Des cas de recours illégal à la force contre des manifestant·e·s pacifiques ont de nouveau été signalés cette année. Les autorités ont continué de procéder à des renvois forcés illégaux (pushbacks) de personnes réfugiées ou migrantes. Elles ont poursuivi leur répression contre les ONG qui aidaient les réfugié·e·s et les migrant·e·s. Une loi controversée ne prévoyant pas des garanties suffisantes pour les personnes placées sous surveillance a été adoptée. Les droits des objecteurs de conscience qui refusaient d’effectuer leur service militaire ont cette année encore été bafoués. Une plainte collective déposée auprès du Comité européen des droits sociaux a dénoncé les conséquences sanitaires désastreuses des mesures d’austérité.
Recours excessif à la force
Des cas de recours injustifié et excessif à la force de la part de responsables de l’application des lois lors de manifestations ont continué d’être signalés. Un étudiant, Yiannis Dousakis, a été grièvement blessé en mai à la bouche et à la mâchoire, à la suite semble-t-il du recours par la police antiémeutes à une force illégale, notamment à des grenades incapacitantes, pour disperser des étudiant·e·s qui manifestaient pacifiquement à l’université de Thessalonique.
En novembre, un tribunal a rejeté l’appel formé par les autorités contre une décision de première instance qui avait jugé l’État grec responsable des graves blessures infligées par la police au journaliste Manolis Kypreos en 2011.
Droit à la vie
En mai, un tribunal a déclaré deux hommes coupables de coups et blessures ayant entraîné la mort, en 2018, du militant LGBTI Zak Kostopoulos. Quatre policiers également inculpés dans cette affaire ont été acquittés, ce qui était préoccupant en termes d’impunité.
Le parquet a proposé en septembre de déférer sept policiers devant la justice pour homicide potentiellement volontaire, en lien avec la mort de Nikos Sambanis, jeune Rom de 18 ans non armé qui avait succombé en octobre 2021 après avoir été mortellement blessé par balle par la police.
En décembre, un adolescent rom de 16 ans, Kostas Frangoulis, a reçu une balle dans la tête lors d’une course-poursuite avec la police et est mort à l’hôpital huit jours plus tard. Un policier a été inculpé d’homicide potentiellement volontaire et d’usage illégal de son arme à feu ; il a bénéficié d’une libération conditionnelle sous caution.
Droits des personnes réfugiées ou migrantes
Plus de 18 000 réfugié·e·s et migrant·e·s sont arrivés en Grèce par voie maritime ou terrestre, contre environ 9 000 en 2021. Le taux de mortalité chez les personnes tentant de gagner le pays a fortement augmenté : le nombre de décès ou de disparitions survenus durant l’année était estimé à 326, contre 115 en 2021. À la suite de plusieurs naufrages dramatiques survenus en octobre et en novembre, qui ont fait plusieurs dizaines de morts et de disparus, le HCR et l’Organisation internationale pour les migrations ont appelé à la mise en place de voies de migration sûres.
Sur l’île de Samos, les autorités ont continué d’empêcher des demandeurs et demandeuses d’asile de sortir des « centres fermés à l’accès contrôlé » (KEDN) financés par l’UE où ils étaient hébergés, ce qui revenait à les maintenir en détention.
Renvois forcés illégaux
Des ONG et des journalistes ont cette année encore fait état de renvois forcés illégaux et d’autres atteintes aux droits des personnes réfugiées ou migrantes sur terre ou en mer. À plusieurs reprises, des groupes entiers se sont retrouvés bloqués dans des conditions épouvantables sur des îlots du fleuve Évros. Dans certains cas, alors que la Cour européenne des droits de l’homme avait ordonné la mise en place de mesures provisoires en faveur des personnes concernées et demandé à la Grèce de ne pas les renvoyer, les opérations de secours organisées par les autorités auraient été tardives, voire se seraient soldées par des renvois forcés illégaux.
L’Autorité nationale pour la transparence, instance chargée par le gouvernement d’enquêter sur les renvois forcés illégaux, a annoncé en mars n’avoir constaté aucune irrégularité dans la conduite des autorités grecques. Plusieurs ONG ont demandé que le rapport de l’Autorité soit intégralement publié, appelant au respect de l’obligation de rendre des comptes et de la transparence. Elles ont de nouveau souligné que cette instance ne pouvait pas être considérée comme constitutionnellement indépendante.
