Contexte
Le conflit armé s’est poursuivi entre, d’un côté, les forces armées et une force auxiliaire, les Volontaires pour la défense de la patrie (VDP), et, de l’autre, Ansarul Islam et d’autres groupes armés. Une personne sur 10 dans le pays avait été déplacée par le conflit. L’État ne contrôlait que 65 % du territoire, selon le Premier ministre. Les autorités ont étendu l’état d’urgence à huit provinces supplémentaires et promulgué un décret leur permettant de procéder à la conscription de citoyen·ne·s aux fins de la défense nationale. Par ailleurs, le Burkina Faso s’est associé au Mali et au Niger en matière de défense, dans le cadre de l’Alliance des États du Sahel.
Liberté d’expression
Les autorités arrivées au pouvoir par un coup d’État en septembre 2022 réprimaient toute personne qu’elles considéraient comme critique à l’égard de leur gouvernance. Elles se sont servies de la conscription pour réduire au silence et harceler des voix indépendantes. En mars, Boukaré Ouedraogo, président de l’Appel de Kaya, une organisation de la société civile, a été enrôlé de force pendant un mois comme VDP au sein de l’armée, en dépit de sa déficience visuelle. Il avait critiqué le gouvernement à propos du manque d’eau potable dans la ville de Kaya et de la réponse inadaptée des pouvoirs publics aux problèmes de sécurité. Début novembre, les autorités ont enrôlé Daouda Diallo, secrétaire général du Collectif contre l’impunité et la stigmatisation des communautés, et 11 autres personnalités de la société civile et des médias ayant critiqué publiquement les politiques gouvernementales. Le 1er décembre, Daouda Diallo a été enlevé par les forces de sécurité et, quelques jours plus tard, une photo le montrant armé et en uniforme militaire a circulé sur les réseaux sociaux. Ablassé Ouedraogo, homme politique et ancien ministre des Affaires étrangères, a été arrêté par des personnes en civil le 27 décembre à son domicile et emmené dans un lieu inconnu.
Journalistes et médias
Le 31 mars, deux correspondantes travaillant respectivement pour les journaux français Libération et Le Monde ont été convoquées à la Direction de la sûreté de l’État, organe chargé du renseignement intérieur, et interrogées au sujet de leur travail sur le conflit. Elles ont ensuite été expulsées du Burkina Faso[1].
La chaîne d’information française France 24 a vu ses activités suspendues en mars après avoir diffusé les réponses écrites du chef d’Al Qaïda au Maghreb islamique aux questions posées par un journaliste.
En mai, deux journalistes du groupe de presse Oméga, Lookman Sawadogo et Alain Traoré, ont été arrêtés et inculpés de « complicité de non-dénonciation » dans une affaire de messages audio appelant la population à incendier le palais du Moro Naaba, l’un des principaux chefs traditionnels du Burkina Faso. Ils ont été relaxés en juillet.
En août, le groupe de presse Oméga a vu ses activités suspendues pendant un mois après avoir diffusé un entretien avec un homme politique nigérien (ancien membre du cabinet du président nigérien déchu Mohamed Bazoum et porte-parole d’un mouvement politique opposé aux autorités militaires nouvellement en place au Niger).
Attaques et homicides illégaux
Exactions perpétrées par des groupes armés
Selon des médias et le Mouvement burkinabè des droits de l’homme et des peuples (MBDHP), une ONG, au moins 60 civil·e·s ont été tués en février lors d’une attaque contre la ville de Partiaga (province de la Tapoa, région de l’Est) par des membres présumés d’Ansarul Islam.
D’après un communiqué du gouverneur de la région de la Boucle du Mouhoun, au moins 33 civil·e·s ont été tués le 11 mai par un groupe armé dans le village de Youlou, alors qu’ils travaillaient dans leurs champs.
Le 6 août, des membres présumés d’Ansarul Islam ont tué illégalement au moins 22 personnes lors d’une opération qui visait des commerçant·e·s à Nohao (une petite ville de la région du Centre-Est). Une dizaine de voitures et de camions transportant des marchandises ont été incendiés pendant cette attaque.
