24 ans après la répression de la place Tiananmen, justice n’a toujours pas été rendue et toute parole est bâillonnée

30 mai 2013


24 ans après la répression de la place Tiananmen, justice n’a toujours pas été rendue et toute parole est bâillonnée

Les images très claires des troupes de l’Armée populaire de libération écrasant des civils non armés les 3 et 4 juin 1989 sur la place Tiananmen et alentour continuent de hanter bien des esprits à travers le monde. Depuis 24 ans, les autorités chinoises rejettent les requêtes des militants qui demandent l’ouverture d’une enquête indépendante et transparente sur cette violente répression militaire.

Si les autorités chinoises ont fait la démonstration de leur remarquable capacité à s’adapter aux changements économiques, elles font preuve d’une résistance obstinée face à des réformes qui permettraient d’améliorer la situation des droits humains. Elles montrent une tolérance plus que limitée à l’égard du travail des défenseurs des droits humains et persécutent bien souvent les défenseurs et leurs familles. Depuis deux ans, elles ont assigné illégalement à domicile Liu Xia, épouse de Liu Xiaobo. Chen Kegui, neveu de Chen Guangcheng, a été jugé dans le cadre d’un procès inique après la fuite de son oncle, tandis que sa famille continue d’être la cible de menaces et d’actes de harcèlement. Le gouvernement persécute également de nombreuses personnes qui critiquent la répression militaire de 1989 ou rendent publiquement hommage aux victimes.

Amnesty International demande une nouvelle fois l’ouverture d’une enquête transparente et indépendante sur la répression menée par l’armée en 1989 et exhorte les autorités chinoises à garantir les droits de leurs citoyens à la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique, inscrits dans la Déclaration universelle des droits de l’homme et protégés par la Constitution chinoise et le nouveau Code de procédure pénale.

Selon l’article 35 de la Constitution chinoise, « les citoyens de la République populaire de Chine jouissent de la liberté d’expression, de la presse, de réunion, d’association, de procession et de manifestation ». L’article 2 du Code de procédure pénale dispose que le but du Code de procédure pénale de la République populaire de Chine est de veiller au respect et à la garantie des droits humains, et de garantir aux citoyens la protection des droits de la personne, du droit de propriété, des droits démocratiques et d’autres droits.

Les tentatives visant à commémorer, débattre et réclamer justice pour ce qui s’est passé il y a 24 ans sont jugulées par la force. Les événements de 1989 demeurent un tabou majeur pour les autorités chinoises. Il n’est pas permis d’en débattre publiquement.

Si les exilés ont émis des demandes répétées à ce sujet, la dynamique en faveur de la justice à l’intérieur de la Chine s’est heurtée à différentes difficultés. Un nombre croissant de membres des Mères de Tiananmen, association de défense composée principalement de 150 parents dont les enfants ont été tués lors de la répression militaire de 1989, a à maintes reprises exhorté les autorités chinoises à poursuivre et sanctionner les responsables ; cependant, plusieurs d’entre eux sont déjà décédés du fait de leur grand âge. Selon certaines informations, au moins quatre autres membres sont décédés en 2012, ce qui porte le total des décès à 32. En outre, nombreux sont ceux parmi les membres restants qui souffrent de problèmes de santé.

Dans le nouveau livre blanc sur les progrès réalisés par la Chine en matière de droits de l’homme en 2012, publié le 14 mai, le gouvernement chinois reconnaît l’importance d’Internet, devenu une plate-forme permettant « aux citoyens d’exercer leurs droits de savoir, de participer, d’être entendus et de superviser, ainsi qu’un moyen important pour le gouvernement de recueillir l’opinion de la population ». Cependant, pour ceux qui recherchent en ligne des informations sur le « 4 juin », ou veulent publier leurs opinions sur ce sujet sur des réseaux sociaux, leurs tentatives restent vaines. La « Grande muraille pare-feu de Chine », système officiel de surveillance et de censure d’Internet, empêche les citoyens chinois d’avoir accès aux informations non approuvées par le gouvernement. De nombreux sites de réseaux sociaux demeurent bloqués, dont Facebook, Twitter et YouTube. Les sites de réseaux sociaux de micro-blogage disponibles tels que Sina Weibo sont censurés. Des mots et des groupes de mots tels que « 4 juin », « Zhao Ziyang », « démocratie » et « droits de l’homme » seraient interdits. Tout commentaire contenant ces mots serait supprimé.

Les autorités chinoises imposent parfois de lourdes peines de prison aux écrivains, blogueurs, journalistes, universitaires, défenseurs et citoyens ordinaires qui exercent pacifiquement leur droit à la liberté d’expression, notamment en publiant des articles ou en postant des commentaires en ligne qui prônent une réforme démocratique et le respect des droits humains.

