Contexte
En mars, le président du régime de transition a gracié 380 membres présumés du Front pour l’alternance et la concorde au Tchad, un groupe rebelle, qui avaient été condamnés en 2022 à diverses peines d’emprisonnement. Le 17 décembre, les autorités ont organisé un référendum sur un projet de nouvelle constitution, à l’approche de l’élection présidentielle promise pour 2024. Selon la Banque mondiale, l’inflation globale devait passer de 5,8 % en 2022 à 13,2 % en 2023, tandis que l’inflation touchant les denrées alimentaires devait atteindre 13,9 %.
Droit à la vérité, à la justice et à des réparations
À la fin de l’année, aucun progrès concret n’avait été accompli dans l’enquête annoncée par le ministre de la Justice le lendemain des manifestations du 20 octobre 2022, lors desquelles, selon la Commission nationale des droits de l’homme, au moins 128 personnes avaient été tuées. Les familles des victimes, qui attendaient toujours des réponses, ont déclaré qu’elles avaient peur de demander des explications aux autorités au sujet de cette absence de progrès. Le 20 octobre 2023, plusieurs organisations tchadiennes de défense des droits humains ont dénoncé le fait qu’aucun membre des forces de défense et de sécurité n’ait encore été poursuivi pour ces homicides illégaux présumés.
Liberté de réunion pacifique
Quelque 259 personnes qui avaient été arrêtées pour avoir participé aux manifestations interdites d’octobre 2022 et avaient été jugées à huis clos à Koro Toro ont été graciées en avril, suivies de 119 autres en juillet.
Deux manifestations prévues à la même date en juillet, organisées par le Rassemblement pour la justice et l’égalité au Tchad et le Parti des démocrates pour le renouveau, ont été interdites par le ministère de la Sécurité publique. D’après le ministère, ces deux partis politiques n’avaient pas d’existence juridique et ne remplissaient pas les conditions d’autorisation relatives aux manifestations, affirmation contestée par les responsables des deux partis. En août, une manifestation prévue par le Mouvement révolutionnaire pour la démocratie et la paix a été interdite au motif qu’elle risquait de troubler l’ordre public.
Le 1er août, les autorités ont déclaré que les organisateurs et organisatrices de manifestations interdites étaient passibles de six mois à deux ans d’emprisonnement, ce qui était contraire aux normes internationales relatives aux droits humains.
Liberté d’expression
Le 25 août, la Haute Autorité des media et de l’audiovisuel a suspendu le populaire site d’actualités Alwihda Info pour huit jours en raison de la publication de deux articles : il était reproché à l’un, qui concernait le limogeage d’un colonel, de « porter atteinte à la cohésion et à la discipline » au sein de l’armée, et à l’autre de contenir des « propos injurieux » à l’égard du président. Le 26 août, le directeur de publication d’Alwihda aurait été poursuivi en voiture par des agents des forces de sécurité, ce qui l’a contraint à se réfugier pendant plusieurs heures auprès de personnes qu’il ne connaissait pas. Un autre journaliste travaillant pour le site n’a pas pu couvrir un événement organisé par le ministère des Transports dans le nord du pays le même jour.
Un journaliste de la chaîne de télévision Toumaï TV a été libéré en mai. Il avait été arrêté pour avoir relaté ce qu’il avait vécu lors des manifestations d’octobre 2022. Il a malgré tout reçu des menaces par téléphone et a été obligé de quitter le pays pour sa propre sécurité après avoir parlé à des médias des mauvais traitements subis au moment de son arrestation et pendant sa détention à la prison de Koro Toro.
Droit à la vie et à la sécurité de la personne
Selon le Bureau des Nations unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA), au moins 135 personnes ont été tuées, 359 blessées et plus de 26 000 déplacées entre janvier et juin lors des affrontements signalés dans les départements du sud frontaliers de la République centrafricaine. Des victimes ont indiqué que certains agresseurs appartenaient à des groupes armés présents en République centrafricaine, et d’autres à des groupes d’éleveurs luttant pour accéder à des pâturages. Elles se sont plaintes du fait que les forces de sécurité n’intervenaient pas rapidement pour protéger la population en cas d’alerte et de la faible réaction de la justice lorsque les auteurs présumés étaient identifiés.
Droit à l’alimentation
L’insécurité alimentaire s’est aggravée en raison de plusieurs facteurs, dont l’augmentation du prix de l’essence et la crise humanitaire dans l’est du pays, le Tchad hébergeant plus de 400 000 personnes réfugiées du fait du conflit au Soudan.
L’OCHA a indiqué que, au mois d’octobre, 5,7 millions de personnes au Tchad étaient en situation d’insécurité alimentaire et de malnutrition, dont 2,1 millions en phase sévère. D’après le Réseau de systèmes d’alerte précoce contre la famine, l’insuffisance des précipitations et la persistance du conflit risquaient d’entraîner une dégradation encore plus marquée de la sécurité alimentaire dans l’ensemble du pays. La réaction face à la crise s’est avérée insuffisante. Le Réseau a signalé une diminution de la nourriture disponible et des transferts monétaires, et l’OCHA a indiqué que seuls 31,8 % de la somme nécessaire pour financier l’aide humanitaire internationale avaient pu être mobilisés. En septembre, les fonds internationaux affectés à la sécurité alimentaire au Tchad s’élevaient à 96,9 millions de dollars des États-Unis, alors que les besoins recensés se chiffraient à 225 millions.
Droits des femmes et des filles
D’après un rapport du Groupe URD (urgence, réhabilitation, développement) publié en février, les jeunes ne disposaient pas d’un accès suffisant à la santé reproductive, accès encore entravé par de nombreuses difficultés, notamment économiques, sociales, familiales et politiques.
Selon ce rapport, 24,2 % des femmes âgées de 20 à 24 ans avaient été mariées avant l’âge de 15 ans : 25 % dans les zones rurales et 21 % dans les zones urbaines.
Violences fondées sur le genre
Les victimes de violences fondées sur le genre craignaient encore de signaler les agressions pour des raisons sociales ou par manque de soutien de la part des forces de l’ordre ou des autorités traditionnelles.
D’après le Système de gestion des informations sur la violence basée sur le genre, 1 879 cas de violences fondées sur le genre ont été enregistrés entre janvier et juin : 34 % concernaient une agression physique, 27 % des violences psychologiques et 24 % une privation de chances, de ressources et/ou de services (femmes écartées d’un héritage ou fillettes non scolarisées, par exemple).