Résumé régional Amériques - Rapport annuel 2024

Résumé régional Amériques

Les défenseur·e·s des droits humains dans les Amériques ont été pointés du doigt, harcelés et attaqués, faisant notamment l’objet de détentions arbitraires, de campagnes de diffamation, de disparitions forcées, de déplacements forcés, de surveillance illégale, d’homicides, de menaces, d’actes de torture et de procès inéquitables.

La presse a subi des attaques (y compris des homicides sur la personne de journalistes) et des actes de harcèlement, et des populations ont été surveillées illégalement, ce qui menaçait la liberté d’expression. Le droit de manifester a été entravé par des réglementations restrictives et par la répression exercée par les forces de l’ordre.

Des États n’ont pas enquêté sur des violations flagrantes des droits humains et des crimes de droit international (disparitions forcées, exécutions extrajudiciaires) et n’ont pas pris les mesures nécessaires pour y apporter réparation. De modestes progrès ont été accomplis en matière d’obligation de rendre des comptes pour la répression politique et les crimes commis dans le passé. Le système interaméricain des droits de la personne est resté un acteur essentiel des initiatives régionales en faveur de la vérité, de la justice et de réparations.

Utilisés à titre de répression ou dans le cadre de politiques de sécurité publique, les procès inéquitables et les arrestations arbitraires ou massives sont restés des pratiques quotidiennes. Dans certains pays, des procès inéquitables ont été tenus devant des tribunaux qui n’étaient pas indépendants.

Le racisme envers les personnes noires et la discrimination à l’égard des populations autochtones sont restés très répandus dans la région. Des discriminations envers les personnes LGBTI ont été recensées partout dans les Amériques. Les personnes transgenres étaient durement touchées par la violence.

Les États n’ont pas pris les mesures nécessaires pour réduire au minimum les répercussions de la crise climatique sur les droits humains. Dans plusieurs pays, les populations ont subi les conséquences de feux de forêt, d’inondations, de l’élévation du niveau des mers et de l’érosion côtière.

Les États n’ont pas satisfait à leurs obligations de garantir les droits économiques et sociaux des personnes, ce qui pénalisait particulièrement les groupes en butte à la discrimination. La pauvreté et les inégalités étaient omniprésentes dans la région. Les services de santé étaient inadaptés et sous-financés et des millions de personnes étaient en situation d’insécurité alimentaire.

Des violences fondées sur le genre, y compris des féminicides et des violences sexuelles, n’ont cessé d’être commises partout dans la région, en toute impunité. L’accès à l’avortement a été entravé, en droit et en pratique, et les personnes qui en pâtissaient le plus étaient celles en butte à de multiples formes de discrimination. Plusieurs pays ont mis en place, dans la loi ou dans la pratique, des politiques réduisant l’accès aux services de santé reproductive.

Les peuples autochtones ont continué d’être marginalisés et de subir des violences et des discriminations ; dans plusieurs pays, leur droit au consentement préalable, libre et éclairé a été bafoué par les autorités. Les atteintes aux droits humains commises par des acteurs étatiques ou non étatiques étaient souvent liées à des problèmes de propriété foncière ou de titres de propriété ainsi qu’aux activités des industries extractives.

Cette année encore, des milliers de personnes qui fuyaient les persécutions, les violations des droits humains, l’insécurité et les effets néfastes du changement climatique ont quitté leur pays et se sont déplacées dans la région pour trouver une protection internationale. Un grand nombre de personnes migrantes, réfugiées ou demandeuses d’asile ont dû faire face à la violence, à la xénophobie et au racisme, ainsi qu’à des obstacles juridiques et administratifs qui les empêchaient d’exercer leurs droits.

Défenseur·e·s des droits humains

Les Amériques restaient une région dangereuse pour les défenseur·e·s des droits humains, qui étaient en butte à des détentions arbitraires, des campagnes de diffamation, des disparitions forcées, des déplacements forcés, une surveillance illégale, des homicides, des menaces, des actes de torture et des procès inéquitables, entre autres violations des droits humains. Dans toute la région, certains groupes (notamment les femmes et les personnes d’origine africaine, autochtones ou LGBTI) étaient particulièrement menacés. Les femmes qui tentaient de retrouver la trace de personnes disparues s’exposaient à des risques élevés.

