Résumé régional Moyen-Orient et Afrique du Nord - Rapport annuel 2022

Les gouvernements de la région n’ont pas apporté de réponse adaptée aux conséquences désastreuses de l’aggravation de la situation économique, exacerbées par des événements internationaux tels que la guerre en Ukraine et des facteurs locaux comme les conflits et les catastrophes naturelles liées au climat, sur les droits fondamentaux de millions de personnes à l’alimentation, à l’eau, au logement et aux soins médicaux.

Les conflits armés ont continué de dévaster les vies de millions de personnes au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. Des civil·e·s ont été victimes d’attaques menées sans discernement, de la destruction d’infrastructures essentielles, de déplacements forcés et du pouvoir exercé de manière violente par des milices, des groupes armés ou des forces de sécurité échappant à tout contrôle. Le Liban et la Jordanie accueillaient toujours des millions de réfugié·e·s syriens, mais ont adopté des politiques coercitives pour les inciter à retourner dans leur pays d’origine. Les autorités n’ont pas fait le nécessaire pour permettre à des millions de personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays de rentrer en toute sécurité dans leur région d’origine.

Les gouvernements ont cette année encore utilisé des mesures draconiennes pour réprimer l’exercice des droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique. Les autorités ont censuré ou réduit au silence des médias en ligne et hors ligne. Elles ont soumis des défenseur·e·s des droits humains, des journalistes, des manifestant·e·s, des défenseur·e·s des droits des femmes, des militant·e·s politiques et d’autres personnes exprimant des opinions critiques ou dissidentes à des détentions arbitraires, des poursuites pénales sans fondement, des procès iniques, des condamnations à des peines d’emprisonnement, des interdictions de voyager, des menaces et d’autres formes de harcèlement. Les forces de sécurité ont eu recours à une force illégale et parfois meurtrière ainsi qu’à des arrestations massives pour réprimer des manifestations.

D’autres violations des droits humains ont été observées dans la région, dont des discriminations à l’égard des minorités ethniques et religieuses, des disparitions forcées, des actes de torture et d’autres mauvais traitements, et le recours à la peine de mort et à d’autres peines cruelles, inhumaines ou dégradantes.

Trois événements en particulier ont mis en lumière les problèmes de droits humains au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. En septembre, la mort en détention de Mahsa (Zhina) Amini après son arrestation par la « police des mœurs » iranienne pour non-respect des lois abusives du pays imposant le port du voile a déclenché des manifestations sans précédent pour demander la fin de la République islamique et l’instauration d’un système respectueux des droits humains et de l’égalité. En novembre, la 27e Conférence des Nations unies sur les changements climatiques (COP27) s’est déroulée en Égypte. Ce sommet a exposé au grand jour la situation déplorable du pays en matière de droits humains et le sort des dizaines de milliers de personnes languissant dans les prisons égyptiennes pour des raisons politiques. Il a également mis en évidence l’incapacité des gouvernements du monde entier à prendre les mesures nécessaires pour faire face à la crise climatique et lutter contre les dégradations de l’environnement. En novembre également, le Qatar a organisé la Coupe du monde de football, qui a attiré l’attention sur le sort des travailleuses et travailleurs migrants dans le pays, dont certain·e·s subissaient des conditions s’apparentant à du travail forcé. De nombreuses personnes migrantes connaissaient des conditions de travail similaires dans d’autres pays de la région. La Coupe du monde a également mis en avant la discrimination envers les personnes LGBTI au Qatar.

Violations du droit international humanitaire

En Irak, en Israël et dans les territoires palestiniens occupés, en Libye, en Syrie et au Yémen, les conflits armés prolongés, l’occupation militaire et l’insécurité ont continué de dévaster les vies de millions de civil·e·s. Les différentes parties aux conflits, qu’il s’agisse d’acteurs étatiques ou non étatiques, ont commis des crimes de guerre et d’autres violations graves du droit international humanitaire, parmi lesquelles des attaques aveugles ou ciblées qui ont causé d’importantes pertes civiles et la destruction d’infrastructures.

Le conflit armé en Syrie est entré dans sa 11e année, même si le niveau des violences a diminué. Les forces gouvernementales syriennes et russes ont mené des attaques terrestres et aériennes illégales contre des populations et des infrastructures civiles, notamment sur des stations de pompage d’eau et des camps de personnes déplacées, faisant des dizaines de morts et de blessés.
Le conflit qui ravageait le Yémen s’est poursuivi malgré un accord de cessez-le-feu. Toutes les parties ont mené des attaques illégales qui ont tué des civil·e·s, entravé l’accès à l’aide humanitaire et détruit des infrastructures de caractère civil.

