Cuba - Rapport annuel 2023

Dans un contexte de poursuite de la répression de la dissidence, des militant·e·s, des opposant·e·s politiques et des journalistes ont été harcelés, persécutés et incarcérés. Les défenseur·e·s des droits humains étaient en butte à des attaques et se heurtaient à des obstacles dans l’exercice de leurs activités ; certains étaient toujours incarcérés au mépris de toute procédure régulière. La crise économique et humanitaire s’est poursuivie, marquée notamment par des pénuries de nourriture, de carburant et d’électricité. Les discriminations demeuraient très répandues et concernaient notamment les personnes d’ascendance africaine, les femmes et les filles, les personnes LGBTI, les dissident·e·s politiques et les membres de communautés religieuses.

Contexte

Cuba ne disposait pas d’une institution nationale des droits humains conforme aux principes de Paris. Le pays restait fermé aux organisations internationales de défense des droits fondamentaux et les médias internationaux rencontraient des obstacles pour suivre les procès des dissident·e·s politiques.

En novembre, l’UE et Cuba ont tenu leur quatrième dialogue sur les droits humains, au cours duquel l’UE s’est dite préoccupée par les incarcérations et les lourdes peines d’emprisonnement liées aux manifestations de juillet 2021 (voir Répression de la dissidence).

Le nouveau Code pénal a commencé d’être appliqué. La peine de mort y était toujours inscrite, de même qu’un certain nombre de dispositions qui restreignaient les droits fondamentaux et étaient utilisées pour réduire au silence et emprisonner les militant·e·s.

Répression de la dissidence

Cette année encore, un grand nombre de militant·e·s, d’opposant·e·s, de journalistes et d’artistes ont été surveillés et visés par des actes de harcèlement. La détention arbitraire et les procédures pénales ne respectant pas les garanties en matière d’équité des procès restaient des pratiques courantes. Les personnes privées de liberté étaient détenues dans des conditions très difficiles.

Selon l’organisation Justicia11J, au moins 793 personnes étaient toujours détenues en raison de leur participation aux manifestations qui se sont déroulées dans toute l’île le 11 juillet 2021.
Le 6 mai, le gouvernement a fait usage d’une force excessive contre des personnes qui manifestaient dans la municipalité de Caimanera (province de Guantánamo) contre leurs conditions de vie précaires et le manque de respect des droits humains. Les agents des forces de l’ordre se sont livrés à des violences physiques et cinq manifestants au moins ont été arrêtés arbitrairement selon la Commission interaméricaine des droits de l’homme, qui a condamné cette répression.

Le Parlement cubain a adopté le 26 mai une loi sur la communication sociale qui a consacré l’interdiction des médias privés et instauré des restrictions excessives concernant l’information publique et l’utilisation d’Internet. Le texte dotait le gouvernement du pouvoir d’ordonner aux fournisseurs de services de télécommunication d’interrompre le service pour les utilisateurs qui publiaient des contenus considérés comme préjudiciables à l’ordre public ou à la moralité.
Soumis à une disparition forcée et incarcéré en juillet 2021, le militant politique et dirigeant de l’opposition José Daniel Ferrer García était détenu au secret alors que son état de santé se détériorait. Il était toujours privé de liberté à la fin de l’année.

La police convoquait fréquemment les journalistes et les militant·e·s pour les interroger au sujet de leurs activités pourtant légales. Le journaliste Yeris Curbelo Aguilera a été interrogé en mai par les forces de sécurité gouvernementales après avoir fait un reportage sur les manifestations qui avaient eu lieu dans la municipalité de Caimanera.

Défenseur·e·s des droits humains

Cette année encore, des militant·e·s et des défenseur·e·s des droits humains ont été harcelés, attaqués et poursuivis en justice. Le 14 février, des agents de la sûreté de l’État ont arrêté Josiel Guía Piloto chez lui, à La Havane. Cet homme avait déjà été détenu arbitrairement en 2011 en raison de ses activités politiques dissidentes. Il a été appréhendé alors qu’il avait entamé une grève de la faim pour protester contre la surveillance et le harcèlement dont il faisait constamment l’objet.

Condamnés en 2022 respectivement à cinq et neuf ans d’emprisonnement à l’issue d’une procédure ne respectant pas les garanties en matière d’équité des procès, les artistes Luis Manuel Otero Alcántara et Maykel « Osorbo » Castillo Pérez étaient toujours incarcérés. L’intégrité physique et mentale de ces deux prisonniers d’opinion était menacée en raison de leurs conditions de détention très dures, des violences qu’ils subissaient de la part de leurs codétenus et du manque de soins médicaux.

Les autorités ont rejeté la recommandation émise par le personnel médical des services gouvernementaux de remettre en liberté Loreto Hernández García en raison de sa santé fragile. Les époux Loreto Hernández García et Donaida Pérez Paseiro, militant·e·s noirs, prêtre et prêtresse et dirigeant·e·s de l’Association des Yorubas libres de Cuba, étaient des prisonniers d’opinion : ils étaient détenus depuis 2021 pour le seul fait d’avoir pacifiquement participé aux manifestations qui avaient eu lieu dans toute l’île. L’état de santé de Loreto Hernández García s’est dégradé en 2023. Sa femme et lui rencontraient par ailleurs des obstacles pour communiquer avec leurs proches.

Droits économiques, sociaux et culturels

La crise économique et humanitaire persistante se traduisait par des pénuries de biens essentiels. La population avait du mal à trouver de la nourriture en quantité suffisante, et les pénuries de carburant rendaient les transports toujours moins accessibles. Des coupures d’électricité ont eu lieu tout au long de l’année. Le gouvernement a reconnu en mai que la crise économique avait des répercussions néfastes sur les importations de produits de base comme le carburant et les produits alimentaires et agricoles. Les autorités ont de nouveau évoqué cette situation critique en septembre alors que de nouvelles coupures d’électricité étaient prévues.

La crise économique a eu des répercussions sur le système de santé. Des pénuries de médicaments et de produits médicaux ont été signalées et le nombre de soignant·e·s en exercice était en baisse.
Dans un rapport sur les droits syndicaux et les droits du travail à Cuba publié en avril, la Commission interaméricaine des droits de l’homme a fait part d’un certain nombre de préoccupations et mis en évidence de graves problèmes, pointant notamment la précarité de l’emploi, l’insuffisance des mesures en matière de santé et de sécurité, les licenciements abusifs motivés par des considérations politiques, les violations du droit à la liberté d’association et le manque de reconnaissance du droit de grève.

Discrimination

La discrimination persistait, en particulier à l’égard des personnes d’ascendance africaine, des femmes et des filles, des personnes LGBTI, des dissident·e·s politiques et des membres de communautés religieuses.

Les personnes d’ascendance africaine étaient toujours en butte aux conséquences d’un racisme systémique et ancien. Des militant·e·s ont fait état de la persistance des inégalités raciales, qui créaient des disparités dans la représentation politique, l’accès à un logement convenable et l’accès à l’emploi, entre autres droits. Les pouvoirs publics ne recueillaient pas – et ne publiaient donc pas – de données sur les inégalités raciales ventilées en fonction de l’appartenance ethnique ou raciale.

Les discriminations liées au genre perduraient. Le corps législatif n’a pas fait figurer le féminicide parmi les infractions définies dans le Code pénal. Selon les informations recueillies par des ONG locales et des journalistes, au moins 86 femmes ont trouvé la mort dans des attaques manifestement fondées sur le genre.

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