Au Canada, en Équateur, au Guatemala, au Honduras, au Mexique et au Salvador, notamment, les défenseur·e·s des droits liés à la terre, au territoire et à l’environnement risquaient tout particulièrement de subir des attaques ou des actes de harcèlement de la part des autorités gouvernementales ou d’acteurs non étatiques. En Bolivie, des gardes forestiers du parc national Madidi ont été la cible de menaces et d’attaques ; au Pérou, quatre défenseurs des droits liés à la terre, au territoire ou à l’environnement, dont trois dirigeants autochtones, ont été tués.

Les gouvernements ne disposaient pas tous de mécanisme de protection adéquat pour les défenseur·e·s des droits humains. Au Brésil, le Programme de protection des défenseur·e·s des droits humains ne fonctionnait que dans moins de la moitié des États. Au Honduras, des organisations locales ont déploré les défaillances et l’inefficacité du mécanisme national de protection. Au Pérou, le ministère de l’Intérieur ne s’était toujours pas doté d’un protocole permettant de coordonner la protection des défenseur·e·s des droits humains avec la police. De modestes progrès ont toutefois été enregistrés au Guatemala, où le gouvernement a réactivé l’organe chargé d’analyser les risques pesant sur les militant·e·s des droits humains.

Les États doivent faire en sorte que les défenseur·e·s des droits humains puissent mener leurs activités en toute sécurité et sans craindre de représailles. Les ONG et autres mouvements et associations de défense des droits humains doivent être respectés et autorisés à accomplir leur travail.

Liberté d’expression, d’association et de réunion

L’espace civique, concept regroupant les droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion, a été menacé par les gouvernements de la région de façon croissante et inquiétante.
En Argentine, au Brésil, en Colombie, à Cuba, au Guatemala, au Mexique, au Nicaragua, au Paraguay, au Salvador, en Uruguay et au Venezuela, la presse a subi des attaques et des actes de harcèlement qui mettaient en péril la liberté d’expression. Plusieurs de ces attaques ont fait des morts en Colombie et au Mexique. En Argentine et au Salvador, des journalistes femmes ont fait l’objet de violences en ligne, notamment de harcèlement sexuel.

Dans plusieurs pays des journalistes ont été montrés du doigt par les autorités, qui les font fait passer pour des criminels. À Cuba, en septembre et en octobre, 20 journalistes au moins ont été convoqués par les autorités à des fins d’interrogatoire, menacés de poursuites pénales et contraints d’enregistrer des vidéos dans lesquelles ils se mettaient en cause. Leurs téléphones et ordinateurs portables ont été confisqués. Au Nicaragua, les actifs de plusieurs médias ont été saisis. Au Venezuela, des stations de radio étaient toujours fermées et le gouvernement a entravé l’accès aux plateformes de réseaux sociaux. Au Mexique, quatre journalistes au moins ont été tués et les données personnelles que 324 autres avaient communiquées à la présidence à des fins d’accréditation ont été mises en ligne sur un site internet à la suite de fuites.

Certains États ont poursuivi la mise en place de mesures de contrôle, de restriction ou de fermeture visant des ONG. Le Paraguay et le Venezuela ont approuvé des textes de loi visant à renforcer le contrôle des organisations de la société civile et imposant des restrictions arbitraires, notamment l’arrêt des activités de certaines organisations et l’ouverture de procédures pénales contre leurs membres. Une proposition similaire a été déposée au parlement péruvien, mais n’avait pas encore été adoptée à la fin de l’année.

La surveillance illégale et d’autres violations du droit au respect de la vie privée ont continué d’être pratiquées. Des informations ont fait état d’une surveillance de masse au moyen de la reconnaissance faciale et d’autres technologies en Argentine et au Chili. Aux États-Unis, des préoccupations similaires ont été soulevées à propos d’une application ayant recours à la reconnaissance faciale et au suivi GPS, dont l’utilisation était obligatoire dans le cadre des procédures d’asile et d’immigration. En Colombie, l’acquisition présumée en 2021 de Pegasus, un logiciel espion extrêmement invasif qui permettait d’accéder sans aucune restriction aux appareils numériques, a suscité la controverse.

La répression des mouvements de protestation et les initiatives visant à empêcher les rassemblements publics restaient un problème dans la région. Des manifestations ont été réprimées par les forces de l’ordre, notamment en Argentine, à Cuba, aux États-Unis, au Mexique et au Venezuela. Au Canada et aux États-Unis, des agent·e·s des forces de l’ordre ont eu recours à la violence lors de leurs interventions contre des rassemblements pacifiques organisés dans des universités pour dénoncer le génocide perpétré par Israël à Gaza. Selon l’Observatoire vénézuélien des conflits sociaux, une ONG, il y aurait eu 915 manifestations au Venezuela les 29 et 30 juillet, dont 138 auraient été réprimées par les forces de sécurité et des groupes armés progouvernementaux. De nouvelles réglementations restrictives sur le droit de manifester ont été adoptées ou proposées en Argentine, au Nicaragua et au Pérou, ce qui était révélateur de la détérioration de l’espace civique.

