Zimbabwe - Rapport annuel 2022

Zimbabwe - Rapport annuel 2022

République du Zimbabwe
Chef de l’État et du gouvernement : Emmerson Dambudzo Mnangagwa

Des journalistes ont été arrêtés au titre de la législation sur la cybercriminalité, dans un contexte de menaces pesant sur le droit à la liberté d’expression. Le projet de modification de la Loi relative aux organisations bénévoles privées représentait quant à lui un danger pour le droit à la liberté d’association. Des membres et sympathisant·e·s du principal parti d’opposition ont été violemment attaqués lors de rassemblements politiques. Deux personnes au moins sont mortes à la suite de telles agressions. Des étudiant·e·s qui manifestaient contre la forte augmentation des frais de scolarité ont été arrêtés. Le gouvernement a instrumentalisé la loi pour persécuter des membres de l’opposition politique. Deux jeunes hommes ont été tués illégalement par les forces de l’ordre en août, dans deux affaires distinctes. Les autorités ont pris des mesures pour endiguer la propagation d’une épidémie de rougeole, qui a provoqué la mort de plusieurs centaines d’enfants. Une loi interdisant le mariage précoce et le mariage des enfants a été adoptée.

Liberté d’expression, d’association et de réunion

Les droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique étaient de plus en plus menacés. Des journalistes ont été arrêtés au titre de la législation sur la cybercriminalité ; un nouveau projet de loi portant modification de la Loi relative aux organisations bénévoles privées a été présenté au Parlement ; et des membres de la Coalition des citoyen·ne·s pour le changement (CCC), le principal parti d’opposition, ont été intimidés, harcelés, attaqués et agressés lors des élections législatives et des élections locales partielles qui se sont tenues en mars.

Les premières personnes à être arrêtées au titre de la Loi relative à la cybersécurité et à la protection des données, adoptée en décembre 2021, ont été trois journalistes, interpellés en août et en septembre. Wisdom Mdzungairi, directeur de publication pour Alpha Media Holdings et rédacteur en chef du journal NewsDay, et Desmond Chingarande, grand reporter à NewsDay, ont été convoqués au commissariat central de Harare, la capitale. Ils ont été interrogés à propos d’un article qu’ils avaient publié sur une entreprise privée dirigée semble-t-il par des personnes ayant des liens avec le gouvernement. Ils ont été inculpés de diffusion de « fausses informations dans l’intention de nuire » et remis en liberté trois heures plus tard, après que leur avocat eut donné l’assurance qu’ils se mettraient à la disposition de la police pour être de nouveau entendus si cela s’avérait nécessaire.

Le 29 septembre, le journaliste sportif indépendant Hope Chizuzu a été arrêté sur la base des mêmes accusations à la suite d’une plainte déposée contre lui par des membres du conseil d’administration du Dynamos Football Club. Son téléphone portable et sa tablette numérique ont été saisis et conservés par la police pour « complément d’enquête ». Il a été remis en liberté le jour même après avoir reçu un avertissement de la part de la police, qui lui a précisé qu’il serait prochainement cité à comparaître.

En juin, le ministre du Service public, du Travail et de la Protection sociale a présenté devant le Parlement un projet de modification de la Loi relative aux organisations bénévoles privées. Les dispositions de ce texte risquaient de porter atteinte au droit à la liberté d’association et de menacer l’existence même des organisations de la société civile, ainsi que leur fonctionnement. L’article 2 octroyait ainsi au ministre des pouvoirs discrétionnaires très étendus lui permettant de désigner une organisation comme étant « à haut risque » ou « vulnérable » s’agissant d’une possible instrumentalisation par des « organisations terroristes ». Il n’était pas prévu que les organisations bénévoles privées et leurs représentant·e·s aient leur mot à dire sur l’évaluation de leur vulnérabilité. L’article 5 prévoyait en outre l’annulation de l’enregistrement de toute organisation bénévole privée s’il s’avérait qu’elle se livrait à des activités politiques. Cette disposition ferait peser une menace particulière sur les organisations de défense des droits humains.

