Des groupes armés et les forces armées gouvernementales ont commis de graves violations du droit international humanitaire. Le conflit armé a continué de saper les droits à l’alimentation, à l’eau, à la santé et à l’éducation. Des cas de détention arbitraire et des violations du droit à la liberté d’expression ont été signalés. Deux affaires judiciaires historiques et médiatisées concernant des homicides se sont enfin conclues, dont une en rapport avec le meurtre du président Thomas Sankara, commis en 1987.
Contexte
Le Burkina Faso a été le théâtre de deux coups d’État militaires. Le premier, en janvier, a été dirigé par le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba. Il a abouti au renversement du président Roch Marc Christian Kaboré et de son gouvernement, ainsi qu’à la fin de tous les mandats électifs en cours, tant parlementaires que locaux. L’armée a justifié le coup d’État en arguant la mauvaise gestion du conflit armé par les autorités, lequel continuait d’avoir de lourdes conséquences pour les civil·e·s. Les autorités militaires ont assigné Roch Marc Christian Kaboré à résidence jusqu’au 7 avril pour des raisons de « sécurité ».
L’état d’urgence a été renouvelé en avril, après deux mois de suspension. Le nouveau gouvernement a établi des zones militaires dans le nord et l’est du pays, et a ordonné aux civil·e·s de les évacuer. Une période de transition de deux ans avant l’élection présidentielle a été négociée, grâce à la médiation de la CEDEAO. En septembre, après des revers militaires dans le cadre du conflit armé, le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba a été renversé par des militaires, sous la direction du capitaine Ibrahim Traoré.
Violations du droit international humanitaire
- Groupes armés
Dans le nord et l’est du Burkina Faso, le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM) a bloqué l’accès à plusieurs villes et l’approvisionnement commercial de celles-ci. En février, le GSIM a coupé l’accès à Djibo en réaction à l’interdiction des autorités concernant les déplacements de personnes et de biens depuis cette ville vers les zones qui se trouvaient sous l’influence du Groupe. En juillet, la principale route menant à la ville de Sebba, dans laquelle 30 000 personnes déplacées venant des districts voisins s’étaient réfugiées, a également été coupée par le GSIM. Les blocus ont amoindri la sécurité alimentaire et réduit l’accès des civil·e·s aux médicaments et aux soins de santé.
En mars, des assaillants armés ont lancé une attaque à Arbinda, une ville de la province du Soum en état de siège depuis 2019, contre des personnes qui allaient chercher de l’eau. Sept personnes, dont trois civil·e·s, ont été tuées.
À Djibo, le GSIM a attaqué et détruit des biens à caractère civil, dont des infrastructures hydrauliques, ce qui a eu des répercussions pour plus de 300 000 habitant·e·s, selon le Conseil norvégien pour les réfugiés. Des commerçant·e·s et d’autres personnes tentant d’approvisionner la ville en nourriture ont été menacés de violences par des groupes armés, ce qui a amené les pouvoirs publics à déployer des escortes armées pour les aider à entrer dans Djibo. Le 26 septembre, un convoi civil d’approvisionnement composé de 207 véhicules qui se dirigeait vers Djibo sous escorte militaire a été attaqué par des assaillants armés à Gaskindé. Depuis cette attaque, le sort de 50 personnes demeurait inconnu. Aux dires des autorités, les corps de 11 militaires ont été retrouvés après l’attaque.
En juin, des membres de l’État islamique au Sahel (EIS) ont attaqué le village de Seytenga, tuant au moins 80 personnes, civiles pour la plupart. Les assaillants seraient rentrés dans les maisons, tuant les hommes. Des milliers d’habitant·e·s ont été déplacés ; quelque 16 000 personnes ont fui vers Dori, la capitale régionale, et 360 se sont réfugiées au Niger.
- Forces gouvernementales
En février, les forces françaises soutenant l’armée nationale ont tué quatre civil·e·s lors d’une frappe aérienne contre le groupe armé Ansarul Islam. Aucune enquête visant à déterminer la légalité de cette attaque n’avait été ouverte à la fin de l’année.
En avril, des médias ont indiqué que des dizaines de civil·e·s avaient été tués lors d’opérations militaires contre des groupes armés dans les villages de Sokoundou, Wassakoré et Tin-Rhassan (province de l’Oudalan), à proximité de la frontière avec le Mali. Aucune enquête n’a été diligentée.
