Laos - Rapport annuel 2023

Les attaques visant des défenseur·e·s des droits humains laotiens se sont intensifiées tant dans le pays qu’à l’étranger, avec notamment de nombreux cas de détention arbitraire, de disparition forcée et d’homicide. Deux dissidents chinois ont été expulsés du Laos vers la Chine, où ils risquaient d’être soumis à la torture ou à d’autres mauvais traitements et à un procès inéquitable en raison de leurs activités militantes. Le gouvernement a amplifié les mesures de répression des critiques exprimées en ligne. Les investissements publics et privés liés aux infrastructures hydroélectriques ont continué de croître, malgré les inquiétudes relatives à l’impact de ces installations sur l’environnement et sur les droits sociaux et économiques.

Contexte

Le Laos était toujours enlisé dans une grave crise économique due à la hausse de l’inflation et à la dévaluation continue de la monnaie nationale. Le Fonds monétaire international a estimé que la dette publique brute du Laos avait atteint 121,7 % de son PIB en 2023, et que le pays était « en situation de surendettement ». Cette crise menaçait la sécurité alimentaire de la population, car selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, plusieurs produits alimentaires de base tels que le blé, la farine, les œufs, la viande et l’huile de cuisson ont atteint en juin des prix record.
Le gouvernement a continué d’investir dans des projets de production d’électricité, notamment dans la construction de barrages hydroélectriques, malgré une dette publique qui ne cessait de se creuser et des inquiétudes croissantes concernant l’indemnisation insuffisante des communautés pâtissant de ces projets.

Défenseur·e·s des droits humains

Dans un communiqué de presse publié en septembre, la rapporteuse spéciale des Nations unies sur les défenseurs des droits de l’homme s’est dite préoccupée par le caractère récurrent des graves violations des droits humains visant des personnes participant à des activités de défense des droits fondamentaux au Laos. Ces violations perduraient depuis plusieurs décennies et comprenaient des détentions arbitraires, des disparitions forcées, des violations du droit à un procès équitable et des actes d’intimidation.
Anousa « Jack » Luangsouphom, défenseur des droits humains âgé de 25 ans, a été grièvement blessé par balle le 29 avril. Un inconnu a tiré sur lui dans un café à Vientiane, la capitale du pays, le touchant au visage et à la poitrine. Jack critiquait ouvertement le gouvernement et il animait deux pages Facebook, « Driven by the Keyboard » et « Sor Tor Lor – the Republic », sur lesquelles étaient publiés des commentaires concernant des questions relatives à la société, à l’environnement, à l’économie et à la politique au Laos, telles que les nuages de pollution, les droits fondamentaux des écolières et écoliers et les droits des personnes LGBTI[1]. Les autorités laotiennes ont déclaré que cette attaque à l’arme à feu pourrait avoir été liée à un différend commercial ou une liaison amoureuse, mais elles n’ont fourni aucune information quant à une quelconque enquête sur cette tentative de meurtre.
Des défenseur·e·s des droits humains laotiens ont fait l’objet d’attaques tant au Laos qu’à l’étranger. Bounsuan Kittiyano, un défenseur des droits humains âgé de 56 ans dont le statut de réfugié avait été reconnu par le HCR, a été tué par balle en Thaïlande, dans la province d’Ubon Ratchathani, le 17 mai. Les gouvernements laotien et thaïlandais ont été exhortés à diligenter une enquête exhaustive, efficace, impartiale et indépendante sur ces cas et à empêcher que d’autres violences ne soient commises contre des défenseur·e·s des droits humains[2].
Des dissident·e·s chinois venus au Laos pour fuir la persécution ont été visés par des mesures d’expulsion malgré le risque qu’ils et elles encouraient de subir à leur retour des violations des droits humains, notamment des actes de torture, d’autres formes de mauvais traitements et un procès inique. Yang Zewei, fondateur d’un groupe militant contre la « Grande Muraille électronique de Chine » qui dénonçait la censure appliquée à Internet dans son pays, a disparu entre le 31 mai et le 2 juin à Vientiane, où il vivait en exil. On a su où il se trouvait le 7 juillet : après avoir émis un mandat d’arrêt contre lui, les autorités chinoises l’avaient incarcéré dans le centre de détention de Hengyang, en Chine, pour « incitation à la subversion du pouvoir de l’État ».
Dans une affaire similaire, le 28 juillet, les autorités laotiennes ont arrêté et placé en détention Lu Siwei, un avocat renommé venu de Chine et spécialisé dans la défense des droits humains, alors qu’il était en chemin pour rejoindre sa famille aux États-Unis. Des experts de l’ONU ont souligné que sa détention était arbitraire. Les autorités laotiennes ont refusé de révéler le sort réservé à cet homme et l’endroit où il se trouvait. Le 4 octobre, Amnesty International a reçu des informations confirmant que les autorités laotiennes avaient renvoyé Lu Siwei en Chine, malgré les appels lancés en faveur de sa libération par des organisations de défense des droits fondamentaux[3].

