Mexique - Rapport annuel 2022

États-Unis du Mexique
Chef de l’État et du gouvernement : Andrés Manuel López Obrador

Le gouvernement a continué de stigmatiser les féministes et les défenseur·e·s des droits humains qui dénonçaient son inaction face aux violences fondées sur le genre. Dans certains États, les forces de sécurité n’ont pas hésité à brutalement réprimer les mouvements de contestation de femmes. Les meurtres de journalistes atteignaient toujours des sommets, alors même que les victimes bénéficiaient bien souvent au moment de leur mort de mesures de protection officielles. Plus de 109 000 personnes étaient portées manquantes ou avaient été victimes de disparition à la fin de l’année. La militarisation des missions de sécurité publique s’est accentuée et la participation des forces armées à ces missions jusqu’en 2028 a été inscrite dans les textes. La Garde nationale a eu recours à plusieurs reprises à une force excessive. Du fait du manque de transparence, de l’absence d’obligation de rendre des comptes et des difficultés d’accès à l’information, les victimes d’atteintes aux droits humains et leurs familles avaient beaucoup de mal à accéder à la vérité, à la justice et à des réparations.

Contexte

Bien souvent, les forces militaires mexicaines ne se souciaient guère d’assurer à tous et à toutes le droit à la vie et à la sécurité. L’armée participait à des opérations de sécurité publique depuis 16 ans. Or, pendant cette période, le nombre d’homicides a fortement augmenté.

La Garde nationale et le ministère de la Défense (SEDENA) faisaient partie des 10 organismes fédéraux ayant fait l’objet du plus grand nombre de plaintes pour violations des droits humains au cours de l’année. La Commission nationale des droits humains a reçu 476 plaintes contre la Garde nationale et 404 contre le SEDENA, pour toute une série d’atteintes au droit international et de violations des droits humains, dont des actes de torture, des homicides, des disparitions forcées et des placements en détention arbitraire.

Le Congrès a voté en septembre en faveur de l’intégration de la Garde nationale au sein du SEDENA. Une juge fédérale a toutefois suspendu cette décision au mois d’octobre. Le Congrès a par ailleurs adopté un texte prolongeant jusqu’en 2028 la délégation accordée aux forces armées afin de leur permettre de participer à des missions de sécurité publique. Ces mesures ont été prises à l’initiative du gouvernement et avec le soutien du Congrès, mais sans consultation de la société civile. Des organisations de la société civile, des militant·e·s des droits humains et des familles de disparu·e·s sont descendus dans la rue pour protester contre la militarisation croissante du pays.

La Garde nationale était chargée en 2022 de 227 domaines de compétences relevant habituellement d’organismes civils, dont 148 n’ayant rien à voir avec la sécurité publique, comme la construction d’aéroports ou de routes, la gestion de la vaccination contre le COVID-19 ou l’application de la législation sur les migrations.

En novembre, la Cour suprême du Mexique a jugé conforme à la Constitution le décret présidentiel de mai 2020 autorisant la participation permanente des forces armées à des opérations de sécurité publique jusqu’en 2024. Plusieurs affaires similaires concernant le caractère inconstitutionnel de la Loi sur la Garde nationale et de la participation des forces armées à des missions de sécurité publique étaient en instance devant la Cour suprême à la fin de l’année.

Liberté d’expression et de réunion

L’année 2022 a été la plus meurtrière de l’histoire pour la presse mexicaine. Au moins 13 homicides de journalistes pouvant avoir un lien avec les activités professionnelles de la victime se sont produits cette année. De nombreuses affaires n’ont pas fait l’objet d’investigations sérieuses et le Mécanisme de protection des défenseur·e·s des droits humains et des journalistes ne remplissait toujours pas sa mission, qui était de garantir la vie et la sécurité de ces personnes.

Lors de ses conférences de presse matinales, le chef de l’État a été très critique à l’égard des journalistes et des organisations de la société civile qui mettaient en doute l’action du gouvernement, les accusant d’être des « conservateurs » et des « réactionnaires ». La veille de la Journée internationale des femmes, il a publiquement déclaré que des manifestant·e·s féministes se préparaient pour l’occasion, armés de marteaux, de torches et de cocktails Molotov. « Cela, ce n’est pas défendre les femmes, ce n’est même pas du féminisme ; c’est une attitude conservatrice réactionnaire contre notre politique de transformation », a-t-il affirmé.

En avril, des policiers, certains armés, d’autres en civil, ont roué de coups des femmes qui manifestaient dans les locaux du parquet de Chimalhuacán (État de Mexico). Les manifestantes exigeaient que des sanctions soient prises contre trois policières qui avaient frappé et arrêté une militante et défenseure des droits humains. Celle-ci avait été détenue au secret pendant deux heures. La police a également aspergé de gaz lacrymogène les femmes qui se tenaient devant le bâtiment. Des membres de la Garde nationale présents lors de ces événements n’ont rien fait pour protéger les manifestantes.

