Arabie Saoudite - Rapport annuel 2022

Royaume d’Arabie saoudite
Chef de l’État : Salman bin Abdulaziz al Saoud (également chef du gouvernement jusqu’en septembre)
Chef du gouvernement : Mohammed bin Salman bin Abdulaziz al Saoud (nommé en septembre)

Les autorités s’en sont prises à des personnes qui avaient exercé pacifiquement leurs droits à la liberté d’expression et d’association. Le Tribunal pénal spécial a jugé et condamné à de longues peines de prison, à l’issue de procès manifestement inéquitables, des personnes qui n’avaient fait que s’exprimer pacifiquement, participer à des associations ou créer des organisations locales. Des défenseur·e·s des droits humains ont été harcelés en détention et ont fait l’objet d’interdictions de voyager après leur remise en liberté conditionnelle. Des tribunaux ont prononcé la peine de mort à l’issue de procès d’une iniquité flagrante, y compris contre des personnes qui étaient mineures au moment des faits présumés. Des exécutions ont eu lieu pour un vaste éventail d’infractions. Des milliers d’habitant·e·s ont été victimes d’expulsions forcées dans la ville côtière de Djedda. Les travailleuses et travailleurs migrants étaient toujours maltraités et exploités en vertu du système de parrainage (kafala). Plusieurs milliers d’entre eux ont été détenus arbitrairement dans des conditions inhumaines, soumis à la torture ou à d’autres mauvais traitements et renvoyés contre leur gré dans leur pays d’origine dans le cadre d’une campagne nationale de répression à l’encontre des migrant·e·s sans papiers. La première loi du pays relative au statut personnel est entrée en vigueur ; elle codifiait la tutelle masculine et la discrimination contre les femmes.

Contexte

Le 27 septembre, Salman bin Abdulaziz al Saoud, a nommé le prince héritier, Mohammed bin Salman, Premier ministre, fonction auparavant occupée par le roi, ce qui constituait une exception à la Loi fondamentale.

En mars, des membres de premier plan du Parlement européen ont publié une déclaration sur la situation des droits humains en Arabie saoudite. Ils y condamnaient une exécution de masse survenue le 12 mars et exhortaient les autorités à instaurer un moratoire immédiat sur les exécutions.

Le président des États-Unis, Joe Biden, s’est rendu en Arabie saoudite en juillet. Plus tard dans le mois, l’Arabie saoudite a publié le communiqué de Djedda, qui présentait le partenariat stratégique établi entre les deux pays, lequel n’incluait aucun engagement en faveur des droits humains.

Le deuxième dialogue UE-Arabie saoudite sur les droits humains s’est tenu le 6 novembre à Riyadh, la capitale. L’UE s’est inquiétée de la forte augmentation des exécutions et de problèmes liés à la liberté de réunion et d’association ainsi qu’aux interdictions de voyager.

La coalition menée par l’Arabie saoudite dans le cadre du conflit armé faisant rage depuis plusieurs années au Yémen a continué d’être impliquée dans des crimes de guerre et d’autres graves violations du droit international (voir Yémen).

Liberté d’expression et d’association

Le Tribunal pénal spécial a déclaré au moins 15 personnes, de nationalité saoudienne ou étrangère, coupables pour avoir exercé leurs droits à la liberté d’expression ou d’association, dont certaines pour avoir formulé leur opinion pacifiquement sur Twitter. Il les a condamnées à des peines de 15 à 45 ans d’emprisonnement à l’issue de procès manifestement iniques. Il a condamné au moins deux militantes pour les droits des femmes à des peines de prison d’une longueur sans précédent.

À l’instar d’autres tribunaux, ce tribunal a en outre continué d’imposer des restrictions à des personnes remises en liberté après avoir purgé leur peine, telles que des interdictions de voyager et la fermeture de leurs comptes sur les réseaux sociaux.

Le 9 août, lors d’une audience en appel, le Tribunal pénal spécial a condamné Salma al Shehab, doctorante et militante, à 34 ans d’emprisonnement suivis de 34 ans d’interdiction de voyager pour ses écrits et son activité pacifique sur Twitter en faveur des droits des femmes en Arabie saoudite. Elle avait été condamnée à six ans de prison en première instance, mais l’accusation avait réclamé une peine plus lourde. Cette peine a été prononcée à la discrétion du juge pour la punir d’avoir « troublé l’ordre public et déstabilisé la sécurité et la stabilité de l’État » en publiant des tweets, en vertu des articles 34, 38, 43 et 44 de la Loi de lutte contre le terrorisme et de l’article 6 de la Loi relative à la lutte contre la cybercriminalité.

