.
Personnes déplacées
Près de 200 000 personnes restaient déplacées à l’intérieur du pays. Certaines étaient dans cette situation depuis plus de 10 ans. Craignant des représailles de la part de groupes armés ou confrontées au problème de la destruction de leurs biens, des milliers de personnes déplacées de l’est de la Libye étaient dans l’incapacité de rentrer chez elles. Plusieurs milliers d’habitant·e·s de la ville de Tawargha qui avaient été déplacés de force en 2011 ne pouvaient retourner chez eux en raison de la situation d’insécurité et de l’absence de services essentiels.
Les personnes déplacées se heurtaient à des obstacles pour accéder à l’éducation, aux soins de santé, au logement et à l’emploi à cause de l’inaction des gouvernements successifs, qui n’ont pas fait de leurs droits une priorité et ne les ont pas protégées contre la détention arbitraire, le risque d’expulsion et les autres attaques de groupes armés et de milices.
Droits des personnes réfugiées ou migrantes
Les réfugié·e·s et les migrant·e·s étaient soumis de façon systématique et généralisée à des atteintes aux droits humains aux mains d’agents de l’État ou de membres de milices et de groupes armés, en toute impunité.
Les gardes-côtes libyens, soutenus par l’UE, ont mis en péril la vie de réfugié·e·s et de migrant·e·s qui traversaient la Méditerranée en tirant des coups de feu sur leurs embarcations ou en les endommageant délibérément. Des personnes ont trouvé la mort du fait de ces agissements (voir Italie). Les gardes-côtes ont intercepté 32 425 réfugié·e·s et migrant·e·s qu’ils ont renvoyés de force en Libye, où des milliers d’entre eux ont été placés en détention pour une durée indéterminée dans des centres de la Direction de lutte contre la migration illégale (DCIM)4. Des milliers d’autres ont été soumis à une disparition forcée après leur débarquement.
En outre, des réfugié·e·s et des migrant·e·s ont été arrêtés arbitrairement chez eux, dans la rue ou à des postes de contrôle. En octobre, les forces de sécurité libyennes et des milices de Tripoli ont fait usage d’une force meurtrière et d’autres violences dans une opération contre plus de 5 000 hommes, femmes et enfants originaires d’Afrique subsaharienne5.
Gardiens et miliciens infligeaient des tortures et d’autres mauvais traitements – violences sexuelles ou fondées sur le genre, travail forcé et autres formes d’exploitation, notamment – aux personnes qu’ils détenaient, notamment dans le centre de la DCIM d’Al Mabani, qui a ouvert en janvier à Tripoli. Dans le centre de la DCIM de Shara Al Zawiya, à Tripoli, des gardiens ont violé des femmes et des jeunes filles migrantes ou les ont contraintes à avoir des relations sexuelles en échange de nourriture.
Les autorités de la DCIM dans l’est de la Libye ont expulsé, en dehors de toute procédure légale, au moins 2 839 personnes réfugiées ou migrantes vers le Tchad, l’Égypte et le Soudan.
Les autorités libyennes ont empêché le départ de plusieurs vols par lesquels des personnes demandeuses d’asile ou réfugiées devaient être évacuées ou réinstallées dans des pays tiers.
Des gardiens, des hommes en uniforme militaire et des miliciens ont ouvert le feu illégalement contre des réfugié·e·s et des migrant·e·s dans des centres de la DCIM ou lors de tentatives d’évasion. Au moins 10 personnes ont été tuées et des dizaines d’autres ont été blessées dans des incidents distincts survenus en février, avril, juillet et octobre au centre de détention d’Al Mabani et dans des centres contrôlés par la milice d’Abou Salim.
Droit à la santé
Lancée en avril, la campagne de vaccination contre le COVID-19 a connu un certain nombre de défaillances : retards, exclusion initiale des personnes sans papiers et non prise en compte prioritaire du personnel soignant et des personnes vulnérables. Les autorités libyennes ne se sont pas procuré de vaccins en quantité suffisante, n’ont pas effectué la campagne d’information nécessaire et n’ont pas fait en sorte que les personnes à risque bénéficient systématiquement du vaccin. Les migrant·e·s, les réfugié·e·s et les personnes déplacées ont rencontré des obstacles supplémentaires pour accéder à la vaccination en raison de pratiques de favoritisme ou discriminatoires. Les milices et les groupes armés, quant à eux, n’ont pas vacciné les personnes qu’ils détenaient. À la fin de l’année, 12 % seulement des Libyen·ne·s et moins de 1 % des étrangères et étrangers présentaient un schéma vaccinal complet.
Le secteur de la santé avait du mal à faire face car ses infrastructures et ses équipements étaient insuffisants ou endommagés, ce qui a contraint plusieurs centres de quarantaine pour le COVID-19 à fermer. Des hommes armés ont mené des attaques violentes, dont des enlèvements, contre des membres du personnel soignant et du personnel humanitaire.
Peine de mort
Le droit libyen maintenait la peine de mort pour toute une série d’infractions qui ne se limitaient pas à l’homicide volontaire, et des condamnations à mort ont continué d’être prononcées. Aucune exécution n’a eu lieu.
Invoquant des motifs liés à l’équité des procès, la Cour suprême a annulé en mai la condamnation à mort de Saïf al Islam Kadhafi et de huit autres personnes, et a ordonné la tenue d’un nouveau procès.