En Libye, le cessez-le-feu national en place depuis octobre 2020 a tenu dans l’ensemble. Cependant, des milices et des groupes armés se sont encore livrés à des affrontements localisés pour le contrôle du territoire et des ressources, au cours desquels ils ont mené des attaques aveugles et détruit des infrastructures civiles.

Le conflit entre les forces armées israéliennes et les groupes armés palestiniens a repris de plus belle. Le 5 août, Israël a lancé une offensive militaire de trois jours visant le Djihad islamique palestinien dans la bande de Gaza, territoire soumis depuis 15 ans à un blocus israélien illégal et à un régime discriminatoire. Quelque 1 700 habitations palestiniennes ont été endommagées ou détruites et des centaines de civil·e·s ont été déplacés pendant cette offensive. Dix-sept civil·e·s palestiniens ont trouvé la mort dans des attaques israéliennes et au moins sept autres ont été tués par des roquettes vraisemblablement lancées par des groupes armés palestiniens ayant manqué leur cible.

Toutes les parties aux conflits armés doivent respecter le droit international humanitaire, et en particulier mettre fin aux attaques directes contre les populations ou les infrastructures civiles ainsi qu’aux attaques menées sans discernement. Les gouvernements étrangers doivent cesser de transférer des armes dès lors qu’il existe un risque prépondérant que ces armes soient utilisées pour commettre ou faciliter de graves violations du droit international humanitaire ou relatif aux droits humains.

Droits des personnes réfugiées, migrantes ou déplacées

Les droits des personnes réfugiées, migrantes ou déplacées continuaient d’être mis à mal par des conflits en cours et historiques. Les pays d’accueil, comme le Liban et la Jordanie, ne respectaient pas les droits des réfugié·e·s et les gouvernements donateurs ne finançaient pas suffisamment les programmes humanitaires. Cette année encore, les autorités de la région ont arrêté et maintenu arbitrairement en détention des personnes réfugiées ou migrantes et procédé à des renvois forcés et des expulsions massives.

Environ 1,5 million de réfugié·e·s syriens se trouvaient toujours au Liban, mais la plupart vivaient dans une extrême pauvreté et étaient dans l’incapacité d’accéder à leurs droits fondamentaux, notamment à l’alimentation, au logement, à l’éducation et à la santé, en raison de l’insuffisance des mesures prises par le gouvernement pour atténuer les effets de la crise économique. Les autorités libanaises ont en outre accéléré leur politique de retours « volontaires » des Syrien·ne·s dans leur pays d’origine, malgré le risque prouvé de graves persécutions pesant sur eux en Syrie et l’environnement coercitif au Liban qui nuisait à leur capacité de consentir librement et de façon éclairée à leur retour.

La Jordanie voisine continuait d’accueillir environ deux millions de réfugié·e·s palestiniens et plus de 750 000 originaires d’autres pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord, dont la plupart avaient un accès limité aux services essentiels à cause du grave manque de financements. Israël a accueilli plusieurs dizaines de milliers de réfugié·e·s ukrainiens et a autorisé des milliers d’Ukrainien·ne·s juifs à s’installer dans le pays, mais continuait de priver des millions de Palestiniennes et Palestiniens de leur droit au retour. Les autorités israéliennes ont également refusé l’asile à des dizaines de milliers de personnes ayant fui des pays d’Afrique, notamment l’Érythrée et le Soudan.

En Libye, des agents de l’État ou des membres de milices et de groupes armés soumettaient les personnes réfugiées et migrantes à des atteintes généralisées aux droits humains, parmi lesquelles des homicides illégaux, des détentions arbitraires sans limitation de durée, des actes de torture, des viols et d’autres formes de mauvais traitements, et du travail forcé. Les gardes-côtes libyens, qui bénéficiaient du soutien de l’UE, ont tiré sur des embarcations transportant des réfugié·e·s et des migrant·e·s qui tentaient de traverser la Méditerranée ou les ont endommagées délibérément. Plusieurs milliers de personnes interceptées en mer et débarquées en Libye ont été soumises à une disparition forcée ; des milliers d’autres ont été expulsées depuis les frontières sud du pays sans avoir pu déposer une demande d’asile.

