Communiqué de presse

Algérie. Il faut libérer Malik Medjnoun, détenu illégalement depuis plus de 10 ans

Amnesty International dénonce le procès inique de Malik Medjnoun, condamné pour le meurtre du célèbre chanteur kabyle Lounès Matoub. Avant d’être enfin amené à comparaître devant un tribunal le 18 juillet, Malik Medjnoun a été incarcéré pendant près de 12 ans. Amnesty International appelle une nouvelle fois les autorités algériennes à le remettre en liberté.

Déclaré coupable d’« appartenance à un groupe terroriste » et de « complicité de meurtre », Malik Medjnoun a été condamné à 12 ans de prison. Il a été placé en détention sans jugement en septembre 1999, parce qu’il était soupçonné d’avoir participé à l’homicide de Lounès Matoub en juin 1998.

En 2010, Amnesty International a sollicité la libération de Malik Medjnoun, les autorités ayant ignoré pendant plus de 10 ans ses demandes répétées en faveur d’un procès équitable. Sa condamnation prononcée le 18 juillet, à l’issue d’un procès manifestement inique qui a duré une journée, vient confirmer les craintes de l’organisation : les autorités n’ont jamais eu l’intention d’accorder à Malik Medjnoun un procès digne de ce nom ni de rendre justice à la famille de Lounès Matoub.

Aussi l’organisation demande-t-elle une nouvelle fois qu’il soit maintenant libéré et que les autorités ouvrent une enquête approfondie, indépendante et impartiale sur les allégations selon lesquelles il a été torturé en détention.

Après son arrestation, Malik Medjnoun a été détenu sept mois au secret et aurait été torturé. Son avocat Ait Habib est convaincu que la condamnation de son client est motivée par des considérations politiques ; en effet, trois témoins entendus par le tribunal ont confirmé que Malik Medjnoun se trouvait en leur compagnie au moment du meurtre, et qu’ils ont été informés de cet événement alors qu’ils déjeunaient ensemble.

Selon son avocat, la décision du tribunal se fonde exclusivement sur les « aveux » de son coaccusé Abdelhakim Chenoui, qui lui auraient été extorqués sous la torture, et sur le casier judiciaire de Malik Medjnoun.

En outre, le tribunal n’a pas cité à comparaître trois témoins clés de la défense, qui se sont rendus aux autorités dans le cadre d’un plan d’amnistie gouvernementale pour les anciens membres de groupes armés. La défense estime que leurs témoignages, ainsi que le rapport d’expertise balistique sur l’arme du crime que le tribunal n’a pas non plus pris en compte, auraient démontré l’innocence de Malik Medjnoun.

Lorsqu’elle a témoigné, l’épouse de Lounès Matoub, ainsi que ses deux sœurs blessées lors du meurtre, ont demandé que le juge cite à comparaître plusieurs témoins dont les dépositions, estiment-elles, prouveraient l’innocence de Malik Medjnoun. Leur requête a été rejetée.

Les proches de la victime, ainsi que des membres de l’Association Lounès Matoub, étaient furieux à l’annonce du jugement. Ils ne croient pas à la culpabilité de Malik Medjnoun et d’Abdelhakim Chenoui, convaincus que les deux hommes sont des boucs émissaires utilisés pour couvrir l’incapacité des autorités à poursuivre les vrais coupables.

L’homicide de Lounès Matoub a déclenché des manifestations antigouvernementales en Kabylie, région d’Algérie, pendant lesquelles les manifestants scandaient « Pouvoir, assassin » et « Ramenez les vrais assassins ».

Plutôt que de condamner Malik Medjnoun au terme d’une procédure entachée d’irrégularités après l’avoir maintenu en détention pendant près de 12 ans, les autorités algériennes doivent le remettre en liberté sans délai et lui accorder des réparations pour cette souffrance.

Complément d’information

Abdelhakim Chenoui, son coaccusé, aurait « avoué » le meurtre de Lounès Matoub et aurait impliqué Malik Medjnoun, mais il se serait ensuite rétracté, affirmant avoir fait ces « aveux » sous la menace et la contrainte. À la connaissance d’Amnesty International, ces allégations de torture n’ont jamais fait l’objet d’investigations.

Lounès Matoub a été abattu dans une embuscade tendue par des hommes armés le 25 juin 1998. Malik Medjnoun a été arrêté plus d’un an après par des membres armés des forces de sécurité en civil, dans sa ville de résidence, Tizi Ouzou. Il a ensuite été détenu au secret par le Département du renseignement et de la sécurité (DRS), service de renseignement militaire, sans que sa détention ne soit officiellement reconnue.

Il affirme avoir été torturé sans interruption pendant deux jours par les militaires, qui l’ont frappé avec un manche de pioche, l’ont soumis à des décharges électriques et lui ont fait subir le supplice du « chiffon », qui consiste à forcer la victime à avaler de l’eau sale, des produits chimiques ou de l’urine en lui enfonçant un chiffon imbibé de ces substances dans la bouche.

Quelques jours après l’arrestation de Malik Medjnoun, Abdelhakim Chenoui a été interpellé après s’être rendu aux autorités dans le cadre d’un plan d’amnistie pour les anciens membres des groupes armés qui acceptaient de déposer les armes. Abdelhakim Chenoui a ensuite « disparu » pendant six mois, au cours desquels il a été détenu secrètement par le DRS et semble-t-il torturé.

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