Afrique du Sud - Rapport annuel 2022

Afrique du Sud - Rapport annuel 2022

République d’Afrique du Sud
Chef de l’État et du gouvernement : Matamela Cyril Ramaphosa

Les actes de violence liés au genre ont continué de se multiplier, de même que les grossesses précoces. Le changement climatique et la mauvaise gestion des infrastructures par l’État ont accentué les effets de deux inondations survenues dans la province du KwaZulu-Natal. Les personnes déplacées par les inondations n’avaient pas accès à des médicaments ni à des soins médicaux, et l’approvisionnement en eau a été perturbé. Les conditions sanitaires étaient mauvaises dans les écoles publiques. Le nombre de ménages vivant dans des quartiers informels a augmenté. Le mouvement hostile aux personnes migrantes Operation Dudula a été lancé dans trois nouvelles provinces. Des personnes ont été blessées ou tuées lors de violences xénophobes. Cette année encore, la police a eu recours à une force excessive lors de la répression de manifestations ; le droit à la vie et à la sécurité de la personne a été bafoué. Les autorités n’ont pas fait le nécessaire pour que le secteur minier respecte les normes visant à empêcher les violations des droits humains. Il n’existait aucune loi obligeant le gouvernement et les entreprises privées à rendre des comptes quant aux engagements climatiques.

Contexte

Dix ans après le massacre de Marikana, lors duquel la police avait ouvert le feu sur des mineurs qui manifestaient, tuant 34 hommes, l’obligation de rendre des comptes n’avait, à peu de chose près, toujours pas été respectée.

La commission d’enquête sur la captation de l’État a publié son rapport. Elle a mis en lumière des allégations de corruption et d’autres abus regroupés sous l’expression « captation de l’État ». Un comité indépendant a été créé pour évaluer s’il y avait des raisons de mettre en accusation le président, Cyril Ramaphosa, au motif qu’il aurait passé sous silence le vol de plusieurs millions de rands (au moins 580 000 dollars des États-Unis) dont il aurait été victime lors du cambriolage de sa ferme de Phala Phala. En décembre, Cyril Ramaphosa a été réélu président du parti au pouvoir, le Congrès national africain (ANC).

Violences fondées sur le genre

Selon les chiffres officiels sur la criminalité publiés en novembre, toutes les formes de violences fondées sur le genre avaient augmenté par rapport à la même période de 2021. Les féminicides ont connu une hausse de 10,3 % : rien qu’entre juillet et septembre, 989 femmes ont été tuées. Le nombre d’infractions sexuelles a augmenté de 11 %, et celui des viols de 10,8 %.

Le conseil national chargé de veiller à la mise en œuvre du Plan stratégique national sur la violence liée au genre et les féminicides adopté en 2019 n’avait toujours pas été créé. L’examen de la première année écoulée depuis l’adoption de ce plan faisait apparaître que 55 % des objectifs affichés n’avaient pas été atteints. Les tests ADN en instance, d’une importance cruciale dans les affaires de violences fondées sur le genre, étaient encore au nombre de 64 911 au 1er décembre. Le rapport annuel 2021-2022 de la Direction indépendante d’enquête sur la police (IPID) a fait état d’une augmentation de 24 % des cas signalés de « viols perpétrés par un policier » (99 cas). Des poursuites ont été recommandées dans 64 affaires seulement, ce qui a suscité des préoccupations quant à l’affaiblissement du respect de l’obligation de rendre des comptes au sein de la police.
En juillet, le viol en réunion et le vol dont ont été victimes huit femmes à Krugersdorp (province du Gauteng) ont attiré l’attention sur la progression des infractions à caractère sexuel et des violences contre les femmes. Quatorze hommes ont dans un premier temps été rattachés à ces viols et inculpés, mais les charges retenues contre eux ont été abandonnées en octobre faute de preuves.

Droits sexuels et reproductifs

L’Afrique du Sud a continué d’enregistrer un nombre alarmant de grossesses précoces. Entre avril 2021 et mars 2022, 90 037 filles âgées de 10 à 19 ans ont accouché. L’accès limité à des services de santé sexuelle et reproductive, la pénurie de contraceptifs, l’absence d’éducation complète à la sexualité, la pauvreté et les violences fondées sur le genre ont contribué à ces grossesses précoces.

Droit à l’éducation

Le système éducatif public restait caractérisé par des infrastructures délabrées et dangereuses. Dans son rapport annuel 2021-2022, le ministère de l’Éducation de base (DEB) a indiqué que 2 982 écoles utilisaient toujours des latrines à fosse, en violation des droits à la santé, à la dignité, à la sécurité et à la vie. Le DEB a manqué plusieurs échéances pour supprimer et remplacer ces installations, mais il s’est engagé en janvier à le faire à l’horizon 2023. En juin, cependant, des propositions de modifications relatives à la réglementation sur les normes minimales unifiées applicables aux infrastructures scolaires publiques ont été présentées. Dans le projet de texte, toutes les dates butoirs étaient supprimées, ce qui permettait au ministère d’échapper à ses responsabilités et mettait la santé et la sécurité des élèves en danger.