Les États doivent protéger l’espace civique et abolir les lois et les pratiques qui font obstacle à l’exercice des droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique. Ils doivent en outre interdire toute surveillance illicite, que ce soit par des organes publics ou des acteurs privés.

Droit à la vérité, à la justice et à des réparations

Des États n’ont pas enquêté comme il se doit sur les disparitions forcées et n’ont pas offert réparation aux victimes. Le pouvoir exécutif argentin a ordonné la dissolution de l’Unité spéciale d’enquête chargée de retrouver les enfants enlevés et victimes de disparition forcée sous le régime militaire en place dans le pays entre 1976 et 1983. Au Pérou, une loi instituant un délai de prescription pour les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre commis avant 2002 est entrée en vigueur. De nouveaux cas de disparitions forcées ont été recensés en Colombie, à Cuba, en Équateur, au Mexique et au Venezuela.

Des homicides illégaux, dont certains pourraient être des exécutions extrajudiciaires, ont été commis en toute impunité. En Équateur, le bureau de la procureure générale a constaté une nette augmentation au premier semestre des signalements d’exécutions extrajudiciaires potentielles. Dans plusieurs États du Mexique, des militaires ont attaqué et tué des personnes, dont des migrant·e·s et des mineur·e·s. Au Venezuela, 24 personnes au moins sont mortes lors de la répression par le pouvoir en place des manifestations organisées à la suite des résultats contestés de l’élection présidentielle. En Équateur, au Nicaragua, au Salvador et au Venezuela, des personnes détenues ont été soumises à la torture et à d’autres mauvais traitements.

En Haïti, les bandes criminelles ont continué de se livrer sans relâche à des exactions. Ces gangs ont commis d’innombrables violences, notamment des homicides et des mutilations, des viols et d’autres formes de violence sexuelle, des attaques contre des écoles et des hôpitaux, ainsi que des enlèvements ; ils ont aussi empêché l’accès de nombreuses personnes à l’aide humanitaire.

Au Chili, en Colombie, en Équateur, au Guatemala, au Honduras, au Nicaragua, au Pérou et au Venezuela, tous les responsables des violations des droits humains commises ces dernières années dans le cadre de la répression de manifestations et d’autres types d’activités politiques n’ont pas été amenés à rendre compte de leurs actes. Certains éléments encourageants ont toutefois été recensés cette année, notamment l’ouverture de poursuites pénales dans des affaires récentes de répression au Chili et au Pérou. Au Brésil, cinq policiers militaires ont été inculpés d’enlèvement et de séquestration dans l’affaire Davi Fuzza, un adolescent victime en 2014 d’une disparition forcée. Deux hommes ont été condamnés en octobre pour l’assassinat, en 2018, de la conseillère municipale et défenseure des droits humains Marielle Franco et de son chauffeur Anderson Gomes. Au Paraguay, un ancien policier a été condamné à 30 ans d’emprisonnement pour des actes de torture commis en 1976, sous le régime militaire.

Les mécanismes visant à apporter vérité et réparation ont donné des résultats, mais restaient insuffisants. Au Brésil, la politique de vérité et de mémoire a été partiellement relancée, avec notamment le rétablissement de la Commission spéciale sur les décès et disparitions politiques. Au Mexique, le Mécanisme pour la vérité et la clarification historique a présenté deux rapports concernant les graves atteintes aux droits humains perpétrées entre 1965 et 1990. Au Pérou, le processus de réparation intégrale pour les personnes ayant subi une stérilisation forcée pendant les années 1990 a été engagé à la suite d’une décision de justice. La CPI a autorisé la reprise de l’enquête sur les allégations de crimes contre l’humanité commis au Venezuela.

Le système interaméricain des droits de la personne a continué de jouer un rôle essentiel dans les efforts régionaux de recherche de la vérité, de la justice et de réparations. Entre autres dossiers, il a fait part de ses préoccupations concernant l’empoisonnement au mercure de populations autochtones au Canada, défendu la restitution de terres à la communauté garifuna du Honduras et ordonné des mesures de protection en faveur de personnes détenues arbitrairement au Nicaragua. Il a aussi conclu à la responsabilité de la Colombie dans une campagne de persécution menée contre le Collectif d’avocats et avocates « José Alvear Restrepo », et à celle de l’Argentine dans l’affaire de l’attentat perpétré en 1994 contre le siège de l’Association mutuelle israélite argentine, pour n’avoir pas pris les mesures qui auraient pu empêcher cet acte.

