Nicaragua - Rapport annuel 2022

République du Nicaragua
Chef de l’État et du gouvernement : Daniel Ortega Saavedra

La crise des droits humains s’est poursuivie au Nicaragua. Cette année encore, des défenseur·e·s des droits humains, des journalistes et des militant·e·s ont été harcelés et poursuivis en justice. Celles et ceux qui ont été arrêtés dans le cadre de cette crise ont été soumis à des conditions de détention éprouvantes et n’ont pas bénéficié des garanties relatives à l’équité des procès. Des menaces persistantes pesaient sur les droits des peuples autochtones

Contexte

En mars, le Conseil des droits de l’homme des Nations unies a créé un mécanisme indépendantchargé de veiller au respect de l’obligation de rendre des comptes pour les violations des droits humains et les crimes contre l’humanité commis au Nicaragua depuis 2018. Le Conseil s’est dit préoccupé par la décision du Nicaragua de ne plus collaborer avec les mécanismes internationaux de défense des droits humains.

Au cours de l’année, le gouvernement a restreint ses relations diplomatiques avec d’autres acteurs internationaux. En mars, il a expulsé le nonce apostolique. En avril et en mai, le gouvernement a retiré ses diplomates de l’OEA, ordonné au personnel de cette organisation de quitter le Nicaragua et saisi ses locaux situés à Managua, la capitale du pays. En septembre, le gouvernement a également expulsé l’ambassadrice de l’UE.

L’État a empêché la plupart des partis politiques de participer aux élections municipales de novembre en les privant de leur personnalité juridique. La police a réprimé des manifestations organisées à la suite du scrutin par des sympathisant·e·s du parti politique indigène YATAMA dans la région autonome de la Côte caraïbe Nord. Au moins 19 personnes ont été détenues arbitrairement.

Liberté d’expression

Le gouvernement a continué d’intensifier les restrictions illégales des droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique, entravant ainsi les mouvements sociaux et politiques.

Les militant·e·s et les personnes considérées comme hostiles aux politiques gouvernementales ont subi diverses formes de harcèlement. En août, la police a empêché l’évêque de Matagalpa, qui avait ouvertement critiqué les politiques répressives du gouvernement, de se rendre à la cathédrale pour y célébrer la messe. Le même mois, l’État a ouvert une enquête pénale contre lui. Il était toujours en résidence surveillée à la fin de l’année.

Des journalistes et des médias ont continué de se heurter à des obstacles entravant leurs activités, et les attaques et le harcèlement qu’ils subissaient restaient impunis. Deux journalistes au moins ont été condamnés à des peines d’emprisonnement à l’issue de procès inéquitables. Au moins 15 stations de radio et de télévision ont été fermées au cours de l’année. En août, la police a effectué une descente dans une chapelle catholique à Sébaco, afin de saisir le matériel d’une station de radio qui avait été interdite.

Le gouvernement a empêché des personnes considérées comme critiques envers le régime, dont certaines étaient de nationalité nicaraguayenne, d’entrer dans le pays. Il s’agissait notamment d’artistes, de défenseur·e·s des droits humains, d’universitaires et de membres du clergé.

En octobre, des expert·e·s des Nations unies et de la Commission interaméricaine des droits de l’homme (CIDH) ont appelé le gouvernement à s’abstenir d’utiliser la loi de façon arbitraire et de recourir à des pratiques abusives pour restreindre la participation citoyenne ainsi que les droits à la liberté d’expression, de réunion pacifique et d’association.

Répression de la dissidence

Les autorités ont révoqué le statut juridique de plus d’un millier d’organisations au cours de l’année, ce qui s’inscrivait dans la continuité de la fermeture des espaces civiques amorcée en 2018. Cette tendance s’était confirmée avec la Loi sur la réglementation des agents de l’étranger adoptée en 2020, et elle s’est intensifiée en 2022 avec l’adoption de la Loi générale sur la réglementation et le contrôle des organisations à but non lucratif.