Le droit à la liberté de réunion pacifique n’a cessé d’être bafoué et mis à mal par la police et par des sympathisant·e·s du parti au pouvoir, l’Union nationale africaine du Zimbabwe-Front patriotique (ZANU-PF), qui ont perturbé des rassemblements de la CCC et s’en sont pris à ses membres. Le 27 février, un groupe de jeunes de la ZANU-PF qui étaient, selon les informations recueillies, armés de machettes, de bouteilles de bière, de barres de fer, de lances et de briques, ont fait irruption dans un rassemblement de la CCC organisé à Kwekwe et tenté d’empêcher les personnes présentes d’y assister. Un sympathisant de la CCC âgé de 30 ans, Mboneni Ncube, est mort après avoir été frappé à l’arme blanche ; 17 autres personnes ont été blessées dans cette attaque. S’exprimant dans un rassemblement de la ZANU-PF tenu la veille au stade Mbizo de Kwekwe, le vice-président du Zimbabwe, Constantino Chiwenga, avait lancé une sinistre mise en garde, indiquant que le parti au pouvoir allait écraser la CCC « comme on écrase un pou ».

Le 17 mars à Harare, peu de temps avant l’élection législative partielle, des membres de la police nationale s’en sont pris violemment à Godfrey Karembera, sympathisant de la CCC. La police a déclaré que les agents étaient intervenus pour empêcher l’intéressé de « se livrer à des activités politiques interdites dans le district central de Harare ».

Le 12 septembre, la police a arrêté 14 étudiant·e·s de l’Université du Zimbabwe qui avaient manifesté pacifiquement dans le cadre du mouvement #FeesMustFall contre la forte augmentation des frais de scolarité. Douze d’entre eux ont été remis en liberté dans la soirée du 13 septembre après s’être acquittés d’une amende d’un montant équivalent à 3,31 dollars des États-Unis. Les deux autres personnes interpellées ont comparu devant un juge le 14 septembre et ont été libérées sous caution. Cinq autres étudiant·e·s ont été arrêtés le 14 septembre, conduits au poste de police d’Avondale et inculpés de troubles à l’ordre public.

Détention arbitraire

Les autorités ont instrumentalisé la loi pour persécuter des membres et des sympathisant·e·s de la CCC, les soumettant à des arrestations arbitraires, des détentions illégales et des procès inéquitables. Le 6 février, à Gweru, la police a arrêté 10 personnes qui faisaient campagne pour ce parti dans le quartier de Mkoba, dans le cadre d’une tournée électorale à l’approche des élections partielles. Ces personnes ont été remises en liberté deux jours plus tard.

Deux députés de la CCC, Job Sikhala (par ailleurs président du parti) et Godfrey Sithole (député de la circonscription de Chitungwiza-Nord), ont été arrêtés le 14 juin et inculpés d’incitation à la violence lors de la veillée funèbre pour Moreblessing Ali, qui s’est tenue à Nyatsime, un faubourg de Chitungwiza. Militante de la CCC, Moreblessing Ali avait été enlevée à Nyatsime le 24 mai, semble-t-il par un sympathisant de la ZANU-PF. Son corps a été retrouvé dans un puits en juin. La police a accusé Job Sikhala d’avoir incité les sympathisant·e·s de la CCC à commettre des violences pour venger la mort de Moreblessing Ali parce qu’il avait lu, pendant la veillée funèbre, une déclaration de la famille à propos des circonstances du décès. Quatorze autres membres de la CCC qui étaient présents à la veillée funèbre ont également été arrêtés. Les « 16 de Nyatsime », ainsi qu’on les a baptisés, se sont vu refuser leur libération sous caution lors de leur comparution devant le tribunal de première instance, et n’ont pas été autorisés à consulter leurs avocats pendant leur détention provisoire. Après plusieurs recours devant des juridictions inférieures et supérieures, Godfrey Sithole a été libéré le 10 novembre par une magistrate de Harare moyennant une caution d’un montant équivalant à 470 dollars des États-Unis ; après avoir passé plus de 150 jours en détention, les 14 militant·e·s de la CCC ont eux aussi été remis en liberté sous caution (chacun pour un montant équivalant à 78 dollars des États-Unis), le 15 novembre, sur décision de la Haute Cour. En revanche, Job Sikhala était toujours en détention à la fin de l’année et son procès était en cours.