En mai, des manifestant·e·s appartenant à plusieurs organisations et mouvements féministes se sont retrouvés à Irapuato, dans l’État de Guanajuato, pour manifester pacifiquement contre les violences fondées sur le genre, et notamment les féminicides et les disparitions de femmes. La police a frappé et arrêté de façon arbitraire au moins 28 manifestant·e·s.

Violences faites aux femmes et aux filles

Pas moins de 3 450 femmes ont été tuées entre janvier et novembre, selon les informations recueillies ; une enquête pour féminicide a été ouverte dans 858 de ces homicides (ce qui représentait une moyenne de 2,5 féminicides par jour). Les États où les taux de féminicides déclarés étaient les plus élevés étaient les ceux de Mexico (131) et du Nuevo León (85), ainsi que la ville de Mexico (70). La violence structurelle dont étaient victimes les femmes compromettait toujours le droit de celles-ci à vivre en toute sécurité, sans avoir à craindre pour leur intégrité physique ou morale.

Un homme a été reconnu coupable en janvier par un juge de la municipalité de Nezahualcóyotl (État de Mexico) de féminicide sur la personne de Diana Velázquez, pour des faits remontant à 2017. Les autorités n’ont cependant pas fait en sorte qu’une enquête efficace soit menée pour déterminer la responsabilité d’autres personnes soupçonnées dans cette affaire.

En février, en réaction à un conflit d’intérêts et à un manque de diligence requise de la part du parquet de l’État de San Luis Potosí, le parquet fédéral s’est saisi de l’enquête sur le féminicide de Karla Pontigo, tuée en 2012. Le gouverneur de l’État de San Luis Potosí n’avait pas rencontré la mère de la victime, en dépit des demandes répétées de celle-ci en ce sens.

Le parquet de l’État de Mexico a annulé pour la troisième fois en novembre les excuses publiques qu’il avait promis de faire pour reconnaître notamment le manque de diligence avec lequel avaient été menées les enquêtes sur les féminicides de Nadia Muciño Márquez, Diana Velázquez Florencio, Daniela Sánchez Curiel et Julia Sosa Conde.

Recours excessif à la force

Un membre de la Garde nationale a ouvert le feu en avril, dans la ville d’Irapuato (État de Guanajuato), sur une voiture à bord de laquelle circulaient des étudiant·e·s de l’université de Guanajuato, tuant une personne et en blessant grièvement une autre.

Au mois d’août, plusieurs membres de la Garde nationale ont tiré sur une voiture dans laquelle se trouvaient une femme et deux enfants, à Nuevo Laredo, une ville de l’État du Tamaulipas. La petite Heidi Mariana, quatre ans, a été tuée et son frère Kevin, sept ans, a été blessé.

En octobre, des membres de la Garde nationale ont tiré en l’air à balles réelles pour disperser des personnes qui manifestaient pacifiquement dans l’État de Jalisco.

Disparitions forcées

Les autorités ont répertorié cette année au moins 9 826 personnes disparues ou manquantes, dont au moins 6 733 hommes et 3 077 femmes, ce qui portait à plus de 109 000 le nombre total de personnes manquantes ou victimes de disparition au Mexique entre 1964 et fin 2022. L’impunité était la règle dans ce domaine, avec seulement 36 condamnations pour le crime de disparition, selon les chiffres de la Commission mexicaine de recherche.

Le Comité des disparitions forcées [ONU] a publié en 2022 un rapport dans lequel il dénonçait la crise médicolégale dont souffrait le Mexique, un pays où plus de 52 000 cadavres se trouvant aux mains des pouvoirs publics attendaient toujours d’être identifiés.

Le gouvernement mexicain a présenté au mois d’août le rapport de la Commission pour la vérité et l’accès à la justice (CoVAJ) dans l’affaire des 43 étudiants d’Ayotzinapa disparus en 2014. Cette commission a établi que la disparition de ces étudiants constituait un crime d’État, impliquant une organisation criminelle, dite des « Guerreros Unidos » et des agents de l’État mexicain, dont des membres des forces armées.

Omar Gómez Trejo, procureur en chef de l’Unité spéciale d’enquête et de poursuites pour l’affaire d’Ayotzinapa (UEILCA), a remis sa démission en septembre, accusant le parquet fédéral d’ingérence (celui-ci ayant annulé 21 des mandats d’arrêt demandés, dont 16 contre des membres des forces armées). Le Groupe interdisciplinaire d’experts indépendants (GIEI) de la Commission interaméricaine des droits de l’homme, qui suit l’affaire d’Ayotzinapa, a critiqué cette ingérence, ainsi que la procédure d’audit entamée le 5 septembre par le parquet fédéral sur les travaux de l’UEILCA. Rosendo Gómez Piedra a été nommé au poste de procureur en chef de l’UEILCA laissé vacant, sans toutefois avoir l’adhésion des familles des victimes et des organisations de la société civile.