À la frontière entre le nord du Maroc et l’enclave espagnole de Melilla, les forces de sécurité des deux pays ont eu recours à une force excessive, qui a causé la mort d’au moins 37 personnes originaires d’Afrique subsaharienne et a fait de nombreux blessés. En Algérie, les autorités ont arrêté ou expulsé sommairement des dizaines de personnes réfugiées ou en quête d’asile. En Iran, les forces de sécurité ont fait feu sur des ressortissant·e·s d’Afghanistan qui franchissaient la frontière entre les deux pays et en ont détenu arbitrairement et torturé d’autres avant de les expulser illégalement. L’Arabie saoudite a renvoyé de force des dizaines de milliers de migrant·e·s éthiopiens après les avoir détenus arbitrairement dans des conditions inhumaines uniquement parce qu’ils n’avaient pas de titre de séjour valide, et les avoir soumis à des actes de torture et d’autres formes de mauvais traitements. En Irak, en Libye et en Syrie, de nombreuses personnes déplacées dans leur propre pays n’ont pas pu retourner chez elles en raison de l’insécurité, des risques d’arrestation arbitraire et de harcèlement aux mains des forces de sécurité et du manque de services essentiels et de perspectives d’emploi.

Les gouvernements doivent cesser de détenir arbitrairement les personnes réfugiées ou migrantes en raison de leur statut migratoire et les protéger des renvois forcés et des expulsions massives. Ils doivent également prendre des mesures concrètes pour permettre aux personnes déplacées dans leur propre pays de retourner chez elles sur une base volontaire, en toute sécurité et dans la dignité.

Liberté d’expression, d’association et de réunion

Dans toute la région Moyen-Orient et Afrique du Nord, les autorités ont cette année encore arrêté arbitrairement, placé en détention, poursuivi en justice et harcelé des personnes qui n’avaient fait qu’exprimer des opinions critiques, participer à des manifestations pacifiques ou s’engager dans la défense des droits humains ou le militantisme politique.

Elles ont eu recours à des textes de loi relatifs au terrorisme ou à des accusations formulées en termes vagues ayant trait à la « sécurité nationale » pour étouffer la dissidence et imposer de longues peines d’emprisonnement. En Algérie, le militant écologiste Mohad Gasmi a été condamné à trois ans de prison pour des échanges par courriel au sujet de l’exploitation du gaz de schiste dans le pays. En Jordanie, trois journalistes ont été arrêtés et inculpés de « diffusion de fausses nouvelles » pour avoir divulgué le contenu de documents confidentiels révélant les activités financières d’entreprises, de responsables politiques et du roi. Au Maroc, la défenseure des droits humains Saïda El Alami a été condamnée à deux ans d’emprisonnement pour ses publications sur les réseaux sociaux dans lesquelles elle dénonçait la répression subie par les journalistes et les militant·e·s. Sa peine a ensuite été alourdie à trois ans en appel.

Dans certains pays, les autorités ont accentué la censure ou les menaces visant la liberté d’expression. Au Yémen, les autorités houthies de facto ont fermé au moins six stations de radio dans la capitale et maintenaient en détention au moins huit journalistes, dont quatre étaient sous le coup d’une condamnation à mort. Le gouvernement syrien a adopté une nouvelle loi sur la cybercriminalité prévoyant de lourdes peines d’emprisonnement pour les personnes qui critiquaient en ligne les autorités ou la Constitution. En Tunisie, un nouveau décret-loi prévoyait des peines allant jusqu’à 10 ans d’emprisonnement contre toute personne utilisant sciemment des réseaux de télécommunication en vue de produire, d’envoyer ou de diffuser de « fausses nouvelles » ou d’autres contenus faux ou diffamatoires. Ce texte permettait également aux autorités de dissoudre les entités ayant violé ses dispositions. Aux Émirats arabes unis, une nouvelle loi faisait encourir des poursuites pénales à « quiconque se [rendait] coupable de moquerie, d’insulte ou d’atteinte à l’égard du prestige ou de la réputation de l’État » ou de « ses dirigeants fondateurs ».

Les forces de l’ordre ont réprimé des manifestations en Iran, en Libye et en Syrie, notamment en recourant illégalement à la force meurtrière et en procédant à des arrestations massives. Les autorités iraniennes ont répondu au soulèvement sans précédent contre la République islamique par des tirs à balles réelles, des tirs de projectiles en métal et des coups, qui ont fait des centaines de morts, dont des dizaines d’enfants, et des milliers de blessés. Elles ont en outre fermé ou interrompu les réseaux Internet et de téléphonie mobile et bloqué l’accès aux plateformes de réseaux sociaux. Plusieurs milliers de personnes ont été arrêtées arbitrairement et ont fait l’objet de procès iniques et de poursuites injustifiées ; deux d’entre elles ont été exécutées. Les autorités palestiniennes ont utilisé une force excessive pour disperser des manifestations pacifiques en Cisjordanie et dans la bande de Gaza.