Responsabilité des entreprises

Le gouvernement a continué de construire des barrages hydroélectriques avec le soutien d’investisseurs étrangers comprenant notamment des entreprises chinoises, thaïlandaises et sud-coréennes. En septembre, les promoteurs de la centrale hydroélectrique de Pak Bengin, dans la province d’Oudomxay (nord du Laos), ont signé un accord d’achat d’électricité avec l’EGAT, l’autorité thaïlandaise chargée de la gestion de l’électricité, malgré les préoccupations exprimées par des groupes de défense des droits humains, entre autres, portant sur le manque d’informations au sujet de l’indemnisation des villageois·es déplacés. Le rapport sur l’évaluation de l’impact environnemental de ce projet laissait entendre que la construction de la centrale allait nécessiter la réinstallation de 4 700 habitant·e·s de 26 villages.

Traite des êtres humains

Plusieurs centaines de personnes ont cette année encore été victimes de la traite, retenues en captivité et obligées de travailler dans des centres d’appels pour des escroqueries dans des zones économiques spéciales du Triangle d’or, dans le nord-ouest du Laos. Les victimes, qui pour la plupart avaient fait des études universitaires, étaient originaires de plusieurs pays ; plus de 100 étaient srilankaises et sept étaient cambodgiennes. On leur avait pris leur passeport à leur arrivée et on les avait obligées à arnaquer des « client·e·s » en leur vendant de la fausse cryptomonnaie, entre autres escroqueries. Selon certaines informations, des victimes ont été asservies en raison de dettes liées à leur voyage et soumises à des conditions de travail abusives, notamment avec des châtiments corporels incluant des décharges électriques.
Cette situation était aggravée par le fait que les zones économiques spéciales étaient exemptées du régime de la réglementation économique et relative au travail. Des recherches menées par les Nations unies ont indiqué que l’accès des forces de l’ordre à cette région était restreint, ce qui entraînait un déficit de gouvernance et rendait difficile la tâche consistant à assurer la reddition de comptes pour les atteintes aux droits humains.

[1]« Laos. Les tirs ayant visé “Jack”, un défenseur des droits humains, doivent immédiatement donner lieu à une enquête », 3 mai
[2]Thailand/Laos : Investigate the Killing of Lao Refugee and Put an End to Transnational Repression of Human Rights Defenders, 26 mai
[3]« Chine. Un avocat spécialisé dans les droits humains risque d’être torturé après avoir été renvoyé du Laos », 4 octobre

Toutes les infos

L’avortement est un droit. Parlementaires, changez la loi !

L’avortement est un droit humain et un soin de santé essentiel pour toute personne pouvant être enceinte. Ceci sonne comme une évidence ? Et bien, ce n’est pourtant pas encore une réalité en (…)

2024 - Amnesty International Belgique N° BCE 0418 308 144 - Crédits - Charte vie privée
Made by Spade + Nursit