Le 11 octobre, à l’issue d’un procès d’une iniquité flagrante, le Tribunal pénal spécial a condamné 10 Nubiens d’Égypteà des peines de 10 à 18 ans d’emprisonnement pour avoir organisé un événement commémoratif pacifique. Ces hommes avaient passé plus de deux ans en détention avant de comparaître en justice.

Défenseur·e·s des droits humains

Les organisations de défense des droits humains étaient toujours interdites au titre de la Loi relative aux associations. Cette année encore, des défenseur·e·s et des militant·e·s des droits humains ont été arrêtés arbitrairement, harcelés en détention ou soumis à des interdictions arbitraires de voyager limitant leur droit de circuler librement. Plusieurs dizaines de personnes étaient toujours incarcérées pour leurs activités en faveur des droits humains.

Raif Badawi, blogueur et militant, a été libéré sous condition en mars après avoir purgé sa peine de 10 ans d’emprisonnement pour avoir créé un forum de débat public en ligne, pour lequel il avait été accusé d’insulte à l’islam. Sa peine prévoyait une interdiction de voyager de 10 ans, qui a pris effet à sa libération.

Mohammad al Qahtani, défenseur des droits humains et membre fondateur de l’Association saoudienne des droits civils et politiques, a été privé de tout contact avec sa famille à partir du mois d’octobre. En mai, il a été agressé par un autre prisonnier détenu dans le même quartier que lui qui souffrait de problèmes de santé mentale.

Peine de mort

Les autorités ont condamné à mort et exécuté des personnes déclarées coupables de meurtre, de vol, de viol, de trafic de stupéfiants et d’infractions liées au terrorisme à l’issue de procès manifestement inéquitables. En février, la Commission saoudienne des droits humains a déclaré à Amnesty International que le pays n’appliquait plus ce châtiment « pour les crimes perpétrés par des personnes mineures » et qu’il avait commué toutes les peines de mort prononcées dans de tels cas. Or, entre juin et octobre, le Tribunal pénal spécial et un autre tribunal pénal ont confirmé les condamnations à mort de trois jeunes hommes qui avaient moins de 18 ans au moment des faits qui leur étaient reprochés.

Le 12 mars, les autorités saoudiennes ont exécuté 81 hommes, de nationalité saoudienne ou étrangère, dans ce qui constituait la plus grande exécution de masse recensée depuis plusieurs décennies. Selon le ministère de l’Intérieur, les personnes exécutées avaient été déclarées coupables de divers chefs d’accusation, notamment d’infractions liées au terrorisme, de meurtre, de vol à main armée et de trafic d’armes. Certaines avaient aussi été déclarées coupables d’« atteinte au tissu social et à la cohésion nationale » et de « participation et incitation à des sit-in et des manifestations », soit des actes protégés par les droits à la liberté d’expression, de réunion pacifique et d’association. Parmi les prisonniers exécutés, 41 étaient membres de la minorité chiite saoudienne.

En novembre, les autorités ont exécuté 20 personnes pour avoir contrevenu à la législation sur les stupéfiants ; il s’agissait des premières exécutions de ce genre depuis que la Commission des droits humains du pays avait annoncé un moratoire sur le recours à la peine capitale pour ce type d’infractions en janvier 2021.

Procès inéquitables

La Cour suprême a confirmé en avril les condamnations à mort de deux hommes chiites de nationalité bahreïnite pour « terrorisme » et pour des accusations en lien avec des manifestations. Ils avaient été arrêtés le 8 mai 2015 et détenus au secret et à l’isolement pendant trois mois et demi. Le Tribunal pénal spécial les avait condamnés à mort en octobre 2021 à l’issue d’un procès d’une iniquité flagrante. Si le roi confirmait leur peine, ils risquaient une exécution imminente6.

En mars, Abdullah al Huwaiti, arrêté à l’âge de 14 ans, a de nouveau été condamné à la peine capitale par le tribunal pénal de Tabuk. La Cour Suprême avait annulé en novembre 2021 une première condamnation à mort prononcée contre lui en octobre 2019. Une cour d’appel de Tabuk a confirmé sa condamnation en juin. Pendant sa détention, Abdullah al Huwaiti a été placé à l’isolement, privé des services d’un avocat et forcé à « avouer » sous la contrainte. Il a été jugé, entre autres chefs d’accusation, pour vol à main armée et pour le meurtre d’un membre des forces de sécurité.

