Bélarus - Rapport annuel 2023

Les droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique ont cette année encore fait l’objet d’importantes restrictions. Les minorités religieuses étaient en butte à la discrimination. Le système judiciaire était détourné pour réprimer la dissidence. Le recours à la torture et à d’autres mauvais traitements était endémique et l’impunité restait la règle pour les responsables de tels actes. Des personnes réfugiées et migrantes ont été victimes de pratiques abusives de la part des autorités. De nouvelles condamnations à mort ont été prononcées.

Contexte

L’isolement international du Bélarus s’est accentué, et ses voisins de l’UE ont renforcé les contrôles aux frontières après sa décision d’accueillir l’entreprise militaire privée russe Wagner et de déployer sur son territoire des armes nucléaires tactiques russes.
Selon les estimations, quelque 350 000 personnes avaient quitté le Bélarus depuis le début de la répression de l’opposition en 2020, entraînant des pénuries de main-d’œuvre. Les autorités ont essayé de faire revenir de force beaucoup de ces personnes, notamment en empêchant les renouvellements de passeport dans les consulats bélarussiens à l’étranger.

Liberté d’expression

Des restrictions sévères ont continué de peser sur la liberté d’expression. Des modifications du Code pénal, adoptées en mai, ont permis aux autorités d’engager plus facilement des poursuites pénales pour des « crimes contre l’État » et ont introduit une responsabilité pénale pour quiconque « discréditerait » les forces armées et autres forces gouvernementales, y compris les groupes paramilitaires.
Des livres et d’autres documents imprimés ont cette année encore été interdits pour leur « contenu extrémiste » et des dizaines de personnes ont été arrêtées chaque mois pour s’être abonnées à des canaux Telegram « extrémistes ».
Darya Losik a été condamnée en janvier à deux ans d’emprisonnement pour « soutien à des activités extrémistes » à cause d’une interview qu’elle avait donnée en 2022 au sujet de son mari, le prisonnier d’opinion Ihar Losik, sur la chaîne de télévision Bielsat. Il lui était reproché d’avoir qualifié son mari de « prisonnier politique » et affirmé qu’il était innocent.
Les tribunaux bélarussiens ont cette année encore condamné des personnes pour avoir « insulté » des représentant·e·s des autorités, « discrédité » des symboles et des institutions de l’État, ou « incité à la discorde sociale et à l’hostilité ».
Pavel Belavus, personnalité culturelle de premier plan, a été condamné en mai à 13 ans d’emprisonnement et à une amende de 18 500 roubles bélarussiens (5 500 dollars des États-Unis) pour quatre chefs d’inculpation, parmi lesquels la trahison et la « direction d’une formation extrémiste ». Il était entre autres accusé de « diffuser les idées du nationalisme bélarussien dans le but d’opérer un changement de régime au Bélarus ».

Liberté d’association

La répression s’est intensifiée à l’encontre des organisations de la société civile indépendantes, des ONG, des organisations professionnelles, des groupes ethniques et des communautés religieuses. Les 12 partis d’opposition au gouvernement se sont vu refuser le renouvellement de leur enregistrement et ont été dissous, afin de laisser le champ libre pour les élections de 2024.
Des accusations arbitraires d’« extrémisme » ont été utilisées pour faire fermer des organisations de la société civile, dont le centre de défense des droits humains Viasna, qui a été qualifié en août de « formation extrémiste ».
Plusieurs personnes ont été arrêtées pour « financement d’activités ou d’organisations extrémistes ». Kiryl Klimau a été condamné à quatre ans d’emprisonnement pour avoir envoyé six dons de 10 dollars des États-Unis à des associations caritatives aidant les victimes de la répression politique.

Liberté de religion et de conviction

À partir d’octobre, dans le cadre d’une vaste campagne de répression de la dissidence, toutes les organisations religieuses ont été obligées de renouveler leur enregistrement sous peine de fermeture.
La répression à l’encontre des prêtres catholiques s’est poursuivie. Uladzislau Beladzed a été arrêté le 31 mai pour « diffusion de contenus extrémistes » et maintenu en détention pendant trois périodes consécutives de 15 jours. Au cours d’une perquisition dans la cathédrale catholique de Minsk, la capitale, où il exerçait, les forces de sécurité auraient frappé plusieurs prêtres.
Les autorités ont continué de persécuter l’Église protestante Vie nouvelle. Son lieu de culte a été démoli en juin. En août, deux de ses publications en ligne datant de 2020, qui condamnaient la violence à l’égard des manifestant·e·s pacifiques, ont été qualifiées d’« extrémistes » et deux pasteurs ont été arrêtés. L’Église a été « liquidée » en octobre sur décision de justice pour avoir mené des « activités extrémistes ».