Les États doivent garantir la vérité, la justice et des réparations pour les violations des droits humains et les crimes de droit international. Ils doivent déférer à la justice tous les responsables présumés de tels crimes, dans le cadre de procès équitables devant des juridictions civiles ordinaires.

Détentions arbitraires et procès inéquitables

Des procès inéquitables et des détentions arbitraires ont eu lieu chaque jour, à titre de répression ou dans le cadre de politiques de sécurité publique. À Cuba, 14 personnes ont été condamnées en avril pour avoir participé à des manifestations pacifiques en août 2022 dans la municipalité de Nuevitas. Au Guatemala, l’ancienne procureure Virgina Laparra a été déclarée coupable à l’issue d’une procédure pénale infondée peu de temps après avoir été remise en liberté dans le cadre d’une autre affaire reposant sur des poursuites arbitraires. Elle a été contrainte de s’exiler. Le Mécanisme de reconnaissance des prisonniers et prisonnières politiques au Nicaragua a réuni des informations sur les cas d’au moins 151 personnes détenues pour des motifs politiques en 2024. Aux États-Unis, le militant amérindien Leonard Peltier a continué de purger deux peines de réclusion à perpétuité en dépit de doutes sérieux concernant sa condamnation et la peine qui lui avait été infligée. Au Venezuela, des défenseur·e·s des droits humains et des journalistes ont cette année encore été visés par des poursuites pénales et placés arbitrairement en détention, et des personnes de tous horizons étaient menacées. Pas moins de 2 000 arrestations arbitraires ont été signalées après les élections, dont 200 concernaient des mineur·e·s.

Les arrestations massives et les placements en détention en dehors de toute procédure légale intervenant dans le cadre des politiques de sécurité restaient un problème. En Équateur, les forces de l’ordre ont procédé à des milliers d’arrestations potentiellement arbitraires, sans vraiment prendre la peine de se justifier, semble-t-il. Un rapport de la Commission interaméricaine des droits de l’homme a confirmé que l’état d’urgence en vigueur au Salvador avait donné lieu à des détentions arbitraires en masse. Le Groupe de travail sur la détention arbitraire [ONU] s’est inquiété de l’utilisation systématique de la détention arbitraire au Mexique, notamment de l’usage de l’arraigo (détention provisoire sans inculpation) et de la détention provisoire automatique. Le Congrès mexicain a néanmoins élargi la liste des infractions pour lesquelles le placement en détention provisoire s’appliquait automatiquement. Aux États-Unis, les autorités ont étendu le système de détention arbitraire des personnes migrantes, auquel elles recouraient déjà massivement.

Dans certains pays, comme le Venezuela, les arrestations arbitraires s’accompagnaient de disparitions forcées de courte durée et étaient fréquemment suivies de procès inéquitables organisés devant des juridictions qui n’étaient pas indépendantes. La rapporteuse spéciale des Nations unies sur l’indépendance des juges et des avocats a exprimé sa préoccupation quant au respect du droit à une justice indépendante et impartiale en Bolivie après le report de plus d’un an des élections judiciaires. Lors d’une visite au Guatemala en juillet, la Commission interaméricaine des droits de l’homme a souligné que la pratique des poursuites pénales injustifiées témoignait d’un manque d’indépendance de la justice dans le pays. Le Mexique a adopté une modification de sa Constitution prévoyant l’élection des juges à tous les niveaux, ce qui compromettait l’indépendance du pouvoir judiciaire.

Les autorités doivent prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre un terme aux détentions arbitraires et garantir le droit à un procès équitable.

Discrimination

Le racisme envers les personnes noires et la discrimination à l’égard des populations autochtones restaient très répandus dans la région. La Commission interaméricaine des droits de l’homme a reconnu en août que le racisme structurel et la discrimination raciale empêchaient les personnes d’origine africaine et des populations tribales d’exercer pleinement leurs droits. Elle a demandé aux États de mettre en œuvre une justice réparatrice complète.

