La sécheresse persistante et les cyclones récurrents ont eu des conséquences catastrophiques sur l’accès à la nourriture, à l’eau et à l’assainissement. Les établissements carcéraux étaient surpeuplés et les conditions de détention y étaient déplorables. Les autorités ont restreint le droit à la liberté d’expression. Des personnes défenseures des droits humains, militantes ou lanceuses d’alerte ont cette année encore fait l’objet de persécutions judiciaires, et un défenseur de l’environnement a été assassiné. Les cas de discrimination et de violence visant des personnes atteintes d’albinisme se sont multipliés. L’avortement était toujours puni par la loi.
Contexte
Entre janvier et avril, six tempêtes et cyclones tropicaux ont touché le pays, provoquant des dégâts qui sont venus s’ajouter aux effets de la sécheresse prolongée. Plus de 200 personnes ont péri et les moyens de subsistance de plus de 570 000 Malgaches ont été gravement perturbés. Partout dans le pays, des infrastructures publiques, telles que des écoles, des routes et des centres médicaux, ont été détruites.
En février, Imbiki Herilaza a démissionné de son poste de ministre de la Justice sur fond d’allégations de corruption, à la suite du partage sur les réseaux sociaux d’enregistrements audio dans lesquels on l’entendait réclamer des pots-de-vin.
En septembre, quelque 1,4 million de personnes, soit environ 5,4 % de la population, avaient été vaccinées contre le COVID-19.
Droit à l’alimentation
Dans le sud de Madagascar, la population a continué de souffrir des conséquences d’une sécheresse persistante et de l’insécurité alimentaire. Le taux de malnutrition a augmenté dans cette région du pays, et l’accès à l’eau, à des installations sanitaires et à l’hygiène est devenu de plus en plus précaire. Selon le Programme alimentaire mondial (PAM), un tiers de la population de la région du Grand Sud se trouvait en situation d’insécurité alimentaire grave.
Les tempêtes et cyclones tropicaux ont touché principalement l’est et le centre du pays, aggravant l’insécurité alimentaire. Selon le PAM, au moins 470 000 personnes dans les régions concernées avaient besoin d’une aide alimentaire d’urgence.
Droits des personnes détenues
Les établissements carcéraux étaient surpeuplés et les conditions de détention y étaient déplorables. En juin, le président Andry Rajoelina a commué les peines de 11 316 détenu·e·s et gracié au moins 2 902 prisonnières et prisonniers, qui avaient notamment été condamnés pour des infractions mineures et qui n’avaient plus que trois mois ou moins à purger.
Défenseur·e·s des droits humains
Au premier trimestre, des acteurs et actrices de la société civile ont organisé des consultations nationales et des réunions avec des membres du ministère de la Justice afin de débattre de la future loi sur la protection des défenseur·e·s et militant·e·s des droits humains, notamment des défenseur·e·s de l’environnement et des lanceurs et lanceuses d’alerte. À la suite de cela, le 18 octobre, un député a soumis pour discussion à l’Assemblée nationale la proposition de loi no 004-2022/PL. Toutefois, aucune date n’avait été fixée à la fin de l’année pour l’examen de ce texte. Des organisations malgaches de défense des droits humains ont déploré l’absence dans cette proposition de loi des principales conclusions des consultations nationales.
- Procès inéquitables
Des lanceurs et lanceuses d’alerte et des défenseur·e·s des droits humains ont fait l’objet de harcèlement et de persécutions judiciaires pour avoir dénoncé des cas de corruption.
En février, le défenseur des droits humains et enseignant Jeannot Randriamanana a diffusé sur les réseaux sociaux des informations concernant le détournement présumé par les autorités locales de l’aide humanitaire destinée aux populations touchées par les cyclones Batsirai et Emnati dans le district de Nosy Varika. Le 17 mars, le tribunal correctionnel de Mananjary l’a condamné à deux ans d’emprisonnement avec sursis pour diffamation et humiliation de fonctionnaires et de membres du Parlement et usurpation d’identité. Il a été mis en liberté provisoire le 10 mai, après deux mois de détention arbitraire. Le 12 juillet, la cour d’appel de Fianarantsoa a confirmé le verdict rendu en première instance. En septembre, les avocats de Jeannot Randriamanana ont formé un recours contre sa condamnation devant la Cour suprême. La date de l’audience n’avait pas encore été fixée à la fin de l’année.
