Les autorités ont poursuivi leur campagne acharnée visant à museler toutes les formes de critique publique et de dissidence pacifique, sur le territoire comme à l’international. Elles se sont rendues coupables de discrimination à l’encontre des femmes, des filles et des personnes LGBTI, dont elles restreignaient arbitrairement les libertés et les droits, notamment celui de disposer de leur corps, au nom de la « culture nationale ». L’accès à Internet était toujours étroitement contrôlé. Le Turkménistan n’a pas pris de mesures concrètes pour lutter contre le changement climatique. L’État a eu recours au travail forcé pour la production de coton.
Contexte
La Constitution a été modifiée en janvier afin d’abolir le système parlementaire bicaméral, conférant ainsi au Conseil du peuple le pouvoir de prendre en dernier ressort des décisions à propos des politiques nationales et étrangères. L’ancien chef de l’État Gourbangouly Berdymoukhamedov a été nommé président du Conseil du peuple, et a reçu le titre de « leader national du peuple turkmène ».
La collecte d’informations était non seulement fortement entravée par la censure appliquée dans le pays, mais aussi par le fait que celui-ci restait fermé aux ONG internationales de défense des droits humains et aux médias étrangers indépendants.
Liberté d’expression
L’État contrôlait la circulation des informations en limitant strictement l’accès à Internet et en censurant tous les reportages sur des sujets négatifs, comme les difficultés économiques, les pénuries de denrées alimentaires de base, les conséquences du changement climatique et le travail forcé. Une étude sur la censure en ligne, publiée en avril par deux universités des États-Unis, a montré que plus de 122 000 domaines étaient bloqués dans le pays, notamment tous les sites WordPress et de nombreux sites commerciaux, d’information et de réseaux sociaux. Le gouvernement a délibérément fait en sorte que le débit d’Internet soit l’un des plus lents et des plus chers au monde, et la pénétration demeurait très faible au regard des normes internationales, ce qui désavantageait les populations rurales.
Répression de la dissidence
Les autorités ont continué de tenter d’étouffer toutes les formes de dissidence pacifique et de critique publique, au sein du pays comme à l’étranger.
Le Comité des droits de l’homme [ONU] a fait part en mars de ses vives inquiétudes au sujet de l’emprisonnement de Nurgeldy Khalykov, journaliste indépendant, Murat Dushemov, blogueur et militant de la société civile, et Mansur Mingelov, militant pour les droits humains, et du traitement qui leur était réservé. Nurgeldy Khalykov et Murat Dushemov ont écrit en mai à l’ONU depuis le centre où ils étaient détenus, dans la région orientale de Lebap, pour décrire la torture et les autres mauvais traitements qu’ils avaient subis. Mansur Mingelov, qui souffrait d’une tuberculose osseuse à un stade avancé, se serait vu privé d’accès au traitement médical dont il avait besoin.
Les autorités ont cette année encore persécuté des militant·e·s et des personnes critiques à leur égard habitant à l’étranger, et harcelé les membres de leur famille qui se trouvaient sur le territoire. Dursoltan Taganova, militante et blogueuse habitant en Turquie, a décrit la façon dont des fonctionnaires du ministère de la Sécurité nationale avaient interrogé son fils de 12 ans au Turkménistan au sujet des activités de sa mère, et avaient tenté de le recruter comme informateur. D’autres de ses proches ont également été intimidés, pour la pousser à cesser de critiquer les autorités.
Discrimination
Femmes et filles
Les pouvoirs publics n’ont pas avancé vers l’adoption d’une loi globale érigeant en infractions toutes les formes de violences faites aux femmes et de violences fondées sur le genre.
Le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes [ONU] a exprimé en juin de vives inquiétudes au sujet de la persistance des attitudes patriarcales, associée à la violence fondée sur le genre. Il a révélé des informations alarmantes selon lesquelles les femmes et les filles étaient poussées à « se conformer aux stéréotypes de genre » et a déclaré que leurs « libertés fondamentales » étaient « restreintes afin de sauvegarder la culture et la nation, notamment par l’imposition de codes vestimentaires et d’autres pratiques discriminatoires ».
Personnes LGBTI
En avril, le Comité des droits de l’homme a constaté avec regret que les autorités n’avaient pas dépénalisé les relations consenties entre personnes de même sexe. Le Comité s’est aussi inquiété des informations persistantes « concernant des cas de brutalités policières motivées par l’orientation sexuelle et l’identité de genre des victimes », brutalités qui créaient un climat de peur empêchant les personnes LGBTI de porter plainte contre leurs agresseurs.
Droit à un environnement sain
Le Turkménistan était encore presque entièrement dépendant du gaz et du pétrole pour son énergie, et a continué à fortement subventionner les combustibles fossiles. Le pays faisait partie des plus grands émetteurs de méthane au niveau mondial, et une étude publiée en mai a montré qu’il était responsable de la plupart des événements « super-émetteurs » de 2022. Sous la pression internationale, le président a signé un plan de route pour la réduction des émissions de méthane en juin, ainsi que l’engagement mondial en faveur de la réduction des émissions de méthane lors de la COP28 en décembre. Les gouvernements des États-Unis et du Turkménistan avaient auparavant décidé de créer un groupe de travail sur l’atténuation des émissions de méthane, dans l’objectif de coopérer pour détecter les fuites et mettre en place des mesures correctives.
Liberté de réunion
Les autorités contrôlaient strictement le droit à la liberté de réunion pacifique et ont cherché à réprimer les manifestations spontanées de faible ampleur concernant des sujets sociaux et économiques, comme les pénuries d’aliments de base ou l’accès à la justice et aux soins de santé.
En mars, les forces de l’ordre ont placé en détention une trentaine de femmes qui s’étaient rassemblées devant le palais présidentiel à Achgabat, la capitale, pour évoquer directement avec le chef de l’État leurs préoccupations au sujet de la corruption de la police, car leurs plaintes adressées aux autorités locales et régionales n’avaient pas abouti. Ces femmes ont été emmenées à un poste de police, et n’ont pas été autorisées à boire ni manger pendant plus de six heures. Elles ont été obligées de signer des déclarations officielles au sujet de leur détention pour être libérées.
En avril, la police a placé 15 hommes en détention après des manifestations spontanées ayant rassemblé des centaines de personnes devant une usine de la ville de Mary pour protester contre la pénurie de pain. La police a eu recours à une force inutile et disproportionnée pour disperser des manifestant·e·s qui bloquaient la circulation sur un axe principal.
Travail forcé
Une étude menée par l’organisation Cotton Campaign, une coalition d’ONG internationales de défense des droits humains et des droits du travail, de syndicats indépendants et d’associations de production et de distribution, a conclu que des milliers de fonctionnaires étaient forcés de participer à la récolte du coton, ou de payer d’autres personnes pour les remplacer. La majeure partie des fonctionnaires étant des femmes, celles-ci étaient particulièrement touchées par cette obligation. Le gouvernement a continué de nier que le travail forcé était utilisé de façon systématique, mais, en septembre, il a autorisé des médecins et enseignant·e·s qualifiés de trois districts à arrêter de travailler dans les champs de coton sans avoir besoin de payer pour leur remplacement. Des observateurs et observatrices indépendants, des journalistes et des défenseur·e·s des droits humains ont continué de prendre de grands risques pour recueillir des informations sur les conditions de travail durant les récoltes.