Au Brésil, en Équateur et aux États-Unis, des opérations des forces de l’ordre ont eu des conséquences disproportionnées sur les personnes d’ascendance africaine, voire les ont prises spécifiquement pour cible. Au Canada, la Cour fédérale a examiné une demande d’autorisation d’action collective contre le gouvernement déposée par des membres et anciens membres de la fonction publique fédérale pour racisme envers les personnes noires dans le recrutement. En République dominicaine, la discrimination raciale demeurait structurelle et généralisée, et touchait particulièrement les personnes dominicaines d’origine haïtienne et les demandeurs et demandeuses d’asile haïtiens en quête de protection.

Au Brésil, 537 941 personnes appartenant à des communautés autochtones ont été en proie à l’insécurité alimentaire en 2024, selon le ministère des Peuples autochtones. Au Canada, la police a tué neuf personnes autochtones en l’espace d’un mois, dans des affaires distinctes. En Colombie, les populations autochtones ou d’ascendance africaine continuaient de subir de manière disproportionnée les conséquences des violations des droits humains et des atteintes au droit international humanitaire. Elles étaient plus touchées que d’autres catégories de la population par les déplacements forcés de grande ampleur.

Des discriminations contre des personnes LGBTI ont été recensées en Argentine, au Brésil, au Canada, en Colombie, à Cuba, aux États-Unis, au Guatemala, au Honduras, au Mexique, au Paraguay, au Pérou, à Porto Rico et au Venezuela. Les personnes transgenres étaient durement touchées par la violence. Au Brésil, le Grupo Gay da Bahia, une organisation de défense des droits humains, a fait paraître en 2024 un rapport indiquant que 257 personnes LGBTI étaient décédées de mort violente en 2023 et que les victimes étaient essentiellement de jeunes Noir·e·s transgenres. En Colombie, au moins 21 femmes transgenres ont été tuées, selon l’ONG Caraïbes affirmatives (Caribe Afirmativo). Au Mexique, la presse et des organisations de la société civile ont recensé pas moins de 59 féminicides commis sur la personne de femmes transgenres.

Les États doivent prendre les mesures nécessaires pour mettre un terme au racisme, à la discrimination et aux autres formes d’intolérance, et faire en sorte que les victimes bénéficient de réparations.

Droit à un environnement sain

Dans l’ensemble, les États n’ont pas pris les mesures nécessaires pour réduire au minimum les répercussions de la crise climatique sur les droits humains. La majorité des gouvernements n’ont pas tenu leurs engagements en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre et d’abandon progressif de l’utilisation des combustibles fossiles. Des pays comme le Brésil, l’Équateur et le Venezuela ont, au contraire, intensifié l’extraction de pétrole et le torchage de gaz. Le Canada et les États-Unis, deux pays à revenu élevé, n’ont pas cherché à réduire l’utilisation des combustibles fossiles dans la production d’énergie et sont restés d’importants émetteurs de gaz à effet de serre. Ils ont en outre bloqué, lors de la COP29, la conclusion d’un accord sur un nouvel objectif de financement suffisant pour lutter contre le changement climatique.

Les incendies survenus dans la région, en particulier dans le bassin de l’Amazone, ont causé des pertes massives d’écosystèmes fragiles et réduit la capacité des puits de carbone à atténuer le réchauffement de la planète. L’Argentine, la Bolivie, le Brésil, le Canada, la Colombie, l’Équateur, les États-Unis, le Paraguay et le Pérou ont été le théâtre de gigantesques feux de forêt. Les gouvernements n’ont pas pris de mesures suffisantes pour remédier aux effets des incendies sur les écosystèmes et les droits humains, notamment ceux des peuples autochtones et des populations rurales.

L’aggravation des effets du changement climatique, notamment l’élévation du niveau des mers, l’érosion côtière et les inondations, concernait des populations de toute la région. Pas moins de 2,3 millions de personnes ont été touchées par les inondations survenues dans l’État brésilien du Rio Grande do Sul, qui ont contraint 600 000 hommes, femmes et enfants à quitter leur foyer. Au Honduras, des populations du golfe de Fonseca ont fait état des conséquences négatives de la hausse du niveau des mers sur leurs moyens de subsistance. Après des actions en justice portées par plusieurs habitant·e·s, les familles de la communauté mexicaine d’El Bosque, qui avaient été évacuées en 2023 en raison de la montée du niveau de la mer (attribuée au changement climatique), ont été installées dans un nouveau site où elles ont reçu un logement.

Les États doivent agir de toute urgence à l’échelle locale, nationale et régionale afin de remédier aux effets de la crise climatique sur les droits humains. Ils doivent notamment chercher à éliminer progressivement les combustibles fossiles et peuvent solliciter auprès de la communauté internationale une aide et un financement dans ce domaine. Les pays à hauts revenus et à fortes émissions doivent financer suffisamment l’action pour le climat.