L’impunité prévalait à l’échelle nationale pour les homicides illégaux et d’autres graves atteintes aux droits humains dans toute la région, mais des avancées ont eu lieu au niveau international. En novembre, le Conseil des droits de l’homme [ONU] a par exemple mis en place une mission d’établissement des faits pour enquêter sur les violations des droits humains liées aux manifestations qui se sont déroulées à partir de septembre en Iran. Par ailleurs, en vertu du principe de la compétence universelle, des pays européens ont, dans le cadre d’une procédure nationale, ouvert des enquêtes et engagé des poursuites contre des personnes soupçonnées de crimes de droit international commis en Syrie et en Iran.

Dans plusieurs pays de la région, les autorités ont pris d’autres mesures pour réprimer la dissidence. En Algérie, elles ont eu recours à des accusations fallacieuses liées à la lutte antiterroriste pour réduire au silence des membres de formations politiques et de mouvements d’opposition. Elles ont aussi suspendu les activités d’au moins un parti politique et menacé de suspension au moins deux autres formations. Les autorités israéliennes ont procédé à des perquisitions dans les locaux de sept organisations de la société civile palestiniennes et ordonné leur fermeture. Elles ont également empêché un parti politique palestinien de se présenter aux élections législatives israéliennes. En décembre, l’avocat spécialiste des droits humains Salah Hammouri a été expulsé vers la France après neuf mois de détention administrative sans inculpation ni procès et l’annulation de son statut de résident à Jérusalem-Est.

Entre avril et la fin de l’année, les autorités égyptiennes ont libéré 895 détenu·e·s incarcérés pour des raisons politiques, mais dans le même temps 2 562 personnes soupçonnées d’avoir eu un comportement critique à l’égard des autorités ont été arrêtées et interrogées par le parquet, dont plusieurs centaines en lien avec des appels à manifester lors de la COP27 en novembre. Des milliers de défenseur·e·s des droits humains, de journalistes, de manifestant·e·s et d’autres personnes ayant exprimé des opinions critiques ou dissidentes avérées ou présumées se trouvaient toujours en détention arbitraire pour avoir exercé leurs droits fondamentaux.

Les gouvernements doivent respecter les droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique, notamment en veillant à ce que les journalistes, les défenseur·e·s des droits humains et les militant·e·s puissent jouir de ces droits sans subir de harcèlement, de violences ni de poursuites, et en libérant les personnes détenues pour les avoir exercés.

Discrimination

Femmes et filles

Dans toute la région, les femmes et les filles restaient en butte à la discrimination dans la législation et dans la pratique, notamment en ce qui concerne leurs droits en matière d’héritage, de divorce, de représentation politique et d’emploi. Les violences liées au genre restaient très fréquentes et étaient souvent commises en toute impunité. En Arabie saoudite, en Égypte, en Irak, en Iran et au Yémen, les autorités ont soumis à des poursuites pénales, des interrogatoires et/ou d’autres formes de harcèlement des défenseures et militantes des droits humains qui dénonçaient les violences sexuelles et la discrimination liée au genre.

Les femmes et les filles ont été en première ligne des manifestations nationales qui ont débuté en Iran en septembre, remettant en cause des décennies de discrimination et de violences liées au genre et défiant la législation discriminatoire et dégradante imposant le port du voile.
Des crimes « d’honneur » visant des femmes, ainsi que d’autres féminicides, ont continué d’être commis. Dans le centre de l’Irak et au Kurdistan irakien, les autorités n’ont toujours pas érigé en infraction la violence domestique, en dépit d’une recrudescence de ces crimes et des autres formes de violences fondées sur le genre, y compris contre les femmes transgenres. En Algérie, 37 féminicides ont été enregistrés.

Les protections juridiques contre la discrimination ont été affaiblies dans plusieurs pays de la région. En mars, l’Arabie saoudite a adopté sa première « loi relative au statut personnel », qui codifiait les pratiques problématiques inhérentes au système de tutelle masculine et consolidait la discrimination liée au genre dans la plupart des aspects de la vie familiale. Une modification de la loi électorale tunisienne a supprimé des dispositions qui visaient à favoriser la représentation des femmes au Parlement. Les autorités houthies de facto du Yémen ont interdit aux femmes de se déplacer dans les gouvernorats placés sous leur contrôle sans être accompagnées d’un tuteur masculin ou munies de son autorisation écrite.