Le 26 mai, le tribunal correctionnel d’Antananarivo a condamné Ravo Ramasomanana, qui avait été suspendu de son poste au ministère de la Santé publique, à six mois d’emprisonnement avec sursis assortis d’une amende de deux millions d’ariarys malgaches (environ 440 dollars des États-Unis). Il l’a déclaré coupable de diffamation de fonctionnaires pour un SMS anonyme jugé insultant à l’égard de la gendarmerie.
- Droit à la vie
Le 2 juin, Henri Rakotoarisoa, militant écologiste âgé de 70 ans et président de l’association locale Mialo, a été tué à coups de couteau dans le district de Moramanga, dans l’est du pays. Le 18 novembre, le tribunal correctionnel d’Ambatolampy a condamné huit personnes à la réclusion à perpétuité pour « assassinat » (article 295 du Code pénal) et deux autres à une peine de trois ans d’emprisonnement pour « non-assistance à personne en danger » (article 304 du Code pénal). Deux autres accusés ont été acquittés faute de preuves suffisantes. Le tribunal a par ailleurs condamné les 10 accusés déclarés coupables à verser 40 millions d’ariarys malgaches (environ 8 880 dollars des États-Unis) de dommages et intérêts à la famille d’Henri Rakotoarisoa. Ce militant était très engagé dans la dénonciation du trafic de bois et de l’exploitation forestière illégale dans le fokontany d’Ankazondandy.
Discrimination
- Personnes atteintes d’albinisme
La discrimination et les agressions violentes visant des personnes atteintes d’albinisme ont augmenté, avec notamment des cas de meurtres et de mutilations. Selon une déclaration de l’experte indépendante des Nations unies sur la jouissance des droits de l’homme par les personnes atteintes d’albinisme en octobre, le nombre d’agressions a doublé en 2022 par rapport à la même période en 2021. Ces agressions ont principalement visé des enfants, en particulier dans le sud du pays, où persistaient de dangereuses superstitions au sujet de l’albinisme. En février, un petit garçon de trois ans a été enlevé à Fort Dauphin, une ville du sud du pays. Les agresseurs, qui n’ont pas été identifiés mais étaient, semble-t-il, des voleurs de bétail, ont tué la mère de cet enfant et blessé un de ses oncles. Le 4 mars, le corps mutilé d’un garçon de six ans a été découvert dans la commune de Berano (district d’Amboasary Atsimo).
Fin août, dans un village du district d’Ikongo (sud-est du pays), des hommes non identifiés ont tué une femme et enlevé son enfant de trois ans. La police a arrêté quatre suspects et, le 29 août, plusieurs centaines d’habitant·e·s de la commune se sont rassemblés devant le poste de police pour demander des comptes. Ils auraient lancé des pierres et la police a répliqué en tirant des coups de feu, tuant près d’une vingtaine de personnes. On ignorait toujours ce qu’il était advenu de l’enfant à la fin de l’année.
En septembre, un établissement scolaire privé situé à Ivato, dans la banlieue d’Antananarivo, la capitale, a refusé l’inscription d’un garçon de 17 ans. L’établissement a expliqué qu’il devait préserver son image et déclaré qu’il n’était pas prêt à accepter des enfants atteints d’albinisme.
Droits sexuels et reproductifs
L’avortement demeurait une infraction pénale. En mai 2022, la présidente du Bureau permanent de l’Assemblée nationale a rejeté la proposition de loi no 004-2021/PL portant modification de l’article 317 du Code pénal et visant à dépénaliser l’interruption de grossesse, sans que ce texte ait été soumis au vote de l’Assemblée. La députée exerçant la fonction de porte-parole du Bureau permanent a déclaré que cette proposition de loi était « incompatible avec la culture et les valeurs malgaches ». Ce texte visait à dépénaliser l’avortement lorsque la grossesse présentait un risque pour la vie de la femme ou de la fille enceinte, en cas de grave malformation du fœtus, ou lorsque la grossesse résultait d’un viol ou d’un inceste.