Le gouvernement a restreint la possibilité d’exprimer des critiques à son égard et a pris des mesures pour réprimer la liberté de réunion en arrêtant des manifestant·e·s en juin et en août. Les bidun (Arabes apatrides présents de longue date au Koweït) étaient en butte à la discrimination dans l’accès à l’éducation et aux soins médicaux. Quelques avancées ont été constatées : une décision constitutionnelle a annulé l’interdiction juridique d’« imiter l’autre sexe », et l’État a fait des efforts pour employer plus de femmes dans la fonction publique.
Contexte
Le Premier ministre et son gouvernement ont démissionné en avril, sous la pression du Parlement.
En juin, le prince héritier Mishal al Ahmad al Jaber Al Sabah a annoncé qu’il allait dissoudre le Parlement élu en 2020 et convoquer de nouvelles élections en vertu de l’article 107 de la Constitution. La famille au pouvoir a nommé un nouveau Premier ministre en juillet et un nouveau gouvernement en août. L’élection du nouveau Parlement a eu lieu en septembre.
Liberté d’expression
Au moins deux personnes ont été arrêtées et poursuivies pour avoir exercé leur droit à la liberté d’expression.
En janvier, les autorités ont engagé des poursuites contre Safaa Zaman, informaticienne, pour « atteinte à la réputation de l’État et mise en péril des relations avec des pays amis » parce qu’elle avait déclaré dans une interview à la télévision que le stockage d’archives de la fonction publique sur des serveurs situés à l’étranger posait un problème de sécurité des données. Cette femme a toutefois été déclarée non coupable lors de son procès en mars, puis en appel en septembre.
En mars, l’avocat AbdulAziz al Mutawwa a été interrogé pendant plusieurs jours en l’absence de tout avocat par le ministère public, qui a ensuite prononcé sa mise en accusation. Il lui était reproché d’avoir « insulté » des membres de la famille royale sur les réseaux sociaux. Il a été relaxé à l’issue de son procès.
Le ministère de l’Information a annoncé en juillet qu’il avait ordonné la fermeture de 50 comptes de réseaux sociaux, dont certains bénéficiaient d’une autorisation de publication en tant que « journaux électroniques », parce que la Loi relative aux médias électroniques n’autorisait que les personnes de nationalité koweïtienne ayant « un passé irréprochable et une bonne réputation » à publier en ligne des contenus considérés comme de l’information ou du journalisme.
Liberté de réunion
Les autorités ont interdit la plupart des manifestations et menacé à chaque fois d’engager des poursuites, même si dans un cas elles n’ont pas mis cette menace à exécution.
La Loi relative aux réunions et rassemblements publics conditionnait la tenue de manifestations à l’obtention préalable d’une autorisation, et interdisait aux personnes n’ayant pas la nationalité koweïtienne de manifester. Le 24 mai, le ministère de l’Intérieur a averti qu’il n’avait pas autorisé une manifestation prévue le lendemain contre le blocage politique au Parlement, indiquant qu’il traduirait en justice toute personne qui y participerait. Toutefois, la manifestation a eu lieu et personne n’a été arrêté.
En juin, les autorités ont expulsé plus d’une dizaine de travailleurs migrants indiens, pakistanais et bangladais qui étaient descendus spontanément et pacifiquement dans la rue, dans la région d’Al Fahaheel, pour protester contre des déclarations du gouvernement indien qu’ils jugeaient insultantes pour l’Islam.
À partir du 30 août, les autorités ont enquêté sur 21 personnes – des Koweïtiens et des bidun – accusées d’avoir participé à une manifestation pacifique en faveur des bidun dans la région de Taima (gouvernorat d’Al Jahra) le 26 août. Les personnes convoquées par les autorités ont été maintenues en détention pendant quatre à 15 jours. Elles avaient toutes été libérées sous caution au 15 septembre dans l’attente de leur procès, après avoir été inculpées de participation à une manifestation non autorisée.
Discrimination
De juin à septembre, le gouvernement a accentué l’exclusion des bidun de nombre des services publics disponibles gratuitement pour les personnes de nationalité koweïtienne.