Dans certains pays, des améliorations ont été constatées, même si les femmes continuaient de subir des discriminations et des violences. Le Maroc a ratifié le Protocole facultatif à la Convention sur l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, mais sa législation nationale continuait de conforter les inégalités de genre. En Jordanie, bien qu’une modification de la Constitution ait instauré l’égalité entre hommes et femmes devant la loi et interdit la discrimination entre les genres, aucune mesure n’a été prise pour faire évoluer les lois du pays. Au Koweït, le gouvernement a mis en place des mesures pour accroître la représentation des femmes dans la fonction publique et aux postes d’encadrement, mais le droit national restait discriminatoire envers les femmes. Les autorités d’Oman ont mis à disposition une permanence téléphonique pour les victimes de violence domestique, mais elles n’ont pas créé de centres d’hébergement d’urgence ni adopté de lois définissant ce type de violence.

Personnes LGBTI

Dans toute la région, des personnes LGBTI ont été arrêtées et poursuivies en justice en raison de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre. Dans certains pays, les autorités leur ont fait subir des actes de torture, comme des examens rectaux forcés. Des juridictions pénales ont prononcé de lourdes peines à l’encontre d’hommes et de femmes reconnus coupables de relations librement consenties entre personnes de même sexe.

Certains pays ont montré des signes de régression. Au Liban, sous la pression de groupes religieux exigeant le « rejet de la diffusion de l’homosexualité », le ministère de l’Intérieur a interdit des rassemblements pacifiques organisés par des personnes LGBTI, mais un tribunal a suspendu cette décision. Le gouvernement des Émirats arabes unis, où la législation interdisait les relations librement consenties entre personnes de même sexe, a ordonné que les enseignant·e·s « s’abstiennent […] d’aborder l’identité de genre, l’homosexualité ou tout autre comportement inacceptable aux yeux de la société émirienne » avec leurs élèves. Au Yémen, les autorités ont soumis des personnes qui ne se conformaient pas aux normes en matière d’orientation sexuelle ou d’identité de genre à des arrestations arbitraires et à des actes de torture, notamment des viols.

Minorités ethniques et religieuses

Dans toute la région, les membres de minorités nationales, ethniques et religieuses étaient toujours en butte à une discrimination profondément enracinée, en droit et en pratique, notamment en ce qui concerne leurs droits de pratiquer leur culte, de bénéficier de l’égalité d’accès à l’emploi et aux soins de santé, et de vivre à l’abri des persécutions et autres graves atteintes aux droits humains.

Israël imposait toujours à la population palestinienne une forme de discrimination extrême, s’apparentant à un apartheid, par le biais d’un système d’oppression et de domination caractérisé par la fragmentation territoriale, la ségrégation et le contrôle, la dépossession des terres et des biens et la privation des droits économiques et sociaux. Les autorités israéliennes ont commis de multiples violations des droits humains contre des Palestinien·ne·s dans le but de maintenir ce système en place, notamment des transferts forcés, des placements en détention administrative, des actes de torture, des homicides illégaux, la privation de libertés et de droits fondamentaux, et des actes de persécution, qui étaient constitutifs du crime contre l’humanité d’apartheid. Pour conforter encore ce système, elles ont de nouveau promulgué en mars une loi imposant de larges restrictions sur le regroupement familial pour les Palestinien·ne·s afin de maintenir une majorité démographique juive et, en juillet, la Cour suprême israélienne a validé une loi autorisant le ministère de l’Intérieur à déchoir de leur nationalité des personnes reconnues coupables d’actes constituant un « manquement à l’allégeance à l’État d’Israël ».

En Iran, les minorités ethniques – Arabes ahwazis, Azéris, Baloutches, Kurdes et Turkmènes, notamment – subissaient une discrimination systématique, qui limitait leur accès à l’éducation, à l’emploi, au logement et aux fonctions politiques. Au Koweït, les bidun (Arabes nés dans le pays mais apatrides) étaient confrontés à une discrimination de plus en plus grande dans la législation.
Les membres de minorités religieuses faisaient également face à une discrimination profondément enracinée, en droit et dans la pratique, notamment au regard de leur droit de pratiquer leur culte.