En août, les autorités nationales ont reconnu leur responsabilité dans la mort de « plusieurs » civil·e·s lors de frappes aériennes contre des groupes armés sur l’axe Kompienga-Pognoa, près de la frontière avec le Togo. Selon les médias, une trentaine de civil·e·s, principalement des femmes, ont été tués dans ces circonstances.
Le 30 décembre, deux quartiers de la ville de Nouna (province de la Kossi), peuplés en majorité de membres du groupe ethnique peul, ont été attaqués par des forces auxiliaires du gouvernement. Au moins 86 personnes ont été tuées selon des sources locales. Le parquet de Nouna a annoncé une enquête sur ces homicides.
Droit à l’alimentation
La hausse des prix des biens de consommation liée au conflit et les variations climatiques ont eu de lourdes conséquences sur la sécurité alimentaire au Burkina Faso. Selon le Bureau des Nations unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA), 4,9 millions de personnes ont été confrontées à l’insécurité alimentaire entre le début de l’année et le mois de septembre, notamment de nombreuses personnes déplacées qui avaient fui leur domicile et perdu leurs moyens de subsistance en raison du conflit. Environ 180 000 enfants souffraient de malnutrition chronique, toujours selon l’OCHA. C’est dans les régions du Nord, du Sahel et de l’Est, où les groupes armés étaient le plus actifs, que la situation était la plus grave.
Droit à l’éducation
Selon l’UNICEF, 4 258 écoles étaient fermées ou à l’arrêt fin septembre, en raison du conflit. Les autorités nationales, avec le soutien de l’UNICEF et d’autres organisations, ont mis au point des émissions de radio pédagogiques à destination des enfants déplacés par le conflit ou qui n’étaient pas scolarisés pour d’autres raisons. En septembre, l’UNICEF a annoncé que 292 861 enfants avaient eu accès à ces émissions.
Liberté d’expression
En mars, l’ancien président de l’Assemblée nationale, Alassane Bala Sakandé, a été arrêté, détenu et interrogé par la gendarmerie avant d’être libéré sans inculpation le jour même. Le 24 mars, avant son arrestation et son placement en détention, il avait publié un communiqué de presse dans lequel il appelait à mettre fin à la détention illégale du président destitué, Roch Marc Christian Kaboré.
Le 19 mai, Luc Pagbelguem, journaliste de la chaîne de télévision BF1, a été agressé par un détachement de sécurité du Premier ministre de transition, Albert Ouédraogo, alors qu’il couvrait un événement. Cela a poussé des organisations professionnelles des médias à publier, le 26 mai, un communiqué dénonçant l’agression de Luc Pagbelguem et les manœuvres d’intimidation visant plusieurs autres journalistes au Burkina Faso.
Droit à la vérité, à la justice et à des réparations
En avril, un tribunal militaire siégeant à Ouagadougou, la capitale, a déclaré l’ancien président Blaise Compaoré et son chef de la sécurité de l’époque, Hyacinthe Kafando, coupables de l’homicide du président Thomas Sankara et de 12 autres représentants de l’État, perpétré en 1987. Ces deux hommes ont été condamnés par contumace à la réclusion à perpétuité. Le général Gilbert Diendéré s’est vu infliger la même peine. Huit autres accusés ont été déclarés coupables et condamnés à des peines allant de trois à 20 ans d’emprisonnement, tandis que trois ont été acquittés. En mai, le tribunal militaire a ordonné à Blaise Compaoré et neuf des autres hommes déclarés coupables de verser 800 millions de francs CFA (1,2 million d’euros) aux familles de Thomas Sankara et des 12 autres victimes à titre d’indemnisation.
Gilbert Diendéré a également été déclaré coupable en mai de complicité d’arrestation illégale et séquestration aggravée du dirigeant syndical étudiant Boukary Dabo et condamné à 20 ans de réclusion et à une amende d’un million de francs CFA (1 450 euros) par le tribunal de grande instance de Ouagadougou. Ces infractions, commises en 1990, avaient conduit à la mort de Boukary Dabo. Deux autres personnes accusées dans la même affaire ont été condamnées respectivement à 10 et 30 ans de réclusion et au paiement de dommages et intérêts.