Droits économiques et sociaux

Les États n’ont pas satisfait à leur obligation de garantir les droits économiques et sociaux de leur population, ce qui pénalisait particulièrement les groupes en butte à la discrimination. La pauvreté et les inégalités restaient des problèmes majeurs dans la région. En Argentine, l’adoption de mesures d’austérité a eu des conséquences particulièrement graves pour les enfants et les personnes âgées.

Les services de santé étaient inadaptés et ne disposaient pas de financements suffisants. Au Brésil, à Cuba, au Guatemala, en Haïti, au Mexique, au Paraguay, au Pérou, à Porto Rico, en Uruguay et au Venezuela, l’accès aux services et aux traitements médicaux s’en trouvait affecté. Le nombre de cas de dengue a explosé au Brésil, où 6 041 morts ont été recensées, contre 1 179 en 2023. Le système de santé haïtien s’est heurté à des défis majeurs qui l’ont amené au bord de l’effondrement. À Porto Rico, des coupures de courant ont mis en danger la santé et la vie de personnes qui dépendaient d’équipements électriques. En Uruguay, l’accès aux services de santé mentale était insuffisant face à la demande croissante. Alors que l’Organisation panaméricaine de la santé recommandait aux pays de consacrer 6 % de leur PIB aux dépenses de santé, le Mexique n’y a affecté que 2,9 % de son PIB et le Paraguay 4 %, pour ne citer que deux exemples.

Des millions de personnes, dont des enfants, étaient en situation d’insécurité alimentaire dans la région (Argentine, Bolivie, Brésil, Cuba, Haïti et Venezuela). En Argentine, le minimum vieillesse ne suffisait pas à couvrir le coût de la vie. À Cuba, le gouvernement a considérablement réduit la distribution du « panier de base », composé de produits subventionnés, et les habitant·e·s devaient patienter dans de longues files d’attente pour se procurer des provisions. Près de la moitié de la population haïtienne avait besoin d’une assistance humanitaire, dans un contexte où les niveaux d’insécurité alimentaire et de malnutrition étaient extrêmement inquiétants. Le rapporteur spécial de l’ONU sur le droit à l’alimentation s’est rendu au Venezuela et a indiqué que près de 53 % des habitant·e·s étaient confrontés à l’extrême pauvreté, ne disposant même pas de quoi acheter un panier alimentaire de base.

Les États doivent prendre toutes les mesures nécessaires pour remédier à la pauvreté et aux inégalités et respecter leurs obligations en matière de droits humains concernant les droits économiques, sociaux et culturels.

Violences sexuelles ou fondées sur le genre

Des violences fondées sur le genre, y compris des féminicides, n’ont cessé d’être commises partout dans la région, en toute impunité. Différentes sources ont fait état d’un nombre alarmant de féminicides, notamment en Bolivie, au Brésil, en Colombie, à Cuba, au Mexique, au Paraguay, au Pérou, à Porto Rico, en Uruguay et au Venezuela. Ni Cuba ni la République dominicaine ne disposaient d’une législation faisant du féminicide une infraction pénale spécifique.

En Argentine, un féminicide était signalé toutes les 33 heures ; le gouvernement a malgré tout procédé à des coupes budgétaires dans les politiques de lutte contre la violence fondée sur le genre. Au chapitre restreint des points encourageants, le gouvernement du Guatemala a reconnu la responsabilité de l’État dans les féminicides de María Isabel Véliz Franco et Claudina Velásquez au début des années 2000, conformément aux décisions rendues respectivement en 2014 et 2015 par la Cour interaméricaine des droits de l’homme.

Les femmes et les filles de la région étaient aussi en butte à d’autres formes de violence. Au Brésil, les services du ministère public fédéral examinaient un certain nombre d’affaires de violences politiques fondées sur le genre perpétrées contre des femmes. Au Canada, des organisations ont appelé le gouvernement et les municipalités de l’Ontario à déclarer comme épidémie la violence entre partenaires intimes. En République dominicaine, les médias ont fait état de violences sexuelles et de violences fondées sur le genre commises lors d’opérations des services de l’immigration. En Haïti, les violences sexuelles et les violences fondées sur le genre, notamment les viols, ont augmenté au cours du premier semestre de l’année. Au Pérou, le gouvernement a recensé 12 924 cas de viol commis contre des femmes ou des filles. Aux États-Unis, des données officielles ont montré que les femmes amérindiennes et les femmes autochtones d’Alaska avaient 2,2 fois plus de risques de subir des violences sexuelles que les femmes non autochtones.
Les autorités doivent mettre fin à l’impunité pour les crimes violents commis contre des femmes et des filles et renforcer les initiatives visant à les prévenir.