En Algérie, les autorités ont invoqué une ordonnance établissant des restrictions sur les religions autres que l’islam sunnite pour persécuter des adeptes de la religion ahmadie de la paix et de la lumière et ordonner la fermeture d’au moins trois églises protestantes. Les autorités égyptiennes ont continué de poursuivre et d’emprisonner des chrétien·ne·s et des membres d’autres minorités religieuses, ainsi que des personnes athées ou embrassant des convictions religieuses non reconnues par l’État, pour « diffamation de la religion » et d’autres accusations fallacieuses. En Iran, les baha’is, les chrétien·ne·s, les derviches gonabadis, les personnes juives, les yarsans et les musulman·e·s sunnites étaient victimes de discrimination en droit et en pratique, notamment en matière d’accès à l’éducation, à l’emploi, aux fonctions politiques et aux lieux de culte.

Les gouvernements doivent prendre des mesures urgentes pour mettre fin à la discrimination liée au genre et à la violence contre les femmes, les filles et les personnes LGBTI, traduire en justice les auteurs présumés de tels faits et dépénaliser les relations librement consenties entre personnes de même sexe. Ils doivent également mettre un terme à la discrimination fondée sur la nationalité, l’origine ethnique ou la religion et mettre en œuvre des réformes juridiques et politiques destinées à garantir l’égalité des droits pour tous et toutes, sans discrimination, ainsi qu’à protéger, promouvoir et garantir la liberté de religion et de conviction.

Droits économiques et sociaux

Les crises économiques traversées par certains pays de la région ont eu des effets désastreux en termes de coût de la vie et de sécurité alimentaire et énergétique, ainsi que sur les droits à l’eau, au logement, à la santé et à un niveau de vie suffisant. Les catégories de population marginalisées, notamment les femmes, les personnes LGBTI, les minorités ethniques et religieuses, les personnes réfugiées ou migrantes et les employé·e·s faiblement rémunérés, ont été les plus durement frappées.

Au Liban, les autorités n’ont pas su remédier à la grave crise économique qui touchait le pays, considérée par la Banque mondiale comme l’une des pires de l’histoire contemporaine. Il en résultait une forte dégradation de la protection des droits économiques et sociaux. Près de la moitié des ménages libanais étaient en situation d’insécurité alimentaire ; l’État fournissait moins de deux heures d’électricité par jour ; les médicaments étaient inabordables ou indisponibles ; et les programmes de protection sociale demeuraient totalement inadaptés. L’Égypte a plongé dans une crise financière et économique, qui menaçait les droits économiques et sociaux de millions d’habitant·e·s. La crise économique s’est également aggravée en Tunisie, où le taux de chômage a atteint 15 % et où des pénuries de denrées alimentaires de base sont apparues. En Syrie, on estimait que 55 % de la population était en situation de précarité alimentaire. Au Yémen, l’accès à la nourriture a été fortement restreint par la dépréciation de la monnaie, le taux d’inflation élevé et la flambée des prix alimentaires dans le monde.

Dans toute la région, les autorités n’ont pas fait le nécessaire pour protéger les travailleuses et travailleurs faiblement rémunérés des abus en matière d’emploi et ont réprimé le droit d’adhérer à un syndicat indépendant et de faire grève sans avoir à craindre de graves répercussions. En Égypte, en Iran et en Jordanie, des personnes ayant organisé des manifestations ou des grèves ou tenté de former des syndicats indépendants ont fait l’objet de licenciements abusifs, d’arrestations et de poursuites judiciaires. Dans les États du Golfe, les travailleuses et travailleurs migrants, qui constituaient la majorité de la main-d’œuvre, demeuraient exposés à des formes extrêmes d’exploitation, des discriminations à l’embauche, des conditions de logement déplorables, diverses violences physiques et psychologiques, une rémunération insuffisante ou des salaires impayés, un accès limité aux soins médicaux, des licenciements sans préavis et des renvois forcés dans leur pays d’origine. Au Qatar, le gouvernement a continué de réformer le système de parrainage (kafala) pour les travailleuses et travailleurs migrants, mais ce processus n’a pas mis fin aux infractions généralisées au droit du travail, y compris aux vols de salaires. Les autorités n’ont toujours pas mené d’enquêtes sérieuses sur les morts soudaines et inexpliquées de travailleurs migrants, notamment ceux travaillant sous une chaleur extrême et pendant de longues heures sans pause ni jours de repos. Nombre de travailleuses et travailleurs migrants étaient confrontés à des discriminations fondées sur l’origine ethnique, la nationalité et la langue, qui se traduisaient par des différences de niveau de salaires, de moins bonnes conditions de travail et des tâches plus pénibles. Dans le secteur des travaux domestiques, qui employait en majorité des femmes, les personnes migrantes continuaient de subir des conditions de travail très difficiles et de graves violences physiques, psychologiques et sexuelles. Les autorités interdisaient toujours aux travailleuses et travailleurs migrants de créer ou de rejoindre des syndicats, un droit pourtant accordé aux citoyen·ne·s qatariens.

