Des textes portant modification de deux lois ont été adoptés par le Sénat, ce qui risquait d’entraîner des restrictions du droit à la liberté d’expression. Des partis politiques et des organisations de la société civile ont publié un rapport dans lequel ils recommandaient un processus visant à accorder des réparations aux victimes des violences électorales. La quête de justice des victimes de violences sexuelles ou fondées sur le genre demeurait semée d’embûches. Plusieurs bâtiments présentant des défauts de construction se sont effondrés, provoquant des morts. Les pouvoirs publics ont adopté des mesures pour concrétiser les droits à la santé et à l’alimentation. Des militant·e·s et les populations locales ont continué de condamner la déforestation, et les autorités ont pris des dispositions pour lutter contre les dégradations de l’environnement.
Contexte
L’année a été marquée par la hausse du coût de la vie, un afflux de personnes réfugiées fuyant le conflit armé au Burkina Faso, et la poursuite du « dialogue politique » entre le parti au pouvoir, les partis d’opposition et les organisations de la société civile. Ce dialogue devait aboutir à un accord sur les mesures nécessaires pour parvenir à un « apaisement politique » et au « renforcement de la culture démocratique », et ainsi mettre fin à des décennies de crise politique.
Une crise diplomatique a éclaté avec le Mali après que ce pays a arrêté 49 militaires ivoiriens, qualifiés de mercenaires, au mois de juillet. En août, la militante Pulchérie Edith Gbalet a été appréhendée après avoir séjourné au Mali et publié une vidéo critiquant la gestion de la crise par les autorités ivoiriennes.
Liberté d’expression et de réunion
En décembre, le Sénat a adopté deux projets de loi portant modification des législations relatives à la presse et à la communication audiovisuelle, respectivement, afin de lutter contre la publication de fausses informations et de faire en sorte que les personnes actives sur Internet, en particulier les blogueurs et blogueuses, les militant·e·s et les personnalités influentes, soient soumises à une réglementation par les autorités compétentes. Des militant·e·s ont mis en garde pendant l’année contre le fait que, si ces textes étaient promulgués, ils pourraient servir à réprimer le droit à la liberté d’expression en ligne et à prendre pour cible les détracteurs et détractrices des autorités.
En avril, des manifestant·e·s ont été blessés à Bouaké lorsque la police a utilisé du gaz lacrymogène pour les disperser. Plus de 20 étudiant·e·s ont été arrêtés avant d’être libérés le mois suivant. Ils réclamaient de meilleures conditions pour pouvoir étudier.
En décembre, 46 titulaires de doctorat ont été arrêtés à Abidjan lors d’une marche ayant pour objectif de remettre au Premier ministre une liste de revendications, dans laquelle ils demandaient des emplois dans la fonction publique. Après une semaine de détention, une femme a été relaxée et les 45 autres personnes ont été condamnées à quatre mois d’emprisonnement avec sursis pour trouble à l’ordre public.
Droit à la vérité, à la justice et à des réparations
Le rapport publié en mars à l’issue de la phase 5 du dialogue politique recommandait des mesures destinées à garantir des élections pacifiques et la mise en place d’un mécanisme permettant aux victimes des violences électorales de 2020 d’obtenir réparation. Selon les chiffres officiels, 85 personnes avaient été tuées et des centaines avaient été blessées lors de manifestations et d’affrontements entre sympathisant·e·s du parti au pouvoir et de l’opposition en 2020.
Violences sexuelles ou fondées sur le genre
En mars, la Fédération internationale pour les droits humains a publié un rapport mettant en lumière les obstacles auxquels étaient confrontées les victimes de violences sexuelles ou fondées sur le genre, tels que les pressions en faveur d’un règlement à l’amiable, l’insuffisance des ressources au sein des services sociaux ou encore le manque d’assistance juridique et judiciaire.
Droits en matière de logement
Faute d’une surveillance suffisante de la part des pouvoirs publics, des personnes vivaient dans des logements dangereux ou inadéquats. Des bâtiments érigés sans permis et présentant des défauts de construction se sont effondrés, faisant plusieurs morts. À Abidjan, deux accidents de ce type sont survenus en l’espace de 30 jours. En février, un immeuble en construction s’est écroulé sur des maisons à Treichville, faisant au moins cinq morts et plus de 20 blessé·e·s. En mars, un bâtiment résidentiel s’est effondré à Cocody, causant la mort de sept personnes et l’hospitalisation de 13 autres. Le 9 mars, le gouvernement a annoncé des mesures pour remédier à ce problème, notamment des sanctions administratives pour les fonctionnaires qui permettaient à ces constructions de voir le jour sans autorisation, et la création d’une brigade de contrôle mixte chargée de surveiller l’application des réglementations. Aux dires des autorités, cette brigade se composait de représentant·e·s des mairies, des districts et de la Direction de l’assainissement urbain et du drainage.
Droit à la santé
La campagne de vaccination contre le COVID-19 s’est poursuivie, et le nombre d’injections a plus que doublé entre décembre 2021 et mars 2022. En mars, la vaccination a été étendue aux adolescent·e·s.
En septembre, un décret du Conseil des ministres a rendu obligatoire l’adhésion de tous et toutes à la couverture maladie universelle. Celle-ci devait couvrir 70 % des frais médicaux et rendre les soins de santé plus abordables.
Droit à l’alimentation
En mars, les pouvoirs publics ont annoncé un ensemble de mesures destinées à endiguer la hausse du coût de la vie, y compris une surveillance renforcée permettant de contrôler les prix de certains produits alimentaires. En août, le président a annoncé de nouvelles mesures en faveur du pouvoir d’achat, notamment des avantages sociaux accrus pour les fonctionnaires.
En juillet, le Conseil national de lutte contre la vie chère, créé pour combattre l’inflation, a sanctionné environ 2 000 commerçant·e·s qui n’avaient pas respecté l’encadrement des prix des produits protégés.
Dégradations de l’environnement
Le Conseil du café-cacao, chargé de réguler, stabiliser et développer la filière de production du café et du cacao, a annoncé le lancement, en avril, d’un système permettant de suivre la production de cacao depuis la plantation jusqu’au port d’exportation, afin de lutter contre le travail des enfants et la déforestation.
En mai, le ministre d’État chargé de l’Agriculture et du Développement rural et le ministre de l’Environnement et du Développement durable ont signé un protocole d’accord avec Genesis, un organisme français spécialisé dans l’évaluation des impacts environnementaux. Aux termes de ce protocole, l’organisme devait évaluer les répercussions des projets de restauration des sols financés dans le cadre de l’Initiative d’Abidjan, un mécanisme public visant à lutter contre la déforestation et à encourager la restauration des forêts. Le même mois, le Premier ministre a annoncé que l’État avait replanté 38 millions d’arbres en moins de trois ans.
En parallèle, des villageois·es de Bébou ont réclamé que les pouvoirs publics les aident à combattre les plantations illégales de cacao, qui détruisaient les forêts, y compris la forêt classée de Bossématié. En juin, des militant·e·s ont lancé une pétition appelant les autorités à renoncer à un projet qui allait détruire des hectares de terres dans un parc naturel pour permettre l’implantation d’un hôtel à Bingerville.