Droits sexuels et reproductifs

L’accès à l’avortement continuait d’être entravé, en droit et en pratique, et les personnes qui en pâtissaient le plus étaient celles en butte à des formes de discrimination croisées. Haïti, le Honduras, le Nicaragua, la République dominicaine et le Salvador maintenaient une interdiction totale de l’avortement. La répression pénale de l’avortement dans certaines circonstances restait un problème. Au Brésil, le ministère de la Femme a signalé que l’interdiction de l’avortement touchait de manière disproportionnée les femmes vivant dans la pauvreté. Au Pérou, l’avortement n’était légal qu’à des fins thérapeutiques et restait insuffisamment accessible. Rien n’a été fait pour améliorer la situation en matière de droits sexuels et reproductifs au Venezuela, où l’avortement constituait toujours une infraction pénale.

Plusieurs États ont mis en place, dans la loi ou dans la pratique, des politiques qui réduisaient l’accès aux services de santé reproductive. En Argentine, la Direction nationale de la santé sexuelle et reproductive a fait part en septembre d’une pénurie des fournitures indispensables pour pratiquer les avortements. Au Chili, des établissements et professionnel·le·s de la santé ont refusé de pratiquer des avortements en raison de leurs opinions morales ou religieuses, au mépris du droit des personnes enceintes d’avoir accès à ce service. Le Sénat de Porto Rico a approuvé la proposition de loi 495 visant à restreindre l’accès à l’avortement pour les personnes mineures et exigeant l’autorisation du père, de la mère ou d’un tuteur ou une tutrice pour cette intervention. Aux États-Unis, les interdictions et les restrictions concernant l’avortement mettaient en péril les droits des personnes à la vie et à la santé et renforçaient les obstacles auxquels se heurtaient les personnes noires et autres personnes racisées, les populations autochtones, les migrant·e·s sans papiers, les personnes transgenres, les habitant·e·s de zones rurales et les personnes vivant dans la pauvreté. De plus en plus de professionnel·le·s de la santé ont quitté les États appliquant une interdiction stricte de l’avortement, ce qui a accru davantage encore les inégalités régionales dans l’accès aux soins de santé reproductive, au détriment des zones rurales et défavorisées.

Quelques avancées ont néanmoins été enregistrées, notamment en Colombie, où les autorités sanitaires ont publié une réglementation permettant aux personnes souhaitant bénéficier légalement d’un avortement de le faire jusqu’à la vingt-quatrième semaine de grossesse, conformément à un arrêt de 2022 de la Cour constitutionnelle. Sept États mexicains ont dépénalisé l’avortement. Un autre a cependant réduit de 12 à six semaines le délai dans lequel il était légalement possible.

Les autorités doivent garantir les droits sexuels et reproductifs, dont l’accès à l’avortement dans de bonnes conditions de sécurité.

Droits des peuples autochtones

La majorité des États ne respectaient pas les droits des personnes autochtones, qui étaient toujours en butte à la discrimination et à l’exclusion. Le droit au consentement préalable, libre et éclairé a été bafoué dans plusieurs pays. Le gouvernement bolivien n’a pas mis en place de véritable procédure visant à garantir que les populations concernées par des projets d’extraction touchant leur territoire se voient demander leur consentement. Le Canada a négocié un accord de libre-échange avec l’Équateur sans consulter les peuples autochtones du pays.

Les atteintes aux droits humains commises par des acteurs étatiques ou non étatiques étaient souvent liées à des problèmes de propriété foncière ou de titres de propriété. Les centaines de conflits touchant des peuples indigènes au Brésil étaient en grande partie dus à l’absence de délimitation entre les terres, dans un contexte où le processus de démarcation progressait lentement. Au Guatemala, des dizaines de communautés paysannes et indigènes risquaient d’être expulsées de force. Au Paraguay, la communauté tekoha sauce du peuple avá guarani paranaense attendait toujours la restitution de ses terres ancestrales qui avaient été saisies par l’entreprise Itaipú Binacional, chargée de l’exploitation d’un barrage hydroélectrique. La Commission interaméricaine des droits de l’homme s’est dite préoccupée par les répercussions des activités illégales d’extraction sur l’existence, la santé et la survie des Yanomamis au Venezuela.

