Liberté d’expression
Les autorités ont poursuivi leur campagne de répression visant les défenseur·e·s des droits humains et les personnes critiques à l’égard du gouvernement[1].
En novembre, un tribunal a condamné M Ravi, avocat spécialiste des droits humains, à 21 jours d’emprisonnement et à une amende de 10 000 dollars singapouriens (7 453 dollars des États-Unis) pour neuf chefs d’outrage à magistrat. En mars, la justice avait suspendu son autorisation d’exercer pour cinq ans en lien avec la façon dont il avait défendu, en 2020, un homme sous le coup d’une condamnation à mort. En mai, le ministère de l’Intérieur a ordonné à plusieurs personnes et organisations, dont M Ravi, Kirsten Han et Transformative Justice Collective (collectif de lutte contre la peine de mort dont faisait partie Kirsten Han) de publier, au titre de la Loi relative à la protection contre les mensonges et la manipulation en ligne, un « rectificatif » à leurs messages sur les réseaux sociaux et articles en ligne dans lesquels elles faisaient part de leurs préoccupations concernant l’équité du procès de Tangaraju Suppiah, exécuté en avril[2].
Le gouvernement a ordonné en juin le blocage du site d’information Asia Sentinel, basé aux États-Unis, car le site avait refusé de se plier à l’injonction qu’il avait reçue, au titre de la Loi relative à la protection contre les mensonges et la manipulation en ligne, de « rectifier » un article sur l’usage que faisait le gouvernement de ses pouvoirs contre les voix dissidentes.
Le harcèlement judiciaire dont faisait l’objet Terry Xu, directeur de publication du site d’information indépendant The Online Citizen, s’est poursuivi. En avril, la Haute Cour l’a déclaré coupable d’outrage à magistrat et condamné à payer une amende et des frais de justice pour un montant total de 30 000 dollars singapouriens (22 474 dollars des États-Unis). Cette décision était liée à la publication, en 2021, d’une lettre ouverte critiquant le président de la Cour suprême.
Le gouvernement a annoncé en mars que Lee Hsien Yang, frère du Premier ministre, et son épouse faisaient l’objet d’une enquête pour parjure. Ils étaient également accusés d’avoir quitté le pays pour échapper à un interrogatoire de la police. Lee Hsien Yang était en conflit avec son frère à propos de l’héritage familial et critiquait de plus en plus son gouvernement depuis quelques années. En novembre, il a été condamné à verser des dommages et intérêts aux ministres de la Justice et des Affaires étrangères, qui avaient porté plainte contre lui pour diffamation après la publication sur Facebook de messages dans lesquels, selon eux, il les accusait de corruption.
En juillet, le Parlement a adopté la Loi relative à la criminalité en ligne, qui conférait au gouvernement de larges pouvoirs pour limiter la diffusion ou bloquer complètement des contenus en ligne ; il était à craindre que ce texte soit utilisé contre des voix critiques à l’égard des autorités.
Peine de mort
Les exécutions, qui avaient repris en 2022, se sont poursuivies. Toutes les personnes exécutées en 2023 avaient été condamnées pour des infractions à la législation sur les stupéfiants dans des affaires pour lesquelles la loi imposait la peine capitale en cas de culpabilité. Dans nombre de ces affaires, les normes internationales en matière d’équité des procès n’ont pas été respectées. Parmi les personnes pendues au cours de l’année figurait Saridewi Djamani ; selon les informations disponibles, il s’agissait de la première femme exécutée à Singapour depuis 2004[3].
[1]Singapore : Suppression of Activists, Critics Continues Ahead of Elections, 16 mai
[2]« Singapour. Exécution arbitraire et illégale d’un homme pour des infractions à la législation sur les stupéfiants, au mépris des droits humains », 26 avril
[3]« Singapour. Illégales et honteuses, les exécutions de personnes dans des affaires de stupéfiants continuent, dont celle d’une femme pour la première fois en 20 ans », 28 juillet