Les gouvernements doivent agir de toute urgence pour mettre en place des mesures de protection sociale qui protègent vraiment toutes les personnes, y compris les catégories de population marginalisées, contre les répercussions négatives des crises, et appeler à des initiatives internationales coordonnées pour garantir les droits à la santé, à l’alimentation et à un niveau de vie suffisant. Ils doivent également protéger le droit des travailleuses et des travailleurs de former des syndicats indépendants et de manifester, et étendre les protections prévues par le droit du travail aux travailleuses et travailleurs migrants, dont les employé·e·s de maison.

Lutte contre la crise climatique

Aucun pays de la région n’a pris les mesures nécessaires pour faire face au changement climatique et aux dégradations de l’environnement, y compris ceux qui ont signé l’Accord de Paris sur le climat de 2015, traité international juridiquement contraignant. L’année 2022 a apporté de multiples preuves des conséquences dévastatrices de la crise climatique sur les droits humains. En Algérie, des feux de forêt ont détruit de vastes zones boisées et tué plus de 40 personnes. L’Iran a encore subi l’assèchement de lacs, de cours d’eau et de zones humides, la déforestation, des niveaux élevés de pollution de l’air et de l’eau, et des affaissements de terrain. En Irak, les sécheresses, les vagues de chaleur et les tempêtes de sable particulièrement intenses ont déplacé plus de 10 000 familles.

Les principaux pays producteurs de pétrole et de gaz de la région n’ont pas soutenu l’appel à abandonner progressivement toutes les énergies fossiles dans l’accord final de la COP27, et ils n’ont pas non plus pris les mesures requises à l’échelle nationale pour lutter contre le changement climatique. L’Arabie saoudite, l’un des premiers producteurs de pétrole mondiaux, n’a pas mis à jour sa contribution déterminée au niveau national (CDN) afin de réduire ses émissions de gaz à effet de serre. Le Koweït, Bahreïn et les Émirats arabes unis, respectivement deuxième, troisième et quatrième plus gros émetteurs de CO2 par habitant au monde, et le Qatar n’ont pas non plus mis à jour leur CDN. Les Émirats arabes unis ont même augmenté leur production pétrolière, en violation de leurs obligations au regard de l’Accord de Paris. D’autres pays n’ont pas mis à jour ni revu leurs objectifs de réduction des émissions d’ici à 2030 visant à maintenir l’augmentation de la température moyenne mondiale en-deçà de 1,5 °C, ou ont conditionné leurs engagements peu ambitieux à l’aide financière internationale. Les négociations de la COP27 ont été éclipsées par la crise des droits humains en Égypte, où les autorités ont notamment procédé à une vague d’arrestations massives en lien avec les appels à manifester pendant ce sommet. Celui-ci s’est déroulé dans un climat répressif, des participant·e·s ayant été soumis à des interrogatoires, une surveillance et d’autres formes de harcèlement.

Les gouvernements doivent prendre d’urgence des mesures pour réduire leurs émissions de CO2 et cesser de financer des projets d’exploitation d’énergies fossiles. Ils doivent également revoir et respecter leurs CDN et honorer toutes leurs obligations au regard de l’Accord de Paris.

Torture et autres mauvais traitements

Des actes de torture et d’autres mauvais traitements ont cette année encore été commis dans une impunité quasi totale dans des lieux de détention officiels et non officiels en Arabie saoudite, en Égypte, en Irak, en Iran, en Israël et dans les territoires palestiniens occupés, au Liban, en Libye, en Palestine, en Syrie et au Yémen. Des violences ont été infligées à des détenu·e·s pour leur arracher des « aveux » et pour les punir. Parmi les méthodes de torture utilisées figuraient les coups, les décharges électriques, les simulacres d’exécution, la suspension dans des positions inconfortables, les violences sexuelles, la privation de soins médicaux et le maintien prolongé à l’isolement. Dans presque tous les cas, les autorités n’ont pas mené d’enquêtes satisfaisantes sur les allégations de torture et les décès suspects survenus en détention.