En août, le sous-secrétariat en charge des droits humains, de la population et des migrations a annoncé la création du Centre national d’identification humaine, destiné à apporter un soutien dans le cadre des enquêtes sur des disparitions et à assister les procureur·e·s et les avocat·e·s.

En octobre, un juge fédéral a répondu à un recours en amparo introduit par l’organisation de défense des droits fondamentaux Centro Prodh, ordonnant la mise en place dans les 40 jours d’une base de données médicolégales nationale. Il s’agissait là d’une des mesures en souffrance depuis l’adoption, en 2017, de la Loi fédérale relative aux disparitions forcées.

Trois femmes au moins qui faisaient des démarches pour retrouver leur enfant disparu ont été tuées au cours de l’année. Rosario Lilián Rodríguez Barraza et Blanca Esmeralda Gallardo ont été tuées en octobre respectivement dans l’État de Sinaloa et dans l’État de Puebla ; María del Carmen Vázquez a trouvé la mort en novembre dans l’État de Guanajuato.

Arrestations et détentions arbitraires

La Cour interaméricaine des droits de l’homme a tenu en août une audience publique concernant l’affaire Daniel García Rodríguez et Reyes Alpízar Ortiz, deux hommes détenus dans l’attente de leur procès depuis plus de 17 ans. Une décision dans cette affaire était attendue en 2023.

En novembre, la Cour suprême s’est prononcée contre le placement automatique en détention provisoire pour les infractions de fraude fiscale, contrebande et évasion fiscale au moyen de fausses factures. Un autre recours en inconstitutionnalité concernant le placement automatique en détention provisoire était en instance à la fin de l’année.

La Cour suprême a ordonné en décembre la remise en liberté immédiate de Gonzalo García, Juan Luis López et Héctor Muñoz, qui étaient détenus arbitrairement dans l’État du Tabasco depuis sept ans et demi. Elle a conclu à la violation des droits de ces hommes à la présomption d’innocence et à une procédure régulière.

Torture et autres mauvais traitements

Selon le Registre national des crimes de torture, 1 840 signalements d’actes de torture et d’autres traitements cruels, inhumains ou dégradants de la part d’agents de l’État ont été recensés entre janvier et septembre, ce qui portait à 14 243 le nombre total de cas répertoriés depuis 2018. C’est dans la ville de Mexico et dans les États de Chihuahua et de Mexico que les signalements étaient les plus nombreux. Le nombre réel de cas était toutefois vraisemblablement beaucoup plus élevé car, selon l’Enquête nationale sur la victimisation et la perception de la sécurité publique réalisée par l’Institut national de statistiques et de géographie, plus de 93 % des infractions commises au Mexique n’étaient jamais signalées, notamment en raison du fait que la majorité des crimes ou délits dénoncés restaient impunis.

Défenseur·e·s des droits humains

Les défenseur·e·s des droits humains ont cette année encore fait l’objet de menaces ou ont été stigmatisés, injustement emprisonnés, torturés ou tués. Des proches de défenseur·e·s des droits humains ont également été menacés. Certaines militantes ont en plus été victimes de violences sexuelles.

Dix défenseur·e·s des droits humains au moins ont été tués au cours de l’année. Selon un rapport publié en 2022 par l’ONG Global Witness, 54 défenseur·e·s des droits à la terre et à l’environnement ont été tués en 2021, ce qui faisait du Mexique le pays le plus dangereux de la planète pour celles et ceux qui se mobilisaient pour de telles causes.

Le chef de l’État a publiquement qualifié en mars les eurodéputé·e·s de « moutons », après une déclaration du Parlement européen dénonçant les agressions et les meurtres perpétrés au Mexique sur la personne de défenseur·e·s des droits humains.

Le défenseur des droits environnementaux Trinidad Baldenegro a été tué en mars à Coloradas de la Virgen, une ville de l’État de Chihuahua. Il venait s’ajouter à la liste des membres de la communauté autochtone rarámuri assassinés en raison de leur action en faveur des droits fondamentaux, comme Julián Carrillo, mort en 2018.

Trois personnes ont été tuées en juin dans une église de Cerocahui, une localité de l’État de Chihuahua. Parmi les victimes figuraient Javier Campos Morales et Joaquín Mora, deux prêtres défenseurs des droits humains qui se battaient pour les droits fondamentaux des populations autochtones de la Sierra Tarahumara.

