La torture constituait toujours un problème préoccupant. La police a fait usage d’une force excessive contre des manifestant·e·s. Certaines mesures de restriction prises pour empêcher des rassemblements musicaux non autorisés risquaient de porter atteinte à la liberté de réunion. Le niveau de violence contre les femmes restait élevé dans le pays. Des personnes secourues en mer n’ont pas été autorisées à débarquer avant plusieurs jours. Le gouvernement a adopté de nouvelles règles destinées à limiter les opérations de secours menées par des navires affrétés par des ONG. La coopération avec la Libye en matière de migrations a été prolongée, en dépit d’atteintes aux droits humains. L’accès à l’interruption de grossesse n’était pas garanti dans certaines régions. La pauvreté a progressé, avec de graves conséquences pour les enfants et les personnes d’origine étrangère. Le Parlement n’a pas étendu la protection contre les crimes de haine aux personnes LGBTI, aux femmes et aux personnes en situation de handicap. Les lanceurs et lanceuses d’alerte ne bénéficiaient pas d’une protection juridique suffisante. L’obligation de vaccination contre le COVID-19 a été levée pour le personnel médical travaillant dans des hôpitaux et des lieux d’accueil.
Contexte
Mario Draghi a présenté sa démission en juillet. Les élections législatives de septembre ont donné une large majorité à la coalition d’extrême droite, et notamment au parti des Frères d’Italie, dirigé par Giorgia Meloni, qui est devenue Première ministre au mois d’octobre. Pendant sa campagne électorale et lors de son premier discours devant le Parlement, Giorgia Meloni a condamné le racisme et l’antisémitisme, mais son parti utilisait toujours un langage et des symboles rappelant le régime fasciste de Benito Mussolini.
Torture et autres mauvais traitements
En novembre, 105 personnes, pour la plupart membres du personnel pénitentiaire, ont été traduites en justice pour de multiples chefs d’accusation, notamment des actes de torture, à la suite de la violente répression d’un mouvement de protestation à la prison Santa Maria Capua Vetere, en avril 2020.
Un policier a été placé en résidence surveillée en décembre. Il était soupçonné d’actes de torture sur la personne de Hasib Omerovic, un homme d’origine rom en situation de handicap. Ce dernier était tombé par la fenêtre de son domicile, dans les environs de Rome, dans des circonstances qui restaient à préciser, lors d’une perquisition non autorisée effectuée par la police au mois de juillet. Quatre autres membres de la police, accusés de faux témoignages, ont été suspendus.
Liberté d’expression et de réunion
La police a fait usage à plusieurs reprises d’une force excessive contre des manifestant·e·s. En janvier, à Turin, la police antiémeutes a frappé à coups de matraque des étudiant·e·s qui manifestaient notamment pour dénoncer la mort d’un jeune homme de 18 ans sur son lieu de travail. Une vingtaine de personnes ont été blessées, dont une grièvement.
Le Parlement a approuvé en décembre la création d’une nouvelle infraction pour sanctionner la violation de propriété destinée à organiser un événement musical ou, plus généralement, festif considéré comme dangereux pour la santé et la sécurité publiques. Au titre de cette nouvelle disposition, les personnes organisant de tels rassemblements encouraient jusqu’à six ans d’emprisonnement et une amende pouvant atteindre 10 000 euros. Ce texte risquait de porter atteinte à la liberté de réunion et d’expression.
Violences faites aux femmes et aux filles
En 2022, 100 femmes ont été tuées dans des affaires de violence domestique, dont 59 par leur partenaire ou leur ex-partenaire. Ces chiffres étaient légèrement inférieurs à ceux de 2021.
Le Parlement n’a pas adopté un projet de loi déposé en 2021, qui visait à renforcer la lutte contre les violences faites aux femmes.
Droits des personnes réfugiées ou migrantes
Plus de 160 000 personnes fuyant l’Ukraine ont demandé à l’Italie une protection temporaire, au titre de la Directive européenne sur la protection temporaire. Les autorités leur ont accordé un accès prioritaire à une carte de séjour et à une allocation de subsistance.
Parallèlement, 1 373 personnes ont disparu en mer en essayant de trouver refuge en Italie. Nombre d’entre elles étaient parties de Libye. Quelque 105 140 personnes sont arrivées par la mer de façon irrégulière, contre 67 477 en 2021. Elles ont dû, pour beaucoup, être secourues au large. Plus de 12 000 d’entre elles étaient des mineur·e·s non accompagnés. En juin, 21 pays européens se sont accordés sur la mise en place d’un mécanisme de solidarité volontaire destiné à réinstaller jusqu’à 10 000 demandeurs et demandeuses d’asile arrivés en Italie et dans d’autres pays méditerranéens.
Le gouvernement a refusé de désigner un lieu sûr de débarquement destiné à accueillir les centaines de personnes secourues par des navires affrétés par des ONG, puis a tenté de mettre en place une procédure de sélection des personnes autorisées à débarquer. Le gouvernement français a autorisé le débarquement en France d’un groupe de personnes refusé par l’Italie, pour ensuite suspendre, à titre de représailles, les transferts depuis l’Italie vers la France dans le cadre du mécanisme de réinstallation. Le gouvernement a adopté en décembre un décret à effet immédiat destiné à limiter les activités de secours en mer des ONG. Les équipages des ONG devaient désormais demander qu’on leur attribue un port de débarquement et rallier celui-ci après chaque opération de secours, limitant la possibilité pour eux de sauver davantage de vies au cours d’une opération. Ils devaient également déterminer en mer si les personnes secourues avaient l’intention de solliciter l’asile. Toute violation de la nouvelle réglementation était passible de sanctions administratives, allant d’une amende à la saisie provisoire ou définitive du navire.