Droit à la santé

En avril, le ministère de la Santé a proposé de modifier la réglementation relative à la surveillance et au contrôle des maladies à déclaration obligatoire afin de prévenir la propagation du COVID-19 et des autres maladies entrant dans cette catégorie. Ces modifications ne relevaient pas des dispositions adoptées au titre de l’état de catastrophe nationale, qui avaient été introduites en réaction à la pandémie de COVID-19 et levées en avril. Les dispositions proposées risquaient de porter atteinte aux droits humains : premièrement, parce qu’elles pouvaient éventuellement devenir permanentes et que le non-respect des règles était érigé en infraction ; deuxièmement, parce qu’elles imposaient des examens médicaux et des mesures de prophylaxie, y compris d’isolement et de quarantaine ; et enfin, parce que le texte était susceptible d’encourager le recours inutile ou excessif à la force par les organes chargés de l’application des lois, sous couvert de maintien de l’ordre, comme cela a été constaté lors des confinements liés au COVID-19. À la suite d’un tollé général, la date limite de transmission des observations a été reportée au 31 juillet, mais aucune information actualisée n’a été rendue publique par le ministère après avril.

Du fait des déplacements provoqués par les inondations dans la province du KwaZulu-Natal, en avril et mai, des personnes ont dû attendre jusqu’à neuf jours pour avoir accès aux médicaments ou aux soins médicaux dont elles avaient besoin (voir ci-après).

Droit à l’eau et à l’assainissement

En avril, les provinces du KwaZulu-Natal et du Cap-Est ont connu des précipitations extrêmes et des inondations. Les dommages subis par les infrastructures hydrauliques ont entraîné des perturbations généralisées de l’approvisionnement en eau sur l’ensemble du territoire de ces deux provinces. L’approvisionnement des populations a donc été intermittent, voire inexistant, pendant plusieurs mois. Les pouvoirs publics n’ont pris aucune mesure systématique pour satisfaire les besoins en eau de la population pendant cette période. Cet immobilisme, associé aux dégâts subis par les habitations, a accentué la crise en matière d’assainissement. Les inondations ont en effet détruit des toilettes publiques et des personnes étaient de ce fait contraintes de se soulager dehors. Plusieurs centres de santé du KwaZulu-Natal n’ont pas été suffisamment alimentés en eau. Selon les scientifiques, l’intensité des précipitations était accrue par le changement climatique, mais la mauvaise planification de l’espace et le manque d’entretien des infrastructures par les autorités locales n’ont fait qu’aggraver la situation.

De graves pénuries d’eau ont également affecté la métropole de la baie Nelson Mandela (province du Cap-Est), confrontée à une sécheresse depuis 2016. Le fait que les autorités locales ne réparaient pas les fuites a accentué la dernière crise hydrique : la ville a ainsi perdu 29 % de son approvisionnement en eau, selon les estimations.

Droits en matière de logement

Les inondations survenues dans la province du KwaZulu-Natal ont détruit au moins 8 584 logements et en ont endommagé 13 536. Selon la Direction générale de la protection civile et des opérations d’aide humanitaire européennes, 40 000 personnes ont été déplacées et se sont retrouvées sans abri. Les logements des personnes vivant dans le camp de transit d’Isipingo, dans le KwaZulu-Natal, ont de nouveau été inondés, ce qui arrivait régulièrement en cas de pluie. Les personnes concernées vivaient auparavant dans des quartiers informels autour de la ville de Durban et elles avaient été réinstallées dans un camp situé en zone inondable à Isipingo en 2009, avant la Coupe du monde de football de 2010. Les autorités s’étaient engagées à leur trouver une solution de relogement permanente dans les six mois, mais ces promesses n’ont pas été tenues.
Selon Statistics South Africa, un organe gouvernemental, le pourcentage de ménages vivant dans des quartiers informels est passé de 11,4 % en 2021 à 11,7 %.

Droits des personnes réfugiées ou migrantes

Des agressions xénophobes ont été perpétrées de façon sporadique tout au long de l’année et ont conduit à l’homicide d’Elvis Nyathi, un Zimbabwéen, en avril. Cet homme a été brûlé vif à Diepsloot, un township du nord de Johannesburg, car il n’avait pas pu présenter la preuve de son identité au groupe d’autodéfense qui avait exigé de la voir. Sept hommes ont été arrêtés puis libérés sous caution dans le cadre de l’enquête sur sa mort. Le procès continuait d’être repoussé. Des personnes migrantes présentes dans le secteur ont déclaré vivre constamment dans la peur. Le mouvement hostile aux personnes migrantes Operation Dudula, qui est né dans la province du Gauteng en 2021, a été lancé dans d’autres provinces, y compris celles du Cap-Ouest, du KwaZulu-Natal et du Nord-Ouest.