Des membres d’organisations de la société civile ont eux aussi fait l’objet d’arrestations arbitraires. Dix membres du Réseau de soutien aux élections au Zimbabwe (ZESN) ont été arrêtés par la police le 8 février à Mbare, dans la banlieue de Harare. Ils ont été détenus au poste de police de Mbare pour avoir mené une action d’éducation de l’électorat sans autorisation officielle, puis ont été remis en liberté sans inculpation. Obert Masaraure, président du Syndicat des enseignant·e·s ruraux du Zimbabwe (ARTUZ), a été arrêté le 8 juillet par des fonctionnaires de la police nationale et inculpé d’incitation à la violence publique, après qu’il eut publié un tweet réclamant la libération de son camarade de l’ARTUZ Robson Chere. Celui-ci avait été arrêté le 5 juillet et inculpé du meurtre, commis en 2016, d’un autre membre du syndicat, des faits pour lesquels Obert Masaraure lui-même avait déjà fait l’objet d’une arrestation et était toujours sous le coup d’une inculpation. Dans l’affaire du tweet, le président de l’ARTUZ, après le rejet de sa demande de libération sous caution en première instance, a finalement été remis en liberté le 4 août par la Haute Cour siégeant à Harare moyennant une caution d’un montant équivalant à 107 dollars des États-Unis.

Homicides illégaux

Tawanda Zvinowanda a été tué en garde à vue le 17 août par des membres de la police nationale. Soupçonné de vol, il avait été arrêté chez lui, à Chitungwiza (province du Mashonaland-Est), le matin même par des agents en civil du service des enquêtes criminelles. Selon le témoignage de sa femme, il a été frappé brutalement par les trois policiers venus l’arrêter, puis a été menotté et placé dans le coffre d’un véhicule. Les policiers ne lui ont pas signifié, ni à sa famille, les motifs de son arrestation. Lorsque ses proches sont allés s’enquérir de lui au poste de police local de Makoni, on leur a répondu ne pas avoir trace de lui. La famille de Tawanda Zvinowanda a été prévenue le matin du 18 août que le jeune homme était mort la veille dans l’unité L du cimetière de Chitungwiza, où les policiers l’avaient conduit pour qu’il leur montre une prétendue cache d’armes. Alors qu’il était menotté à ce moment-là, les policiers ont affirmé qu’il avait tenté, une fois dans le cimetière, de frapper l’un d’entre eux avec une machette, et que le policier visé l’avait abattu.

Levy Musendo, qui souffrait de troubles mentaux, a été tué le 20 août par des militaires de la Garde présidentielle après avoir été accusé d’avoir tenté de pénétrer dans la résidence officielle du chef de l’État, à Harare. Levy Musendo avait quitté son domicile, à Mufakose, le 19 août. Ne le voyant pas revenir, sa famille a signalé sa disparition. Le lendemain, un policier qui n’a pas décliné son identité a pris contact avec la famille pour la prévenir que Levy Musendo avait été arrêté et qu’il se trouvait au commissariat central de Harare. Ses proches se sont rendus sur place le matin même, mais ils ont dû attendre plusieurs heures avant d’obtenir des informations sur l’endroit où il se trouvait. On leur a finalement indiqué que Levy Musendo avait été conduit à l’hôpital Parirenyatwa alors qu’il présentait « de graves blessures et saignait abondamment du nez et de la bouche ». À l’hôpital, des membres du personnel infirmier auraient dit à la famille que le corps de Levy Musendo avait été amené par des militaires en uniforme, qui leur avaient intimé l’ordre de ne pas révéler que l’intéressé était déjà mort à son arrivée. Les parents de Levy Musendo ont accusé la police et la Garde présidentielle de tenter de dissimuler le meurtre de leur fils. La police a annoncé le 25 août qu’elle avait ouvert une enquête sur ce décès.

Droit à la santé

Le ministère de la Santé et de la Protection de l’enfance a signalé en avril la survenue d’une épidémie de rougeole dans le district de Mutasa (province du Manicaland). Le virus s’est propagé à d’autres parties du pays et a fait plus de 750 morts parmi les enfants âgés de moins de cinq ans. Face à cette épidémie, le gouvernement et ses partenaires de l’UNICEF et de l’OMS ont mis en place au sein des communautés religieuses apostoliques un modèle de communication visant à favoriser un changement social et comportemental, dans l’objectif que les services et les traitements modernes soient mieux compris et que les populations puissent y accéder plus facilement. Les autorités ont en outre lancé en urgence un programme de vaccination et de rappel contre la rougeole en direction de plus de deux millions d’enfants âgés de moins de cinq ans.

Droits des enfants

Le Parlement a adopté en mars la Loi portant modification de la Loi sur le mariage, qui interdisait le mariage précoce et le mariage des enfants. Selon Zimstat, l’agence nationale de statistique, 33,7 % des filles âgées de moins de 18 ans étaient mariées, contre seulement 2 % des garçons de cette tranche d’âge.

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