Chili - Rapport annuel 2023

La protection de la police a été renforcée par voie législative. Les violations des droits humains commises durant les manifestations de 2019 sont restées impunies. Un plan de recherche des personnes victimes de disparition forcée a été présenté. Les réfugié·e·s et les migrant·e·s faisaient toujours l’objet de mesures discriminatoires et leur accès à la protection internationale a été entravé. Cette année encore, les droits des personnes LGBTI, des peuples autochtones et des femmes ont été bafoués. La position du Chili sur les nouveaux projets d’extraction minière était fluctuante.

Contexte

Le 17 décembre, le Chili a rejeté à une large majorité une proposition de nouvelle Constitution. Celle de 1980 est donc restée en vigueur.

Le gouvernement a décrété l’état d’urgence dans plusieurs régions du pays.

Des cérémonies ont eu lieu pour marquer les 50 ans de la prise du pouvoir par la force d’Augusto Pinochet1. La réalité historique des violations des droits humains commises durant cette période était de plus en plus souvent niée.

Le gouvernement a présenté un projet de loi visant à réformer la législation antiterroriste. La réforme de la Loi de lutte contre la discrimination n’a guère progressé.

Recours excessif à la force

En avril, la Loi Naín-Retamal a été adoptée, avec pour but annoncé de protéger la police. Elle alourdissait les peines sanctionnant les infractions contre la police, accordait à celle-ci une présomption de légitime défense en matière d’usage de la force et modifiait la définition de la coercition illégitime2.

Rien n’a été fait pour réformer en profondeur l’institution des carabineros (police nationale en uniforme), mais le gouvernement a présenté des projets de loi visant à réglementer l’usage de la force dans le cadre du maintien de l’ordre public et de la sécurité.

Droit à la vérité, à la justice et à des réparations

La plupart des violations des droits humains commises pendant le soulèvement social de 2019 sont restées impunies. En décembre, d’après le ministère public, sur 10 142 plaintes déposées par des victimes de violations perpétrées pendant cette période, des poursuites n’avaient été engagées que dans 127 affaires ; 38 personnes avaient été déclarées coupables et 17 mises hors de cause.

Des carabineros ont été reconnus coupables de violations des droits humains commises contre Josué Maureira et Mario Acuña en 2019. Un recours en annulation déposé en faveur du caporal ayant tiré sur Carlos Astudillo a été rejeté. À La Serena, quatre militaires ont été déclarés coupables de violences injustifiées commises dans le contexte des manifestations de 2019. Sur le fondement de la Loi Naín-Retamal, un tribunal a mis hors de cause cinq carabineros de la municipalité de Padre Hurtado poursuivis pour avoir exercé une coercition illégitime pendant la crise de 2019.

Le parquet du Centre-Nord de la Région Métropolitaine a continué d’enquêter sur les allégations de coercition illégitime et de crimes contre l’humanité imputables à d’anciens membres du gouvernement de Sebastián Piñera et du haut commandement des carabineros pendant la crise de 2019. Ricardo Yáñez, directeur général des carabineros, qui devait être entendu en tant que témoin assisté, ne s’est pas présenté à la plupart des convocations et a exercé son droit de garder le silence dans une autre affaire. Aucun carabinero haut gradé n’a été formellement inculpé3.

La Commission pour des réparations exhaustives a fait part de ses conclusions, mais aucune mesure n’a été prise en faveur d’une politique d’indemnisations pour les victimes de violations des droits humains commises pendant la crise4.

Le plan national de recherche des personnes victimes de disparition forcée sous le régime d’Augusto Pinochet (1973-1990) a été présenté mais n’a pas encore été mis en œuvre. Le gouvernement a annoncé la mise en place d’une politique nationale de la mémoire et du patrimoine visant à protéger les sites mémoriels liés à cette période.

Un projet de loi a été déposé pour que le secret des témoignages de victimes de torture rassemblés par la Commission Valech, une commission nationale chargée de recueillir des informations sur les détentions politiques et les tortures commises sous l’ère Pinochet, puisse être levé sous conditions.