La Cour européenne des droits de l’homme a prononcé en juillet un arrêt historique concernant le naufrage d’une embarcation de migrant·e·s survenu en 2014, au large de l’île de Farmakosini. Onze des 27 passagers et passagères avaient perdu la vie dans ce naufrage. Les requérant·e·s affirmaient que l’embarcation avait chaviré en raison des manœuvres dangereuses effectuées par les garde-côtes grecs pour les repousser vers la Turquie. La Cour a estimé que la Grèce s’était rendue coupable de plusieurs violations, notamment du droit à la vie, en raison des défaillances constatées dans les opérations de secours et dans l’enquête menée sur ce naufrage. Plusieurs affaires de renvois forcés illégaux étaient toujours en instance devant la Cour européenne des droits de l’homme et le Comité des droits de l’homme [ONU] à la fin de l’année.
En octobre, un rapport de l’Office européen de lutte antifraude (OLAF), chargé d’examiner de graves accusations formulées contre l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes (Frontex), a été divulgué dans la presse. Ces accusations portaient notamment sur une possible implication de Frontex dans des renvois forcés illégaux et/ou l’éventuelle dissimulation de tels faits en Grèce. Le rapport de l’OLAF faisait état de graves manquements, qui touchaient au respect des droits fondamentaux, dans la manière dont Frontex avait géré certains événements.
Droits économiques, sociaux et culturels
Les autorités ont annoncé en février la fin du programme ESTIA d’hébergement en ville des demandeurs et demandeuses d’asile en situation de vulnérabilité (financé par l’UE) et elles ont réduit le nombre de places disponibles. Des ONG se sont inquiétées du fait que les personnes concernées aient dû quitter précipitamment leurs appartements pour être transférées dans des camps situés dans des zones reculées, ce qui avait de graves conséquences sur leur accès aux services de base.
Des ONG ont signalé que les réfugié·e·s renvoyés en Grèce au titre du Règlement de Dublin de l’UE se heurtaient à un certain nombre d’obstacles, notamment pour obtenir des papiers d’identité, ce qui limitait leur accès à toute une série de services, comme les soins de santé ou le logement.
Défenseur·e·s des droits humains
La rapporteuse spéciale des Nations unies sur la situation des défenseurs des droits de l’homme a dénoncé en juin la criminalisation de l’aide humanitaire et la lourdeur de la procédure administrative d’enregistrement imposée aux organisations mobilisées dans ce domaine.
Les poursuites judiciaires engagées contre les défenseur·e·s des droits humains Sarah Mardini et Séan Binder pour leur action de secours et d’assistance aux personnes réfugiées et migrantes étaient toujours en cours.
En décembre, Panayote Dimitras, fondateur de l’ONG Greek Helsinki Monitor, poursuivi pour son action en faveur des droits des réfugié·e·s et des migrant·e·s, a été cité à comparaître devant un juge pour des infractions graves liées à son travail avec les demandeurs et demandeuses d’asile. Il risquait une assignation à domicile et une interdiction de travailler pour l’ONG.
Droit au respect de la vie privée
Plusieurs articles parus dans la presse en avril ont révélé que le téléphone du journaliste grec Thanasis Koukakis avait été infecté par le logiciel espion Predator entre juillet et septembre 2021 et avait été mis sur écoute par le Service national de renseignement grec (EYP) en 2020. Deux figures de l’opposition, Nikos Androulakis, chef du Mouvement pour le changement (PASOK-KINAL) et député européen, et Christos Spirtzis, ancien ministre de la Coalition de la gauche radicale – Alliance progressiste (SYRIZA), ont également été visés par Predator. Le téléphone de Nikos Androulakis a en outre été mis sur écoute par l’EYP. Une information judiciaire a été ouverte en avril sur les accusations concernant le logiciel espion. Une deuxième a été lancée en novembre après la publication, dans un journal, d’une liste de personnalités de premier plan qui auraient été placées sous surveillance par l’État et/ou visées par Predator. En décembre, le Parlement a adopté une loi controversée qui ne prévoyait pas des garanties suffisantes pour les personnes placées sous surveillance, et qui légalisait l’utilisation de la technologie des logiciels espions par les autorités.