En Libye, les milices et les groupes armés se livraient de manière systématique à des actes de torture et d’autres mauvais traitements sur les personnes détenues, parfois jusqu’à la mort, en leur infligeant des décharges électriques, des flagellations, des violences sexuelles et d’autres actes de torture. En Arabie saoudite, des travailleuses et travailleurs migrants ont été soumis à la torture et à d’autres mauvais traitements et privés de soins médicaux par les autorités ; plusieurs d’entre eux sont morts en détention des suites de ces mauvais traitements. En Égypte, la torture était toujours couramment pratiquée dans les prisons, les postes de police et les centres dirigés par l’Agence de sécurité nationale. Les forces de sécurité israéliennes ont continué de se livrer à des actes de torture et d’autres mauvais traitements sur des détenu·e·s palestiniens, et ce type d’agissements demeurait monnaie courante dans les centres de détention et d’interrogatoire tenus par les autorités palestiniennes en Cisjordanie et dans la bande de Gaza. Au Liban, une juge d’instruction militaire a inculpé de torture cinq agents de la Direction générale de la sécurité d’État dans le cadre d’une enquête sur la mort en détention d’un réfugié syrien, mais cette affaire devait être jugée par la justice militaire, qui était intrinsèquement inique.

L’Arabie saoudite, l’Iran et la Libye conservaient des lois prévoyant des châtiments corporels, tels que l’amputation, la flagellation, l’aveuglement, la lapidation et le crucifiement. Entre mai et septembre, les autorités iraniennes ont amputé les doigts de cinq hommes déclarés coupables de vol.

Dans toute la région, les prisonnières et prisonniers étaient souvent détenus dans des conditions inhumaines, dans des locaux surpeuplés et mal ventilés, sans hygiène, avec de la nourriture et de l’eau en quantités insuffisantes et privés d’accès à des soins de santé adaptés en temps voulu, de visites de leurs proches, d’air frais et d’exercice physique en plein air. À Bahreïn, Ahmed Jaber Ahmed a été privé de soins médicaux pendant 11 mois, jusqu’à ce qu’il ne puisse plus marcher ni s’habiller seul. Un hôpital a fini par diagnostiquer une tuberculose qui s’était étendue jusqu’à sa colonne vertébrale. Aux Émirats arabes unis, le défenseur des droits humains Ahmed Mansoor a été maintenu à l’isolement tout au long de l’année dans une cellule sans matelas ni oreiller, privé de tout article d’hygiène personnelle, de livres et de ses lunettes.

Les gouvernements doivent veiller à ce que toutes les allégations de torture, d’exécutions extrajudiciaires, de disparitions forcées et d’autres crimes de droit international et graves atteintes aux droits humains donnent lieu à des enquêtes indépendantes, impartiales et efficaces, et doivent mettre en place des mesures pour prévenir ces crimes et garantir réparation aux victimes.

Peine de mort

La peine de mort était maintenue dans la plupart des pays de la région et des tribunaux ont prononcé des condamnations à mort à l’issue de procès inéquitables, y compris pour des infractions qui n’étaient pas des homicides volontaires, pour des actes protégés par le droit international, notamment les relations librement consenties entre personnes de même sexe et l’« apostasie », et pour des accusations fallacieuses ou formulées en termes vagues retenues contre des dissident·e·s.

Des personnes ont été exécutées en Arabie saoudite, en Égypte, en Irak, en Iran et en Palestine, où les autorités de facto du Hamas ont procédé à leurs premières exécutions depuis cinq ans dans la bande de Gaza. En Arabie saoudite, en Égypte, en Irak, en Iran et en Libye, des condamnations à mort ont été prononcées à l’issue de procès manifestement inéquitables, y compris par des juridictions d’exception, militaires ou spéciales. En Iran, où la peine de mort était largement utilisée comme outil de répression politique, le nombre d’exécutions a augmenté en 2022 et les exécutions en public ont repris. Ce pays a été le seul de la région à exécuter des personnes condamnées pour des infractions commises lorsqu’elles étaient encore mineures. En Arabie saoudite, la mise à mort de 81 hommes le 12 mars a constitué la plus grande exécution collective en une même journée depuis plusieurs décennies. Ce pays a en outre repris les exécutions pour des infractions à la législation sur les stupéfiants, après un moratoire non officiel de deux ans. L’Égypte et l’Irak ont procédé à moins d’exécutions en 2022 que les années précédentes.

Les gouvernements doivent instaurer immédiatement un moratoire officiel sur les exécutions, en vue d’abolir la peine capitale.

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