Paraguay - Rapport annuel 2022

République du Paraguay
Chef de l’État et du gouvernement : Mario Abdo Benítez

Les autorités ont cette année encore réprimé pénalement des mouvements de contestation sociale. Des enquêtes portant sur des cas de torture et d’autres mauvais traitements n’ont pas progressé. Les expulsions forcées restaient un grave problème, portant atteinte aux droits de milliers de petits exploitant·e·s agricoles et de familles indigènes. Les autorités n’ont rien fait pour protéger les personnes LGBTI et les défenseur·e·s des droits humains. Les violences sexuelles infligées aux enfants et les grossesses forcées chez les filles demeuraient très préoccupantes.

Contexte

Des problèmes de gestion au sein du ministère public et du Bureau du médiateur ont été dénoncés, donnant lieu à la démission du médiateur.

Liberté de réunion et d’expression

La liberté d’expression était toujours soumise à des restrictions. En décembre, la Cour interaméricaine des droits de l’homme a rendu son verdict dans l’affaire concernant l’homicide, en 1991, du journaliste Santiago Leguizamón. La Cour a jugé le Paraguay responsable de la violation du droit à la liberté d’expression, entre autres droits, et a ordonné à l’État de réparer les préjudices subis.

Plusieurs étudiant·e·s, dont la militante Vivian Genes, étaient toujours visés par des accusations d’incendie volontaire, en lien avec l’incendie qui s’était déclaré au siège du parti au pouvoir en 2021 dans un climat de contestation sociale contre la mauvaise gestion des ressources destinées à la lutte contre la pandémie de COVID-19. Les autorités judiciaires ont décidé de la tenue d’un procès en audience publique dans cette affaire.

En avril, après plusieurs années de procédure, Aurora Lezcano, une étudiante poursuivie au pénal pour avoir participé à un mouvement de contestation sociale dans son université en 2017, a été acquittée.

Le journaliste Juan Carlos Lezcano, qui faisait l’objet de cinq actions en justice pour avoir publié des informations sur des irrégularités au sein de l’administration publique, a été acquitté des charges de diffamation qui pesaient sur lui dans la deuxième affaire. En novembre, ce journaliste ainsi que la directrice de l’organe de presse écrite pour lequel il travaillait ont été déclarés coupables de diffamation dans la troisième affaire et condamnés à une amende.

Torture et autres mauvais traitements

L’impunité persistait pour des actes de torture et d’autres mauvais traitements.
En avril, le Mécanisme national de prévention de la torture a confirmé qu’au sein de l’école militaire « Francisco Solano López », des élèves officiers des classes supérieures avaient infligé des tortures et d’autres mauvais traitements à des élèves de rang inférieur. Il a également fait état de la persistance de violations des droits humains dans les centres pénitentiaires.

Le ministère public n’a pas progressé dans le traitement des plaintes concernant 35 personnes victimes d’actes de torture et d’autres mauvais traitements en 2020 sur la base navale de Ciudad del Este.

Impunité

Dix ans après le massacre de Curuguaty – où 11 agriculteurs et six policiers avaient perdu la vie lors de l’expulsion forcée par la police de 70 membres d’une communauté de petits exploitants agricoles, dont des femmes et des enfants –, les autorités n’avaient toujours pas établi les responsabilités pour les violations commises ni garanti justice, vérité et réparation aux victimes et à leur famille.

Droits économiques, sociaux et culturels

Les autorités n’ont pas suffisamment progressé dans la mise en œuvre des droits économiques, sociaux et culturels, au détriment des populations les plus marginalisées, en particulier.

La Commission interaméricaine des droits de l’homme a tenu une audience pour examiner les politiques agraires à l’origine de la hausse du nombre d’expulsions forcées. Ces expulsions ont donné lieu à des détentions arbitraires et à des homicides, et ont privé de moyens de subsistance des milliers de petits exploitants agricoles et de familles indigènes.

Les parlementaires ont adopté une nouvelle loi portant création d’une commission chargée d’examiner la question de la restitution des terres indûment obtenues pendant la dictature militaire.

Malgré les défaillances du système de santé révélées par la pandémie de COVID-19, l’État n’avait toujours pas pris de mesures concrètes pour créer, selon un processus participatif, un système de santé publique universel permettant de répondre aux besoins les plus élémentaires de la population et de lui offrir des soins de santé primaire.