Droits des peuples autochtones

Le gouvernement a annoncé la composition de la Commission pour la paix et l’entente, instaurée pour tenter de trouver une solution politique face aux revendications du peuple mapuche.

Le Chili a reconnu les Selk’nam comme peuple indigène, bénéficiaire à ce titre de la protection juridique dont pouvaient se prévaloir ces peuples.

En février, un groupe de Mapuches du lof (structure élémentaire de l’organisation sociale mapuche) El Roble-Carimallín a manifesté devant le terrain privé de Carimallín, dans la commune de Río Bueno, où l’entreprise norvégienne Statkraft comptait installer une centrale hydroélectrique. Les Mapuches ont affirmé que le projet était situé dans une zone sacrée et culturellement importante. Des carabineros ont dispersé la manifestation en faisant usage de gaz lacrymogène et de fusils antiémeutes, blessant quatre Mapuches.

Droits des personnes réfugiées ou migrantes

En février, le gouvernement a déployé des militaires le long de ses frontières avec la Bolivie et le Pérou pour empêcher l’entrée irrégulière de personnes migrantes et réfugiées, essentiellement des Vénézuélien·ne·s en quête d’asile5.

Les ressortissant·e·s du Venezuela qui cherchaient protection au Chili se heurtaient toujours à des obstacles, en particulier à l’obligation de signaler leur entrée irrégulière dans le pays pour accéder à la procédure d’asile6. Ces difficultés, associées au faible taux de reconnaissance du statut de réfugié·e, ont entravé l’accès des Vénézuélien·ne·s à l’éducation, aux services de santé et à l’emploi au Chili7.

Le ministère public a ordonné que le placement en détention provisoire des personnes étrangères sous le coup d’une inculpation soit requis si elles n’avaient pas de carte nationale d’identité.

Un processus d’enregistrement biométrique a été mis en place en juin pour les personnes étrangères âgées de plus de 18 ans qui étaient entrées au Chili en traversant la frontière de manière illégale avant le 30 mai 2023. Ce système a suscité des préoccupations, dans un contexte où l’État faisait des propositions draconiennes et mettait en œuvre des pratiques restrictives concernant les migrant·e·s et les réfugié·e·s, procédant notamment à des expulsions irrégulières.

Le gouvernement a émis en décembre un décret sur la politique migratoire nationale mettant en vigueur, entre autres mesures, le processus d’enregistrement biométrique et un comité chargé des expulsions.

Droits des lesbiennes, des gays et des personnes bisexuelles, transgenres ou intersexes

Après un arrêt de la Cour interaméricaine des droits de l’homme, le gouvernement a reconnu la responsabilité du Chili dans la violation des droits à l’égalité et à la non-discrimination de Sandra Pavez Pavez, une enseignante victime de discrimination en raison de son orientation sexuelle.

Violences sexuelles ou fondées sur le genre

Les femmes chiliennes étaient toujours la cible de violence fondée sur le genre. Un projet de loi en faveur d’une approche globale de la lutte contre les violences faites aux femmes était toujours en cours d’examen au Congrès.

Droits sexuels et reproductifs

Le projet de loi sur l’éducation complète à la sexualité annoncé en 2022 n’avait pas été adopté à la fin de l’année.

Le Chili n’a pas progressé vers l’adoption d’un cadre juridique dépénalisant complètement l’avortement et garantissant un accès égal et sans entraves à des interruptions de grossesse sécurisées.

Défenseur·e·s des droits humains

Une proposition de loi relative à la protection des défenseur·e·s des droits humains était toujours en instance à la fin de l’année. Le gouvernement a cependant commencé à rédiger un protocole de protection des défenseur·e·s des droits humains et de l’environnement, et des acteurs·trices de la communication et du système judiciaire.

Droit à un environnement sain

Le gouvernement a rejeté le projet d’extraction minière de Dominga, dans la région de Coquimbo, en raison de ses répercussions sur l’environnement, mais a approuvé celui de Los Bronces Integrado, dans la Région Métropolitaine, malgré l’opposition d’organisations écologistes.

Le Chili a annoncé son plan de mise en œuvre de l’Accord d’Escazú.

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