Expulsions forcées

Entre janvier et octobre, les autorités ont soumis plusieurs milliers d’habitant·e·s de Djedda, dont des personnes de nationalité étrangère, à des expulsions forcées dans le cadre d’unvaste projet de démolition et d’expulsions en vue du développement de la ville. Le 31 janvier, un média proche du pouvoir a annoncé un programme d’indemnisation destiné aux Saoudien·ne·s et excluant donc les étrangères et étrangers, qui représentaient jusqu’à 47 % des personnes expulsées. Les habitant·e·s ont été informés de leur expulsion entre un jour et six semaines à l’avance. Les plans du projet avaient été arrêtés près de trois ans auparavant, mais les autorités n’avaient pas lancé de véritable processus de consultation avec les habitants et habitantes et ne les avaient pas prévenus assez tôt. Elles ne leur avaient pas non plus annoncé le montant des indemnisations et n’avaient pas versé celles-ci avant le démarrage des démolitions.

Droits des personnes migrantes

En juillet, dans le cadre d’une réforme restreinte du système de parrainage (kafala), le ministère des Ressources humaines et du Développement social a annoncé deux nouvelles conditions permettant aux travailleuses et travailleurs domestiques de changer d’employeur sans l’autorisation de leur employeur actuel. Un tel changement était possible lorsque l’employé·e mettait un terme au contrat de travail pendant la période d’essai, et lorsqu’il existait des éléments prouvant que ses services avaient déjà été transférés à un autre employeur sans que le précédent employeur en ait connaissance ou ait donné son accord. Cependant, ces nouvelles conditions ne protégeaient pas les travailleuses et travailleurs domestiques migrants des autres pratiques abusives auxquelles ils continuaient d’être confrontés, comme les violences verbales et physiques, la confiscation du passeport et le versement irrégulier ou inexistant des salaires.

Les employé·e·s de maison migrants restaient exclus des protections découlant du droit du travail.
Les autorités ont poursuivi leur répression à l’encontre des personnes accusées d’avoir violé les dispositions réglementaires liées à la résidence, aux frontières et au travail. Elles ont procédé à des arrestations arbitraires et renvoyé de force des dizaines de milliers de migrantes et migrants éthiopiens uniquement parce qu’ils étaient en situation irrégulière (voir Torture et autres mauvais traitements).

Selon le ministère de l’Intérieur, entre janvier et novembre, sur 678 000 personnes de nationalité étrangère ayant été arrêtées pour avoir enfreint les « règles de résidence, de travail et de sécurité des frontières », au moins 479 000 ont été renvoyées dans leur pays d’origine. Pendant la même période, 14 511 étrangères et étrangers, principalement éthiopiens et yéménites, ont été arrêtés pour avoir franchi illégalement la frontière entre le Yémen et l’Arabie saoudite.

Torture et autres mauvais traitements

Les autorités saoudiennes ont détenu arbitrairement des hommes, des femmes et des enfants éthiopiens pendant des périodes allant jusqu’à 18 mois dans des conditions inhumaines. Elles les ont soumis à la torture et à d’autres mauvais traitements avant de les renvoyer de force en Éthiopie, la plupart entre avril et mai, uniquement parce qu’ils étaient en situation irrégulière. Avant leur expulsion, ces personnes ont été placées dans deux centres de détention, où elles étaient enfermées dans des cellules surpeuplées, sans accès suffisant à la nourriture, à l’eau, aux installations sanitaires ni aux soins de santé. Au moins 12 hommes y ont trouvé la mort.

Droits des femmes et des filles

Le Conseil des ministres a adopté en mars une nouvelle loi relative au statut personnel, qui est entrée en vigueur en juin. Les nouvelles dispositions introduites par cette loi, qui auparavant n’étaient pas codifiées, favorisaient la discrimination contre les femmes, notamment dans le cadre de la tutelle masculine. Au titre de cette loi, seuls les hommes pouvaient être tuteurs, les femmes devaient avoir l’autorisation d’un tuteur pour se marier et, après leur union, elles devaient obéir à leur époux. Par ailleurs, en cas de séparation, la loi ne donnait pas aux femmes et aux hommes les mêmes droits en ce qui concernait leurs enfants. La garde était automatiquement attribuée à la mère et le père était désigné comme tuteur des enfants, sans prise en compte de l’intérêt supérieur de ces derniers.

Lutte contre la crise climatique

Le gouvernement n’a toujours pas annoncé de nouvelle contribution déterminée au niveau national.

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