Liberté de réunion pacifique

Le droit à la liberté de réunion pacifique demeurait sévèrement restreint. Trois ans après les manifestations de 2020, les autorités continuaient de traquer les manifestant·e·s pacifiques et les personnes les ayant soutenus, y compris par des dons, afin d’engager contre eux des poursuites infondées et de les placer en détention.

Procès inéquitables

Cette année encore, le système judiciaire a été détourné de sa vocation par les autorités pour réprimer la dissidence sous toutes ses formes, notamment à travers des poursuites contre des opposant·e·s politiques, des défenseur·e·s des droits humains et des avocat·e·s. En mars, Sviatlana Tsikhanouskaya, Pavel Latushka, Maria Maroz, Volha Kavalkova et Siarhei Dyleuski ont été condamnés en leur absence à des peines allant de 12 à 18 ans d’emprisonnement, sur la base d’accusations forgées de toutes pièces. Le recours à des audiences à huis clos restait répandu.
Des avocat·e·s qui défendaient des victimes de poursuites à caractère politique ont encore été persécutés. Une organisation de défense des droits humains a ainsi signalé qu’au moins 10 avocat·e·s avaient été emprisonnés et que plus de 100 avaient été radiés du barreau ou s’étaient vu refuser le renouvellement de leur droit d’exercer, en représailles à leurs activités professionnelles.

Torture et autres mauvais traitements

La torture et les autres formes de mauvais traitements demeuraient répandues et endémiques, et les responsables de ces actes jouissaient d’une impunité totale. Les personnes condamnées pour des motifs politiques étaient maltraitées et détenues dans des conditions inhumaines. Elles étaient notamment privées de soins médicaux adéquats, de contacts avec leur famille et d’exercice en plein air. Pendant des mois, aucune information n’a été communiquée à propos du lieu et des conditions de détention de Syarhei Tsikhanouski, Maryia Kalesnikava, Ihar Losik, Maksim Znak, Mikalai Statkevich, Viktar Babaryka et d’autres personnalités politiques, journalistes et militant·e·s de premier plan.
L’artiste Ales Pushkin est mort en juillet dans la ville de Hrodna, où il purgeait une peine de cinq ans d’emprisonnement sur la base d’accusations infondées. Il aurait succombé à un ulcère perforé non soigné.

Défenseur·e·s des droits humains

Les autorités ont cette année encore empêché des défenseur·e·s des droits humains d’accomplir leur travail, notamment en les plaçant en détention arbitraire.
En mars, Ales Bialiatski, Valiantsin Stefanovic et Uladzimir Labkovich, membres de Viasna, une organisation de défense des droits humains de premier plan, ont été condamnés respectivement à 10, neuf et sept ans d’emprisonnement sur la base de fausses accusations [1].
En juin, Nasta Loika a été condamnée à sept ans d’emprisonnement lors d’un procès à huis clos, sur la base d’accusations forgées de toutes pièces. Son nom a été ajouté à la liste des personnes impliquées dans des « activités terroristes ».

Droits des personnes réfugiées ou migrantes

Les autorités bélarussiennes ont continué d’attirer des personnes réfugiées et migrantes sur leur territoire par la promesse trompeuse d’un passage facile dans l’UE. Elles les obligeaient ensuite violemment à passer la frontière avec la Pologne, la Lituanie ou la Lettonie, où elles étaient exposées à des renvois forcés illégaux (push-backs). À la frontière, les réfugié·e·s et les migrant·e·s étaient souvent torturés et maltraités par les autorités bélarussiennes.

Peine de mort

De nouvelles condamnations à mort ont été prononcées, mais aucune exécution n’a été signalée.
De nouvelles dispositions du Code pénal, adoptées en mai, ont étendu le champ d’application de la peine capitale aux « fonctionnaires exerçant un poste à responsabilité », aux membres de la fonction publique et aux militaires reconnus coupables de trahison.

Droit à un environnement sain

Selon l’OMS, la pollution aux particules fines dans le pays, principalement due aux émissions des véhicules, était trois fois supérieure au seuil de sécurité recommandé par l’organisation et était responsable de 18 % des décès dus à un accident vasculaire cérébral ou une maladie coronarienne. Les politiques climatiques du pays étaient incompatibles avec ses obligations au regard de l’Accord de Paris.

[1]« Bélarus. La condamnation de défenseurs des droits humains est un acte de “représailles flagrantes” contre leur travail », 3 mars

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