Aucune avancée n’a été constatée en matière d’enquête sur les crimes de guerre et autres atteintes au droit international perpétrés pendant le conflit armé qui a opposé l’Arménie à l’Azerbaïdjan en 2020 et pendant la période qui a immédiatement suivi. Des responsables de l’application des lois ont fait un usage excessif de la force en réprimant des manifestations contre le gouvernement. La liberté d’expression était restreinte. Des centaines de personnes ont fait l’objet de poursuites judiciaires pour insulte à des représentant·e·s de l’État. Un certain nombre de modifications du Code minier ont permis de passer plus facilement outre à l’opposition de la population et aux préoccupations écologiques. La législation destinée à lutter contre les discriminations fondées sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre demeurait insuffisante.
Contexte
La situation le long de la frontière entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan restait tendue et marquée par de fréquents accrochages. Les frappes menées par l’Azerbaïdjan en Arménie, dans les régions du Syunik, du Gegharkunik et du Vayots Dzor, ont fait plus de 200 morts, dont deux civil·e·s. En octobre, l’Azerbaïdjan et l’Arménie ont accepté le déploiement temporaire d’une mission d’observation de l’UE le long de leur frontière commune.
L’arrivée massive de Russes en Arménie en raison de la guerre a amélioré la situation économique du pays, mais aussi contribué à l’augmentation des loyers et du coût de la vie en général.
En mars, le Comité européen des droits sociaux s’est inquiété de l’insuffisance des mesures prises par l’Arménie pour améliorer la sécurité et la santé au travail et de l’absence de politique clairement établie dans ce domaine. Il a également constaté avec préoccupation que les autorités ne garantissaient pas la sécurité sociale à l’ensemble des travailleuses et travailleurs ni aux personnes à leur charge.
Violations du droit international humanitaire
Aucun réel progrès n’a été réalisé en matière d’enquête sur les crimes de guerre et autres violations du droit international humanitaire commis pendant et juste après le conflit entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan en 2020. Les responsables présumés n’ont pas été traduits en justice.
Les mines posées par les forces arméniennes sur des territoires dont elles ont cédé le contrôle à l’Azerbaïdjan continuaient de faire des victimes. Les autorités azerbaïdjanaises ont annoncé en octobre que 266 personnes avaient été blessées par des mines depuis le conflit de 2020. Elles ont soutenu que les plans fournis par l’Arménie, censés indiquer les champs de mines, n’étaient pas fiables.
Selon un rapport du CICR publié en août, on restait sans nouvelles de plus de 300 Arménien·ne·s depuis les combats de 2020.
Liberté de réunion
La liberté de réunion pacifique a été remise en cause par la réaction violente et disproportionnée des forces de l’ordre face aux mouvements de protestation.
Une série de manifestations hostiles au gouvernement a eu lieu d’avril à juin. Les protestataires exigeaient la démission du Premier ministre, Nikol Pachinian, désavoué sur la question des négociations avec l’Azerbaïdjan. Ces manifestations ont souvent pris une ampleur considérable, les participant·e·s n’hésitant pas à bloquer la circulation et à installer des campements. À plusieurs reprises, la réaction des autorités a été disproportionnée. Des centaines de personnes ont été arrêtées et des dizaines d’autres blessées lors de la dispersion des rassemblements.
Le 3 juin, lors d’une intervention particulièrement violente, la police a tiré des grenades assourdissantes et a fait usage d’une force excessive pour empêcher plusieurs milliers de manifestant·e·s de s’approcher du Parlement arménien. Cinquante personnes, parmi lesquelles 34 fonctionnaires de police, auraient eu besoin d’une prise en charge médicale. Les forces de sécurité ont procédé à des dizaines d’arrestations de personnes accusées d’avoir pris part à des « violences de grande ampleur ».
Selon les observateurs et observatrices de la situation en matière de droits de la presse, au moins 11 journalistes ont été blessés entre avril et juin alors qu’ils couvraient des manifestations. Certain·e·s ont par ailleurs été empêchés de faire leur travail d’information sur le mouvement de contestation. Aucun policier n’avait été inculpé à la fin de l’année pour recours à une force excessive dans le cadre de la répression des manifestations antigouvernementales.
Le 25 août, la police a dispersé une manifestation non violente organisée à Erevan, la capitale, pour dénoncer l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Vingt-deux personnes ont été arrêtées. Les manifestant·e·s appréhendés ont été placés en détention pendant plusieurs heures, sans pouvoir contacter d’avocat·e (ni d’interprète pour celles et ceux qui ne parlaient pas arménien), avant d’être finalement remis en liberté le jour même, sans avoir été inculpés.
Liberté d’expression
Le droit à la liberté d’expression restait soumis à des restrictions injustifiées. Les poursuites judiciaires engagées contre des personnes ayant simplement fait usage de manière tout à fait légitime de leur droit de critiquer les autorités avaient un effet dissuasif sur l’exercice de la liberté d’expression.
Le procès de Sashik Sultanian s’est poursuivi. Ce défenseur des droits fondamentaux des yézidi·e·s était accusé, sur la foi d’éléments forgés de toutes pièces, d’« incitation à la haine ethnique », pour avoir critiqué la manière dont les pouvoirs publics traitaient les minorités d’Arménie.
À la suite de l’adoption en 2021 de plusieurs modifications de la législation, qui faisaient de l’insulte à une personnalité publique une infraction à part entière, des poursuites pour injures graves à l’égard de fonctionnaires ont été engagées dans le cadre de plus de 200 affaires.
Le 4 juillet, les nouvelles modifications proposées par le procureur général, visant à donner au gouvernement le pouvoir de bloquer les contenus en ligne qu’il jugeait nocifs, hors de tout contrôle judiciaire préalable, ont suscité une certaine inquiétude quant à la censure croissante par les autorités des opinions exprimées sur Internet.
Dégradations de l’environnement
Le 18 juin, le Parlement a modifié le Code minier, permettant ainsi de passer plus facilement outre à l’opposition de la population et aux préoccupations écologiques, et de mener à bien des projets d’extraction sans tenir compte des voix qui les contestaient. Les militant·e·s écologistes se demandaient si cette nouvelle législation n’était pas destinée à permettre au gouvernement de relancer, comme il le souhaitait, le projet de mine d’or d’Amulsar, dans le sud du pays, mis à l’arrêt en raison des préoccupations, notamment environnementales, qu’il soulevait et de l’opposition de la société civile.
Droits des lesbiennes, des gays et des personnes bisexuelles, transgenres ou intersexes
Les personnes LGBTI restaient en butte à des discriminations fondées sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre, en raison des carences de la législation censée lutter contre celles-ci. Les autorités n’ont pas pris en compte les recommandations formulées en 2021 par la Commission du Conseil de l’Europe sur l’égalité et la non-discrimination, qui suggéraient notamment à l’Arménie d’adopter des lois et « des politiques efficaces pour renforcer la lutte contre la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle, l’identité de genre, l’expression de genre et les caractéristiques sexuelles ».
Le 17 mai, la Cour européenne des droits de l’homme a estimé que les autorités arméniennes n’avaient pas protégé comme elles l’auraient dû la propriétaire d’un bar LGBTI des violences homophobes dont elle avait fait l’objet (incendie criminel, agressions physiques et verbales) en 2012 et leur a reproché de ne pas avoir mené d’enquête effective dans cette affaire.