Recours excessif à la force

La police sud-africaine a, cette année encore, eu recours à une force excessive, ce qui a causé des blessures et la mort de personnes. Dans son rapport annuel 2021-2022, l’IPID a fait état de 5 295 nouveaux cas, dont 3 407 agressions, 744 cas d’usage d’une arme à feu officielle et 223 cas de personnes mortes aux mains de la police. Elle a également enregistré 410 morts résultant d’actions de la police, contre 353 l’année précédente.

  • Homicides illégaux

En août, quatre personnes ont été tuées lors d’une manifestation dénonçant le fait que les autorités ne fournissaient pas de services à Tembisa, un township de la province du Gauteng. Les enquêtes de l’IPID sur deux de ces homicides, dont la police était soupçonnée d’être responsable, étaient toujours en cours à la fin de l’année.

En juillet, quatre policiers ont été acquittés dans l’affaire de l’homicide de Mthokozisi Ntumba, tué en 2021 alors qu’il passait à proximité d’une manifestation étudiante à Braamfontein (Johannesburg).

Droit à la vie et à la sécurité de la personne

Selon les statistiques sur la criminalité portant sur la période allant de juillet à septembre publiées en novembre, le nombre d’homicides avait augmenté de 13,6 % par rapport à la même période en 2021. Les meurtres d’enfants ont augmenté de 9,8 %. Les cas d’enlèvement ont plus que doublé, avec 4 028 signalements. La plupart de ces cas étaient liés à un détournement, un vol ou un viol.
Une recrudescence des fusillades de masse a été observée dans tout le pays. En juin, lors du sommet de crise de Khayelitsha, il a été révélé que depuis le mois de mars, 26 personnes avaient été tuées dans des fusillades de masse dans ce township du Cap. En juillet, plus de 20 personnes ont été tuées dans deux fusillades qui ont eu lieu dans des bars à Soweto (Johannesburg) et à Pietermaritzburg (KwaZulu-Natal).

Quatre militant·e·s d’Abahlali baseMjondolo – le plus vaste mouvement post-apartheid du pays, qui plaidait en faveur de la fourniture de services de base aux plus démuni·e·s – ont été victimes d’homicides illégaux dans le KwaZulu-Natal en lien, semble-t-il, avec leurs activités. Trois arrestations ont eu lieu pour seulement l’un des homicides.

Responsabilité des entreprises

Les activités d’entreprises minières ont nui aux droits humains, en particulier aux droits à la santé, à l’éducation, à l’eau et à des moyens de subsistance, dans la région de Sekhukhune. Cette année encore, le ministère des Ressources minérales et de l’Énergie n’a pas amené les entreprises minières à rendre des comptes au regard de leurs programmes sociaux et professionnels. Or il s’agissait d’un mécanisme juridiquement contraignant qui, s’il avait été respecté, aurait en partie permis de remédier aux conséquences socioéconomiques négatives des activités minières et de prévenir certaines atteintes aux droits humainsconcernant la population locale.

Lutte contre la crise climatique

L’Afrique du Sud ne s’était toujours pas dotée d’une législation permettant d’amener les pouvoirs publics et les entreprises à rendre des comptes quant à leurs engagements climatiques. En février, un projet de loi relatif au changement climatique a été présenté au Parlement. Il avait pour objectif de permettre la mise en place de mesures efficaces et d’un processus équitable de transition à long terme vers une économie et une société résilientes et à faible émission carbone, dans le contexte du développement durable. D’aucuns craignaient que ce texte, tel qu’il se présentait alors, ne soit trop modéré au vu de la gravité, du caractère urgent et des impératifs transversaux de la crise climatique. Le texte était toujours en cours d’examen par l’Assemblée nationale à la fin de l’année.

L’Afrique du Sud a adopté une version révisée de sa contribution déterminée au niveau national en 2021 et a mis à jour son objectif de réduction des émissions à l’horizon 2030, en établissant une fourchette comprise en 12 et 32 % de réduction. Cet objectif n’était pas suffisant pour maintenir la hausse des températures mondiales au-dessous du seuil de 1,5 °C.

Par ailleurs, des scientifiques ont estimé que le changement climatique faisait doubler la probabilité de survenue d’inondations comme celles observées dans le KwaZulu-Natal en avril et mai, qui a fait 461 morts.

À la 27e Conférence des Nations unies sur les changements climatiques (COP27), le président Cyril Ramaphosa a présenté le Plan d’investissement pour une transition énergétique juste, un programme quinquennal visant à mobiliser 8,5 milliards de dollars des États-Unis dans le cadre d’un partenariat noué avec l’Allemagne, les États-Unis, la France, le Royaume-Uni et l’UE à la COP26. Les consultations portant sur ce plan ont débuté à la fin de l’année 2022. Les populations touchées par les activités minières dans la province du Mpumalanga y étaient déjà opposées, car elles n’avaient pas été consultées.

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