De juin à la rentrée scolaire de septembre, les autorités ont interdit aux familles bidun ne disposant pas d’une carte en cours de validité du Système central chargé de remédier à la situation des résident·e·s illégaux d’inscrire leurs enfants à l’école. Face aux protestations de la population, elles sont revenues sur leur décision le 27 septembre. Les enfants de ces familles ont raté le début de l’année scolaire.
Les enfants bidun n’ayant ni une mère koweïtienne, ni un père travaillant dans la fonction publique n’avaient toujours pas le droit de fréquenter le système scolaire public gratuit, sauf s’ils avaient obtenu la nationalité koweïtienne.
De juin à septembre, le gouvernement a ordonné au ministère de la Santé de ne pas offrir de soins médicaux gratuits aux bidun du Koweït ne disposant pas d’une carte du Système central en cours de validité. Il est revenu sur sa décision le 27 septembre, autorisant de nouveau le ministère de la Santé à prodiguer des soins de base aux bidun dont la carte avait expiré. Ceux qui n’avaient pas de carte du tout ne pouvaient pas se faire soigner dans le système public et avaient du mal à trouver des soins privés.
Droits des femmes et des filles
La législation koweïtienne était toujours discriminatoire à l’égard des femmes, notamment en ce qui concerne la transmission de la nationalité aux enfants et le droit de garde des enfants.
L’État a pris des mesures positives pour accroître la représentation des femmes dans la fonction publique et aux postes d’encadrement en recrutant davantage de femmes au ministère de la Santé et dans le système judiciaire. Le nombre de femmes occupant des postes de cadres supérieures au sein du ministère de la Justice est passé de 48 à 70, et le ministère de la Santé a indiqué en août que 60 % des professionnel·le·s de la santé nouvellement embauchés dans les hôpitaux publics étaient des femmes.
En août, le ministère de l’Intérieur a annoncé une nouvelle politique en vertu de laquelle toutes les personnes de nationalité koweïtienne âgées de 21 ans et plus étaient automatiquement inscrites sur les listes électorales. Cette mesure était bénéfique pour les femmes car elle garantissait que les tâches domestiques ou la pression des hommes de leur famille ne les empêcheraient pas de s’inscrire.
En revanche, les autorités n’ont pas suffisamment protégé les femmes victimes de violence au foyer puisque, pour la troisième année consécutive, elles n’ont pas ouvert de foyer d’accueil pour ces femmes comme l’exigeait la Loi de 2020 sur la protection contre les violences familiales.
Droits des personnes migrantes
Le Koweït a instauré de nouveaux obstacles financiers et administratifs compliquant le rapprochement familial pour les travailleuses et travailleurs migrants, et continuait d’appliquer à ces personnes le système de parrainage (kafala), qui les exposait à un risque accru d’exploitation.
En janvier, le gouvernement a rendu obligatoire le versement d’une somme annuelle de 250 dinars koweïtiens (plus de 800 dollars des États-Unis) par les personnes migrantes de plus de 60 ans qui voulaient rester dans le pays. Cette somme constituait une charge financière importante pour les travailleuses et travailleurs migrants âgés dont les frais de résidence n’étaient pas pris en charge par leur employeur, ainsi que pour les familles migrantes qui s’occupaient de proches âgés au Koweït.
En juin, les autorités ont suspendu jusqu’à nouvel ordre la délivrance de visas de visiteur aux membres de la famille de travailleuses et travailleurs migrants, et elles ont fait de même en août pour les visas de résidence destinés aux familles des migrant·e·s.
Droits des lesbiennes, des gays et des personnes bisexuelles, transgenres ou intersexes
La Cour constitutionnelle a fait un pas dans la bonne direction en jugeant, en février, que l’article du Code pénal érigeant en infraction le fait d’« imiter l’autre sexe », qui avait été utilisé pour poursuivre en justice des personnes transgenres, était contraire à la garantie de la liberté personnelle figurant dans la Constitution. D’autres lois contenaient toujours des formulations vagues érigeant en infraction les relations consenties entre personnes de même sexe.
Lutte contre la crise climatique
Le Koweït n’a pas mis à jour en 2022 sa contribution déterminée au niveau national en matière de réduction des émissions de carbone et était toujours l’un des cinq principaux émetteurs de CO2 par habitant, selon les données de la Banque mondiale.