Liberté d’expression
En février, les défenseur·e·s des droits humains Panayote Dimitras et Andrea Gilbert ont été déclarés coupables de « fausse accusation » pour avoir porté plainte contre un évêque de l’Église orthodoxe grecque qui avait fait, en 2017, une déclaration qu’ils jugeaient antisémite et discriminatoire.
Un tribunal d’Athènes a examiné en mai les accusations portées contre la journaliste Stavroula Poulimeni et la coopérative de médias indépendants Alterthess, qui auraient enfreint les lois relatives à la protection des données en faisant état de la condamnation d’un cadre supérieur d’une compagnie d’extraction d’or pour dommages environnementaux.
Liberté de réunion
Inculpée, en vertu d’une loi controversée sur les rassemblements publics en extérieur, d’insubordination et d’obstruction de la circulation lors d’une manifestation du personnel de santé en septembre 2020, la présidente de la Fédération grecque des associations de médecins hospitaliers a été déférée à la justice en septembre.
Les poursuites engagées contre deux militantes d’Amnesty International inculpées de plusieurs infractions de gravité moyenne après leur arrestation par la police à l’issue d’une manifestation en novembre suscitaient l’inquiétude.
Discrimination
Le Réseau d’observation de la violence raciste (RVRN) a annoncé en avril avoir enregistré 72 cas de violences racistes en 2021.
Le procès en appel dans l’affaire du parti d’extrême droite Aube dorée a débuté au mois de juin.
Dans un verdict historique prononcé en 2020, le tribunal de première instance avait, entre autres, jugé la direction politique de ce parti coupable de diriger une organisation criminelle, dont les membres avaient commis une série d’infractions violentes, notamment contre des migrant·e·s et des réfugié·e·s.
Droits des objecteurs de conscience
Les objecteurs de conscience qui refusaient d’effectuer leur service militaire continuaient d’être victimes de graves violations de leurs droits. Ils étaient notamment confrontés à des procès et des condamnations à répétition devant des tribunaux militaires. Selon les données officielles publiées en 2022, le statut d’objecteur de conscience n’a été octroyé à aucune personne invoquant des motifs autres que religieux en 2021. Plusieurs recours étaient en instance à la fin de l’année devant le Conseil d’État dans des affaires où le requérant contestait le rejet discriminatoire de sa demande d’obtention du statut d’objecteur de conscience. En décembre a été proposée une modification législative rétrograde visant à augmenter le nombre de militaires dans la commission chargée d’examiner les demandes d’obtention de ce statut. La Grèce n’a pas appliqué la décision du Comité des droits de l’homme, qui avait conclu en 2021 à de multiples violations du PIDCP dans le cas de l’objecteur de conscience Lazaros Petromelidis.
Violences faites aux femmes et aux filles
Dix-sept femmes ont été tuées par leur partenaire ou leur ex-partenaire durant l’année.
En octobre, une jeune femme de 19 ans a déclaré avoir été violée par deux policiers au poste de police d’Omónia, à Athènes. Les deux hommes ont été inculpés de viol en réunion et ont bénéficié d’une libération conditionnelle sous caution. Un troisième policier a été inculpé de complicité. L’enquête était toujours en cours à la fin de l’année.
Droits économiques, sociaux et culturels
Amnesty International a déposé en novembre une plainte collective auprès du Comité européen des droits sociaux [Conseil de l’Europe]. Cette plainte portait sur les violations, par l’État grec, des droits à la santé et à la non-discrimination en conséquence des mesures d’austérité adoptées après la crise économique de 2009-2010, et sur les répercussions persistantes de ces mesures sur la capacité du système de santé à faire face à la pandémie de COVID-19.
Droits des personnes détenues
En octobre, la société civile s’est inquiétée des conséquences de nouvelles mesures législatives réformant le Code pénitentiaire, qui risquaient de limiter encore davantage les droits des personnes détenues (notamment le droit à une libération provisoire) et de contribuer à la surpopulation chronique qui régnait dans les prisons grecques.