Les défenseur·e·s des droits humains et les ONG ont continué d’être la cible de manœuvres de harcèlement et d’intimidation. Les organisations dont le statut juridique était révoqué depuis 2018 ne pouvaient toujours pas mener leurs activités sans crainte de représailles, et leurs avoirs ne leur avaient pas été rendus.

Des défenseur·e·s des droits humains exilés au Costa Rica ou dans d’autres pays de la région n’ont pas pu rentrer au Nicaragua en toute sécurité et ont continué d’exercer leurs activités depuis l’étranger.

À la fin de l’année, le gouvernement avait fermé au moins 12 universités, vraisemblablement en représailles aux prises de position politiques de certains membres de leur personnel et de certains étudiant·e·s.

Impunité

L’impunité persistait pour des crimes de droit international et des violations des droits humains perpétrés dans le passé, notamment des détentions arbitraires, des disparitions forcées, ainsi que des actes de torture et d’autres mauvais traitements.

Droits des personnes détenues

À la fin de l’année, 225 personnes (26 femmes et 199 hommes) étaient toujours incarcérées pour des motifs liés à la crise des droits humains en cours depuis 2018.

Des personnes étaient détenues dans des conditions enfreignant le droit international relatif aux droits humains et les normes connexes. Des ONG et des proches de personnes incarcérées ont exprimé leurs préoccupations au sujet de cas de détention au secret prolongée, de privation de soins médicaux, d’interdiction des visites familiales et d’autres violations des droits des personnes privées de liberté. Des femmes ont subi des violations spécifiques au genre, notamment des insultes à caractère sexuel, des détentions à l’isolement prolongées ou d’autres restrictions les empêchant de recevoir la visite de leurs jeunes enfants. Des personnes ont été incarcérées dans des locaux de la police plutôt que dans des centres de détention officiels.

En février, Hugo Torres Jiménez, membre influent de l’opposition arrêté en 2021, est mort en détention. La haute-commissaire des Nations unies aux droits de l’homme s’est dite préoccupée par cette affaire et par l’état de santé d’autres personnes qui étaient ou avaient été détenues dans le complexe policier Evaristo Vásquez, à Managua.

Procès inéquitables

Les autorités chargées des enquêtes et des poursuites enfreignaient constamment les garanties en matière d’équité des procès.

En février, le parquet général a annoncé l’ouverture des procès de personnes arrêtées en raison de leur dissidence ou parce qu’elles avaient critiqué le gouvernement. Les autorités n’ont pas respecté les droits de celles-ci à rencontrer leurs avocat·e·s dans des conditions leur permettant de disposer du temps et de la confidentialité nécessaires pour préparer leur défense. Les avocat·e·s n’ont pas eu la possibilité d’examiner les dossiers judiciaires en amont des audiences.

Au moins 50 personnes arrêtées dans le cadre des troubles politiques qui ont débuté en 2018 ont été jugées au cours de l’année. Un grand nombre d’entre elles ont été déclarées coupables et condamnées à des peines allant jusqu’à 13 ans d’emprisonnement pour des infractions en lien avec la politique et la corruption. Certaines affaires ont été jugées dans un pénitencier et non dans un tribunal normal. Les observateurs et observatrices continuaient d’être interdits d’accès aux audiences, qui se tenaient à huis clos.

Droits des peuples autochtones

Les populations autochtones et d’ascendance africaine ont continué de se heurter à la discrimination et à des obstacles les empêchant d’exercer leurs droits.

En février, la CIDH a accordé une prolongation des mesures conservatoires visant à protéger la vie et l’intégrité des membres des communautés mayangnas de Musawas, Wilú et Suniwas. Les difficultés persistantes auxquelles ces personnes étaient confrontées pour régulariser les titres de propriété de leur territoire les plaçaient dans une situation précaire.

En avril, au moins 25 familles miskitos qui vivaient dans le hameau de Sang Sang, dans la Région autonome de la Côte caraïbe Nord, ont été soumises à un déplacement forcé en raison de menaces exercées par des individus armés dans un contexte de spoliation de terres.

En août, le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale [ONU] s’est dit préoccupé par les violences visant des communautés autochtones et d’ascendance africaine, et a demandé aux autorités de protéger les droits de ces personnes.

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