De nouveaux cas d’utilisation du logiciel espion Pegasus ont fait surface en octobre. Ils concernaient cette fois deux journalistes, un défenseur des droits humains et une personnalité politique de l’opposition. Les derniers éléments recueillis indiquaient que des contrats avaient été passés entre le SEDENA et des sociétés ayant déjà été impliquées dans des transactions concernant Pegasus. En réponse à ces informations, le chef de l’État a déclaré que le gouvernement se livrait effectivement à des activités de renseignement, qui ne constituaient pas des faits d’espionnage. Ce même mois d’octobre, le collectif de cybermilitant·e·s Guacamaya a divulgué des informations émanant de plusieurs serveurs appartenant aux forces armées et révélant que celles-ci surveillaient les activités de certaines organisations de la société civile et de défense des droits humains, dont Amnesty International.

Droits des lesbiennes, des gays et des personnes bisexuelles, transgenres ou intersexes

L’État du Tamaulipas a légalisé en octobre le mariage entre personnes de même sexe, qui était désormais autorisé dans l’ensemble des 32 États de la Fédération.

Droits sexuels et reproductifs

Quatre nouveaux États ont dépénalisé l’avortement pendant l’année, portant à 11 le nombre d’entités administratives du pays dans lesquelles l’interruption volontaire de grossesse était désormais légale (ville de México et États de Basse-Californie, Basse-Californie-du Sud, Coahuila, Colima, Guerrero, Hidalgo, Oaxaca, Quintana Roo, Sinaloa et Veracruz).

Lutte contre la crise climatique et dégradations de l’environnement

Le Mexique a actualisé en novembre sa contribution déterminée au niveau national (CDN), portant à 35 % son objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030, contre 22 % auparavant. Le pays a annoncé de nouveaux engagements dans le domaine de la crise climatique à l’occasion de la 27e Conférence des Nations unies sur les changements climatiques (COP27), notamment le doublement (105 gigawatts supplémentaires) de sa production d’énergie propre.

En mai, un juge fédéral a suspendu le chantier du cinquième tronçon de la voie dite du « train maya », estimant que celui-ci mettait en danger la biodiversité et les droits fonciers des populations autochtones qui dépendaient des fragiles écosystèmes de la jungle maya. Le chef de l’État a néanmoins classé le projet parmi les initiatives relevant de la sécurité nationale, permettant ainsi aux travaux de continuer.

Droits des personnes réfugiées ou migrantes

L’Institut national des migrations a reçu 1 997 plaintes pour violation des droits humains, ce qui le plaçait au troisième rang de tous les organismes de l’État pour le nombre de plaintes déposées ; avec 333 plaintes, la Commission mexicaine d’aide aux réfugiés (COMAR) occupait la 10e place.

Les autorités mexicaines ont placé en détention au moins 281 149 personnes dans les centres surpeuplés des services de l’immigration et expulsé au moins 98 299 personnes, venant principalement d’Amérique centrale, dont des milliers de mineur·e·s non accompagnés.

Elles ont arrêté en cours d’année plusieurs personnes réfugiées ou migrantes dans les aéroports du pays et les ont soumises à des traitements inhumains et dégradants.

La COMAR a enregistré 118 478 demandes d’asile en 2022. Les demandeurs·euses venaient en premier lieu du Honduras, suivi de Cuba, de Haïti et du Venezuela.

Le Mexique a cette année encore collaboré avec les États-Unis pour mettre en œuvre des mesures adoptées par son voisin qui portaient atteinte au droit d’asile et au principe de « non-refoulement ». Au titre de cette collaboration, les personnes originaires d’Amérique centrale et du Venezuela étaient sommairement expulsées, en vertu du chapitre 42 du Code des États-Unis, qui limitait sévèrement l’accès aux procédures d’asile à la frontière avec le Mexique. Les personnes expulsées des États-Unis vers le Mexique faisaient l’objet de multiples formes de violence, notamment d’enlèvements, de violences sexuelles et de vols.

La Cour suprême a pris deux arrêts historiques en matière de protection des personnes migrantes. En mai, elle a estimé que les contrôles des services de l’immigration à l’intérieur du territoire mexicain étaient inconstitutionnels, au motif qu’ils étaient discriminatoires. Elle a ensuite reconnu, en octobre, que l’exécutif avait manqué à ses devoirs en ne publiant pas de protocoles officiels clairs relatifs à la protection des personnes renvoyées en territoire mexicain au titre de la politique « Rester au Mexique » (également connue sous le nom de « Protocoles de protection des migrants ») appliquée par les États-Unis.

Droits des peuples autochtones

En dépit d’un arrêt de 2020 de la Cour suprême l’y invitant, le Congrès n’avait toujours pas traduit dans la loi le droit des peuples autochtones de donner leur consentement préalable libre et éclairé à tout projet les affectant – un droit garanti par la Convention no 169 de l’OIT.

Toutes les infos
Toutes les actions
2024 - Amnesty International Belgique N° BCE 0418 308 144 - Crédits - Charte vie privée
Made by Spade + Nursit