En décembre, un tribunal de Rome a déclaré un membre de la Marine italienne et un responsable des garde-côtes coupables d’avoir refusé d’autoriser une opération de secours, contribuant ainsi à la mort de 268 personnes, dont plusieurs dizaines d’enfants, lors du naufrage d’une embarcation transportant des réfugié·e·s en octobre 2013. Ces deux hommes n’ont cependant pas pu être condamnés, car les faits étaient prescrits.
Cette année encore, certaines informations ont fait état de cas d’exploitation de travailleuses et travailleurs migrants. L’agriculture était notamment l’un des secteurs où la main-d’œuvre était le plus souvent sous-payée et contrainte de vivre dans des logements indécents et dangereux. Cinq personnes ont été arrêtées en novembre pour exploitation de main-d’œuvre dans le cadre de la récolte des tomates, près de Foggia, dans les Pouilles.
Coopération avec la Libye
Malgré les graves violations des droits humains perpétrées par les autorités et les milices libyennes, l’Italie a continué de fournir un soutien à la Libye afin que celle-ci retienne les migrant·e·s sur son territoire. Les autorités libyennes ont intercepté plus de 24 000 personnes en mer au cours de l’année, qu’elles ont ensuite ramenées en Libye, avec le soutien logistique et matériel de l’Italie.
Le Parlement a voté en juillet la prolongation d’un an du mandat des missions militaires apportant une assistance aux autorités libyennes pour l’interception en mer des réfugié·e·s et des migrant·e·s et leur retour en Libye. En novembre, le protocole d’accord conclu avec la Libye en matière de migration et de contrôle des frontières a été tacitement reconduit pour trois ans.
Criminalisation de la solidarité
Des personnes ont cette année encore été traduites en justice pour « aide à l’immigration clandestine ». Toutefois, dans certains cas, les tribunaux ont reconnu que des actes de solidarité ne pouvaient pas être considérés comme des infractions. La Cour de cassation a annulé en mai la condamnation de quatre Érythréens accusés d’avoir aidé à l’entrée irrégulière sur le territoire de plusieurs de leurs compatriotes, à qui ils avaient offert l’hospitalité. L’affaire avait commencé en 2014. Ces quatre hommes ont passé 18 mois en détention provisoire.
À Trapani, en Sicile, le procès intenté pour aide présumée à l’immigration clandestine contre les équipages de la Iuventa et de plusieurs autres navires de sauvetage affrétés par des ONG en était toujours au stade de l’audience préliminaire. Les faits reprochés concernaient des opérations de sauvetage menées en 2016 et en 2017. Le gouvernement s’est constitué partie civile dans ce procès en décembre.
Droits sexuels et reproductifs
L’accès à l’avortement restait difficile dans de nombreuses régions en raison du nombre de médecins et d’autres professionnel·le·s de la santé qui refusaient de pratiquer des actes liés à ce type d’intervention. Dans certains secteurs, ces praticien·ne·s représentaient la totalité du personnel médical compétent.
Droits économiques, sociaux et culturels
Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels des Nations Unies a exprimé en octobre sa préoccupation face à la montée de la pauvreté, notamment parmi les enfants, et au nombre particulièrement élevé de personnes étrangères en situation de pauvreté absolue. Le Comité a également souligné les conditions de vie et de travail inhumaines subies par les travailleuses et travailleurs de l’économie informelle.
Discrimination
Le Parlement n’avait toujours pas adopté de loi accordant aux personnes LGBTI, aux femmes et aux personnes en situation de handicap les mêmes protections que celles dont bénéficiaient les autres victimes de discours et crimes haineux, fondés sur des motifs racistes, religieux, ethniques ou nationalistes.
Par ailleurs, alors que le sujet était en discussion depuis plusieurs dizaines d’années, le Parlement n’a pas adopté de texte de loi destiné à permettre concrètement aux enfants nés en Italie, ou ayant grandi dans le pays, et dont les parents étaient étrangers d’obtenir la nationalité italienne. Plus de 1 500 000 enfants continuaient d’être victimes de discrimination et de rencontrer des problèmes pour pleinement jouir de leurs droits.
Droits des travailleuses et travailleurs
Le Parlement n’avait pas transposé dans le droit italien la Directive 1937/2019 de l’Union européenne sur la protection des personnes qui signalent des violations du droit de l’Union avant la date limite du 31 décembre 2021. L’absence de garanties en la matière expliquait en partie les problèmes auxquels ont été confrontés les professionnel·le·s du secteur de la santé et de l’aide à la personne ayant exprimé leurs inquiétudes face aux conditions de travail dans les établissements spécialisés alors que sévissait la pandémie de COVID-19.
Droit à la santé
Le maintien de restrictions excessives sur les visites aux pensionnaires des maisons de retraite, afin de lutter contre la propagation du coronavirus, constituait une atteinte au droit de ces personnes à la vie privée et à une vie de famille.
Lutte contre la crise climatique
Une partie du glacier alpin de la Marmolada s’est effondrée au mois de juillet, entraînant la mort de 11 personnes. Les spécialistes attribuaient la rupture de ce glacier à l’augmentation des températures à la surface du globe.
Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels s’est inquiété, en octobre, des politiques publiques actuelles de l’Italie en matière de réduction des émissions qui, selon lui, risquaient de ne pas permettre au pays de satisfaire aux obligations qui étaient les siennes dans le cadre de la lutte contre le changement climatique.