Lutte contre la crise climatique et dégradations de l’environnement

Le Paraguay demeurait l’un des pays les plus exposés aux conséquences du changement climatique en Amérique du Sud. Pourtant, les autorités continuaient de permettre l’expansion des monocultures, au risque de détériorer les écosystèmes endémiques. Les populations marginalisées étaient les plus touchées par ce phénomène et par d’autres dégradations de l’environnement, telles que la déforestation et le recours à l’agrochimie.

Droits des peuples autochtones

Les autorités continuaient de négliger les droits des populations indigènes.

La communauté tekoha sauce du peuple avá guaraní attendait toujours la restitution de ses terres saisies plusieurs années auparavant par Itaipú Binacional. L’entreprise a cette année poursuivi l’action en justice qu’elle avait engagée pour tenter d’expulser des membres de cette communauté d’un autre secteur des terres ancestrales où ils vivaient.

En juin, la Cour interaméricaine des droits de l’homme a constaté que le Paraguay continuait de bafouer les droits de la communauté yakye axa du peuple enxet. Elle a annoncé la mise en place de mesures de suivi plus strictes visant à garantir l’accès de la communauté à son propre territoire, précisant qu’elle avait l’intention d’effectuer une visite dans le pays dans les prochains mois.

Droits des lesbiennes, des gays et des personnes bisexuelles, transgenres ou intersexes

Cette année encore, les autorités ont négligé les droits des personnes LGBTI.

Aucune avancée n’a été enregistrée concernant des procédures pénales relatives à des attaques commises contre des personnes LGBTI en 2019 pendant une marche des fiertés dans la ville d’Hernandarias. Les autorités municipales avaient interdit cette marche, en partie parce qu’elles l’estimaient « contraire aux bonnes mœurs ». Un recours formé en octobre 2019 par Amnesty International contre cette décision était toujours au point mort.

Une plainte a été déposée contre le Paraguay devant le Comité des droits de l’homme [ONU] pour atteinte aux droits d’Yren Rotela et de Mariana Sepúlveda, deux femmes trans qui revendiquaient depuis 2016 le droit de modifier leur nom au niveau juridique pour qu’il corresponde à leur identité de genre. En décembre, la Cour suprême a levé les obstacles juridiques empêchant que l’affaire concernant Mariana Sepúlveda puisse progresser et être examinée par les juridictions adéquates.

Défenseur·e·s des droits humains

En dépit de nombreuses recommandations d’organes de suivi des traités et procédures spéciales des Nations unies, les autorités n’ont pas institué de mécanisme de protection spécifique pour les défenseur·e·s des droits humains.

Droits des enfants

Le ministère de l’Enfance et de l’Adolescence a annoncé que le contenu du programme national de prévention des violences sexuelles infligées aux enfants et aux adolescent·e·s et de prise en charge intégrale des victimes était en cours d’élaboration, et il a fourni, à partir du mois d’août, des informations sur les progrès réalisés.

Le Bureau du procureur général a enregistré 1 452 cas de mauvais traitements et 3 804 cas de violences sexuelles perpétrés contre des enfants pour l’année 2022.

En novembre, le ministère de la Santé publique et du Bien-être social avait recensé 10 332 naissances chez des filles âgées de 15 à 19 ans, dont 570 étaient indigènes, et 420 naissances chez des filles âgées de 10 à 14 ans, dont 84 étaient indigènes.

Droits des femmes

Le ministère de la Femme a recensé 36 cas de féminicide au cours de l’année.
Dans l’affaire du prêtre déclaré coupable en 2021 de harcèlement sexuel contre Alexa Torres, une cour d’appel a prononcé un non-lieu, jugeant que le délai de prescription avait expiré. Alexa Torres a formé un recours contre cette décision devant la Cour suprême qui, à la fin de l’année, ne s’était pas encore prononcée sur cette affaire.

En novembre, la presse a révélé l’existence d’une circulaire interne du ministère des Affaires étrangères dans laquelle les diplomates paraguayens étaient invités à éviter l’emploi de formulations faisant référence à « la question du genre », ainsi que de termes tels que « diversité », « intersectionnalité » et « droits sexuels et reproductifs ». Le ministère de l’Éducation a appelé publiquement l’ensemble des enseignant·e·s et directeurs·trices d’écoles à continuer de respecter une décision de 2017 interdisant tout support pédagogique relatif aux questions de genre et demandant aux enseignant·e·s de déposer des plaintes officielles s’ils avaient connaissance de tels documents.

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