À l’approche de l’anniversaire de Tiananmen, les militants sont souvent victimes de harcèlement de la part des autorités, et sont notamment soumis à des détentions, des écoutes téléphoniques et des interdictions de voyager à l’intérieur de la Chine et à l’étranger. Yu Gang, militant installé à Shenzhen, n’a pas été autorisé à quitter son domicile le 27 mai et son téléphone comme sa connexion Internet ont été suspendus. Yedu, cybermilitant, a été placé en résidence surveillée à partir du 28 mai et s’est vu refuser tout accès à Internet. Li Hongwei, défenseure des droits humains originaire de la province du Shandong, ainsi qu’une dizaine de personnes rassemblées pour commémorer l’anniversaire du 4 juin, ont été interrogées par la police de l’État. Selon certaines informations, Li Hongwei a été la dernière à être libérée après avoir été retenue pendant environ sept heures. Zhang Xianling, membre des Mères de Tiananmen, a reçu une mise en garde de la police lui recommandant de ne pas se rendre à Hong Kong avec son époux, invité en tant que conseiller lors d’un événement musical, sous prétexte que « la ville traversait une période chaotique ». Le couple n’a pas tenu compte de cet avertissement et a poursuivi ses préparatifs de voyage ; mais l’organisateur de l’événement musical a ensuite annulé leur invitation, avançant que le 4 juin approchait et qu’il valait mieux pour eux éviter de se rendre à Hong Kong durant cette période sensible.

À l’approche du 24e anniversaire de la répression de Tiananmen, Amnesty International engage les autorités chinoises à prendre les mesures suivantes :
  ouvrir une enquête transparente et indépendante sur la répression menée par l’armée en 1989 et amener les responsables présumés d’atteintes aux droits humains à rendre des comptes pour leurs actes ;
  reconnaître publiquement les violations des droits humains commises ;
  cesser de harceler et de poursuivre en justice ceux qui exercent pacifiquement leurs droits à la liberté d’expression et de réunion, notamment ceux qui demandent une nouvelle analyse des manifestations de 1989 place Tiananmen et ceux qui souhaitent commémorer ces événements ;
  accorder des réparations aux victimes des manifestations pro-démocratiques de 1989 et à leurs familles.

Cas mis à jour :
Les personnes suivantes sont toujours incarcérées pour leurs communications en ligne non violentes relatives à la répression de 1989. Amnesty International les considère toutes comme des prisonniers d’opinion et demande leur libération immédiate et sans condition.

Chen Wei – Le 23 décembre 2011, Chen Wei a été inculpé d’« incitation à la subversion de l’État » et condamné à neuf ans de prison pour 11 articles qu’il avait rédigés en faveur de la démocratie et des réformes politiques. C’était l’un des leaders du mouvement étudiant pro-démocratie de 1989, raison pour laquelle il a été incarcéré jusqu’en janvier 1991. En mai 1992, les autorités l’ont de nouveau arrêté, cette fois pour avoir commémoré l’anniversaire du massacre de la place Tiananmen et mis sur pied un parti politique. Il a été condamné à une peine de cinq ans de prison pour « propagande et incitation contre-révolutionnaires ».

Chen Xi – Militant chevronné partisan de la démocratie, originaire de la province du Guizhou, Chen Xi a été condamné à une peine de 10 ans de prison en décembre 2011 pour « incitation à la subversion de l’État », à la suite de la publication sur des sites Internet étrangers de 36 articles prônant la réforme démocratique – articles qui ont été présentés à titre de preuves. Il avait déjà été condamné à trois ans de prison en raison de ses activités militantes au sein du mouvement pro-démocratique du 4 juin 1989, avant d’être libéré en juin 1992. En 1996, il a été condamné à 10 ans de prison en raison de ses activités en faveur de la démocratie. Il a été libéré en 2005 après avoir purgé l’intégralité de sa peine.

Zhu Yufu – Partisan de la démocratie originaire du Zhejiang, Zhu Yufu a été condamné à sept ans de prison en février 2012 pour « incitation à la subversion de l’État », parce qu’il avait écrit un poème. Il a apporté son soutien aux étudiants durant le mouvement pro-démocratique de 1989 et a été par la suite régulièrement convoqué par les autorités. Son épouse, Jiang Hangli, a demandé aux autorités de le libérer pour raisons médicales, en raison de ses problèmes durables de santé, mais ses requêtes ont été rejetées. En avril, elle a rendu visite à Zhu Yufu et a constaté que sa tête avait enflé. Elle a aussi signalé que les autorités carcérales avaient mis un terme à ses repas nutritifs et lui interdisaient de recevoir ou d’envoyer des lettres.

Toutes les infos
Toutes les actions
2024 - Amnesty International Belgique N° BCE 0418 308 144 - Crédits - Charte vie privée
Made by Spade + Nursit