Violations commises par les forces gouvernementales
Le 13 février, des militaires et des VDP ont enlevé sept civils, dont au moins un mineur, dans le quartier de La Ferme, à Ouahigouya, où vivaient de nombreuses personnes déplacées. Ces sept hommes ont été emmenés dans un camp militaire, le camp Zondoma, où ils ont été roués de coups et lapidés à mort ; la vidéo de ce crime a été diffusée sur les réseaux sociaux.
Les 3 et 4 avril, plusieurs militaires stationnés à Dori (province du Sahel) ont frappé et abattu sept civils dans le quartier du Petit Paris, et ont blessé plusieurs autres personnes, selon le MBDHP. Cette opération aurait été menée en représailles de l’homicide d’un soldat commis dans ce quartier quelques jours plus tôt.
Le 20 avril, des militaires accompagnés de VDP ont tué au moins 147 civil·e·s dans le village de Karma (province du Yatenga, région du Nord) au cours d’une patrouille. Des membres du troisième Bataillon d’intervention rapide, une unité spéciale de l’armée, ont participé à cette opération[2].
Disparitions forcées
Plusieurs personnalités publiques ont été victimes de disparition forcée.
Le 25 mars, Hamidou Bandé, président de l’Union nationale des Rugga du Burkina (UNRB), représentant les intérêts des éleveurs nomades, a été enlevé par quatre hommes à Fada N’Gourma (région de l’Est). Quelques jours plus tard, l’un de ses associés, Moussa Thiombiano, chef koglweogo surnommé « Django », a été enlevé à proximité de son domicile.
Mohamed Diallo (74 ans), imam de la mosquée de Lafiabougou, à Bobo-Dioulasso (région des Hauts-Bassins), a été arrêté le 28 avril à son domicile par des hommes se présentant comme des membres des forces de défense et de sécurité.
Le 21 septembre, l’homme d’affaires Anselme Kambou a été enlevé à son domicile par des membres présumés des services de renseignement et emmené dans un lieu inconnu. En novembre, un tribunal de Ouagadougou, la capitale, a ordonné aux services de renseignement de le libérer, mais il n’a pas été relâché.
On ignorait toujours à la fin de l’année ce qu’il était advenu de ces quatre hommes et où ils se trouvaient.
Violences fondées sur le genre
Le 12 janvier, 66 femmes, filles et bébés ont été enlevés par des membres présumés d’Ansarul Islam près du village de Liki (province du Soum, région du Sahel)[3]. Ces femmes étaient allées chercher de la nourriture car la ville d’Arbinda était assiégée par Ansarul Islam. Elles ont été libérées dans la ville de Tougouri le 16 janvier, à la faveur d’un contrôle de routine effectué sur le camion dans lequel elles se trouvaient.
Droits économiques, sociaux et culturels
Des groupes armés, comme Ansarul Islam, ont porté atteinte aux droits économiques, sociaux et culturels de milliers de personnes au Burkina Faso en assiégeant au moins 46 villes et villages. L’inflation est devenue endémique dans plusieurs des localités assiégées, telles que Djibo, Tanwalbougou et Gayéri. Ces groupes armés ont saboté des infrastructures hydrauliques à Djibo, attaqué des convois qui tentaient d’approvisionner ces villes en nourriture et interdit aux habitant·e·s de cultiver leurs terres ou de faire paître leur bétail à proximité de nombre d’entre elles.
Droit à l’éducation
En octobre, au moins 6 549 écoles avaient dû fermer en raison du conflit, selon le ministère de l’Éducation. La même source a indiqué que 539 établissements avaient rouvert leurs portes en 2023. D’après l’UNICEF, plus de 31 000 enseignant·e·s et plus d’un million d’élèves étaient concernés par ces fermetures.
[1]« Burkina Faso. Face aux attaques répétées, le droit à l’information doit être protégé », 7 avril
[2]« Burkina Faso. La responsabilité de l’armée pointée dans le massacre de Karma », 3 mai
[3]« La mort nous guettait ». Vivre dans des localités assiégées au Burkina Faso, 2 novembre