Arménie - Rapport annuel 2023

Des agents des forces de l’ordre ont fait un usage illégal de la force en réprimant des manifestations antigouvernementales. Des journalistes ont été la cible de harcèlement et de violences de la part de sympathisant·e·s du gouvernement. Aucune avancée n’a été constatée en matière d’enquête sur les crimes de guerre et autres violations du droit international perpétrés pendant le conflit armé qui a opposé l’Arménie à l’Azerbaïdjan en 2020. La discrimination contre les personnes LGBTI demeurait monnaie courante. Plusieurs avocats ont déclaré avoir été maltraités pendant des visites à leurs clients en détention. Des militant·e·s écologistes ont cette année encore été la cible d’actes de harcèlement. La peine de mort a été abolie en toutes circonstances.

Contexte

Le mécontentement populaire suscité par la manière dont le gouvernement gérait les tensions avec l’Azerbaïdjan voisin s’est accru et a donné lieu à une multiplication des manifestations. Les manifestant·e·s reprochaient notamment aux autorités leur attitude face au blocus, puis à la prise de contrôle par l’Azerbaïdjan de la région sécessionniste du Haut-Karabakh, peuplée d’Arménien·ne·s de souche (voir Azerbaïdjan). L’arrivée en Arménie de plus de 100 000 réfugié·e·s originaires du Haut-Karabakh a accentué les difficultés économiques et humanitaires du pays. Les relations avec la Russie, longtemps considérée par l’Arménie comme garante de sa sécurité, se sont fortement dégradées. L’économie restait néanmoins très dépendante de la Russie, notamment pour les produits de base importés et les transferts de fonds des expatrié·e·s. L’Arménie a remis en liberté en décembre deux prisonniers de guerre azerbaïdjanais après avoir accepté de négocier un accord de paix avec son voisin.

Recours excessif à la force

De très nombreuses manifestations ont eu lieu dans le pays. Des cas de violences de la part de manifestant·e·s, ainsi que de recours inutile, disproportionné et parfois aveugle à la force de la part de la police, ont été régulièrement signalés.
Des milliers de personnes se sont rassemblées le 19 septembre à Erevan, la capitale arménienne, pour exiger la démission du Premier ministre et dénoncer l’offensive militaire de l’Azerbaïdjan dans le Haut-Karabakh. Des manifestant·e·s ont brisé des vitres de bâtiments officiels et ont affronté les forces de l’ordre. Le Comité Helsinki d’Arménie, une ONG présente en tant qu’observatrice lors des manifestations, a indiqué que la police avait parfois eu recours à « une force disproportionnée et déployée sans discernement », frappant les manifestant·e·s et tirant sans sommation des grenades incapacitantes directement dans la foule. Plus de 140 manifestant·e·s auraient été arrêtés et plus d’une trentaine blessés. La plupart des personnes arrêtées ont été relâchées sans avoir été inculpées, mais quelques-unes ont fait l’objet de poursuites administratives ou pénales. Aucune véritable enquête n’avait été menée à la fin de l’année sur les cas signalés de recours illégal à la force par la police.

Liberté d’expression

La presse restait dans l’ensemble libre et pluraliste, mais elle était profondément divisée sur la question du Haut-Karabakh et du conflit avec l’Azerbaïdjan. Les observateurs·rices internationaux ont en outre dénoncé une désinformation et des discours de haine d’une ampleur sans précédent. La Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI) s’est félicitée en mars de la suppression, en juillet 2022, de la disposition du Code pénal réprimant le fait d’insulter des représentant·e·s de l’État ou des personnalités publiques. La sécurité des journalistes restait un motif de préoccupation. Certain·e·s d’entre eux ont été cette année encore la cible de pressions, d’insultes et de violences de la part de sympathisant·e·s du gouvernement. Deux journalistes au moins auraient été victimes d’une intense campagne de harcèlement et de menaces en ligne, notamment de la part de certains représentant·e·s de l’État, pour avoir posé des questions incisives au Premier ministre sur la situation au Haut-Karabakh lors d’une conférence de presse le 25 juillet. L’enquête concernant ces actes d’ingérence présumée dans le travail de journalistes était toujours en cours à la fin de l’année.
L’abandon provisoire, à la suite des critiques exprimées au niveau international, de plusieurs modifications législatives proposées au mois de décembre 2022 a tempéré les velléités du gouvernement de restreindre la liberté d’expression en ligne. Les modifications envisagées auraient donné aux autorités la possibilité de censurer des contenus en ligne, de bloquer certains sites et de limiter l’accès à Internet en période de loi martiale.