Dans toute la région, les populations autochtones ont continué d’être victimes de harcèlement et de violences. Au Brésil, elles ont subi les conséquences de l’absence de protection de l’État contre la violence ; au Chili, elles ont été harcelées par les forces de l’ordre ; et au Mexique et au Nicaragua, elles ont fait l’objet de déplacements forcés. Le bureau de la défenseure des droits colombienne a indiqué que 50 % des mineur·e·s recrutés par des groupes armés étaient autochtones. Au Canada, l’Interlocutrice spéciale indépendante a reconnu que les pensionnats indiens étaient « des institutions coloniales de génocide ». Aux États-Unis, dans le cadre de l’Initiative fédérale sur les pensionnats autochtones, le ministère de l’Intérieur a rendu public son rapport final, qui identifiait au moins 74 lieux de sépulture (avec ou sans pierres tombales) sur le terrain de 65 écoles et confirmait 973 décès.

Les États doivent respecter et protéger les droits des peuples autochtones, notamment leur droit d’être propriétaire de leurs terres et de leurs ressources et de décider de leur utilisation. Ils doivent également prendre des mesures pour mettre un terme à la discrimination et aux violences dont ces peuples sont victimes.

Droits des personnes réfugiées ou migrantes

Cette année encore, des milliers de personnes qui fuyaient les persécutions, les violations des droits humains, l’insécurité et les effets néfastes du changement climatique ont quitté leur pays et se sont déplacées dans la région. Les personnes migrantes, réfugiées ou demandeuses d’asile faisaient face à la xénophobie et au racisme. À la fin de l’année, le nombre de Vénézuéliennes et Vénézuéliens ayant quitté leur pays depuis 2015 dépassait les 7,89 millions. La violence et les violations des droits humains ont aussi contraint des personnes à fuir Cuba, Haïti, le Honduras et le Salvador. La Commission interaméricaine des droits de l’homme a noté avec inquiétude en juin que la réponse de nombreux États aux mouvements migratoires comprenait des stratégies telles que l’externalisation et la militarisation des frontières, ainsi que des expulsions menées hors de toute procédure régulière.

Les réfugié·e·s et les migrant·e·s se heurtaient à des obstacles juridiques et administratifs qui les empêchaient d’exercer leurs droits. Au Canada, les travailleuses et travailleurs migrants entrés sur le territoire au titre du Programme des travailleurs étrangers temporaires étaient toujours liés à un employeur ou une employeuse unique qui contrôlait leur situation au regard de la législation relative à l’immigration et leurs conditions de travail et de vie, ce qui les exposait à un risque accru d’exploitation au travail. Les autorités de la République dominicaine n’informaient pas les nouveaux arrivants de la procédure à suivre pour déposer une demande d’asile et imposaient des conditions injustifiées à la délivrance de visas et de titres de séjour. Elles ont procédé à des expulsions collectives sommaires de Haïtien·ne·s et ont mis en œuvre des politiques d’immigration racistes. Au Mexique, l’Institut national des migrations tardait à délivrer des visas humanitaires aux demandeurs et demandeuses d’asile, les empêchant ainsi de bénéficier de leurs droits à la santé, à l’éducation et au travail. Les autorités péruviennes ont continué d’expulser des personnes migrantes ou réfugiées sans avoir l’assurance qu’un autre pays les accepterait sur son sol. En violation du droit des personnes de chercher la sécurité, les États-Unis ont suspendu l’entrée des demandeurs·euses d’asile à la frontière avec le Mexique, contraignant les intéressé·e·s à attendre dans ce pays, où ils étaient exposés au risque d’extorsion et d’enlèvement et subissaient des discriminations ainsi que des violences fondées sur le genre.

Les personnes réfugiées ou migrantes étaient toujours en butte à des violences, des actes de harcèlement et des menaces. En République dominicaine, les opérations d’expulsion étaient régulièrement menées dans un contexte de violence et d’usage excessif de la force, selon des ONG locales. Le Congrès chilien a continué à débattre de propositions de loi visant à criminaliser l’immigration.

Les autorités doivent mettre un terme aux expulsions illégales et respecter le principe de « non-refoulement ». Les États doivent lutter contre le racisme et la xénophobie et garantir aux personnes migrantes, réfugiées ou demandeuses d’asile tous les droits internationalement reconnus.

2025 - Amnesty International Belgique N° BCE 0418 308 144 - Crédits - Charte vie privée
Made by Spade + Nursit