Violations du droit international humanitaire

Aucun réel progrès n’a été réalisé en matière d’enquête sur les crimes de guerre et autres violations du droit international humanitaire commis pendant et juste après le conflit avec l’Azerbaïdjan en 2020, et aucun responsable présumé n’a été traduit en justice. Le Parlement a voté le 3 octobre en faveur de la ratification du Statut de Rome de la CPI.
Les mines terrestres placées les années précédentes par les forces arméniennes en Azerbaïdjan, sur le territoire du Haut-Karabakh et aux alentours, constituaient toujours une menace mortelle et empêchaient le retour en toute sécurité des personnes déplacées. Selon les services de déminage azerbaïdjanais, en août, 303 personnes, dont des civil·e·s, avaient été tuées ou blessées par l’explosion de mines terrestres depuis la guerre de 2020. La presse azerbaïdjanaise a indiqué en juillet que les cartes des champs de mines fournies par l’Arménie n’étaient fiables qu’à 25 % et qu’il manquait la localisation de quelque 600 000 mines.
Droits des personnes réfugiées ou migrantes
Plus de 100 000 personnes, soit la quasi-totalité de la population arménienne du Haut-Karabakh, sont arrivées en Arménie en l’espace de quelques jours, en septembre et en octobre. Les autorités arméniennes ont répondu dans une large mesure aux besoins immédiats de cette vague soudaine de réfugié·e·s. La mise en place de solutions durables et l’accès à un logement décent, à des revenus suffisants et à l’emploi restaient cependant des sources de préoccupation.

Droit à un procès équitable

Plusieurs avocats ont signalé avoir été victimes, dans le cadre de l’exercice de leur profession, de harcèlement et de mauvais traitements lors de visites à leurs clients dans des centres de détention gérés par la police.
Deux d’entre eux, Marzpet Avagian et Emanuel Ananian, ont déclaré avoir été agressés le 9 février par plusieurs policiers des services centraux d’Erevan, qui les auraient injuriés et frappés à coups de pied et de poing. Ces deux hommes affirment avoir été pris à partie alors qu’ils défendaient les droits de leurs clients, qui étaient mineurs et qui avaient eux aussi été victimes d’actes de torture et d’autres mauvais traitements aux mains de ces mêmes policiers.
Droits des lesbiennes, des gays et des personnes bisexuelles, transgenres ou intersexes
La discrimination contre les personnes LGBTI et les préjugés liés à la sexualité, réelle ou supposée, restaient très répandus dans la société arménienne.
Dans son rapport de mars sur l’Arménie, l’ECRI a constaté que les personnes LGBTI faisaient toujours l’objet de discrimination, de marginalisation, d’agressions et de brimades. Elle a recommandé d’inscrire rapidement dans la loi des dispositions sanctionnant la discrimination pour tous les motifs, y compris l’orientation sexuelle et l’identité de genre. Elle a demandé en outre que les relations entre personnes de même sexe cessent d’être considérées comme relevant de troubles mentaux et que les autres formes de discours homophobe soient combattues.

Droit à un environnement sain

Les autorités ont annoncé en février que la production allait reprendre à la mine d’or d’Almusar, en dépit des inquiétudes toujours vives concernant d’éventuels dommages environnementaux. Les militant·e·s opposés au projet étaient toujours harcelés. Ils faisaient notamment l’objet de poursuites judiciaires leur réclamant des indemnisations financières abusives pour les soi-disant dommages causés par leur discours écologiste.

Peine de mort

L’Arménie a ratifié en octobre le Protocole no 13 à la Convention européenne des droits de l’homme, actant ainsi l’abolition de la peine capitale en toutes circonstances, y compris pour les crimes commis en temps de guerre et de menace de guerre imminente.

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