Arrêter l’exécution imminente d’un homme

Mercredi 19 avril 2017, Amnesty International a exhorté les autorités singapouriennes à renoncer immédiatement à l’exécution de Mohd Jeefrey bin Jamil, prévue le vendredi 21 avril 2017. L’organisation appelle une nouvelle fois le gouvernement de Singapour à rétablir de toute urgence un moratoire sur l’application de la peine de mort, en vue de son abolition totale.

La famille de Mohd Jeefrey bin Jamil, ressortissant singapourien, a été informée le 17 avril que le président avait rejeté son recours en grâce et que son exécution était programmée pour le 21 avril. Aujourd’hui âgé de 52 ans, Mohd Jeefrey bin Jamil a été condamné le 28 novembre 2014 après avoir été trouvé en possession de 45,26 grammes de diamorphine en mars 2012 et automatiquement soupçonné de trafic de cette substance. Le ministère public a considéré qu’il n’était qu’une « mule » mais a refusé de lui délivrer un certificat de coopération avec la justice, en conséquence de quoi il a fait l’objet d’une condamnation obligatoire à la peine capitale. Son appel a été rejeté sans qu’aucune décision écrite ne soit rendue, et il a été débouté en décembre 2016 d’un autre recours qu’il avait déposé avec trois autres prisonniers à propos de la constitutionnalité de certaines dispositions introduites par des modifications législatives de 2012.

Depuis l’adoption des modifications de la Loi relative à l’usage illicite de stupéfiants en 2012 et du Code pénal en novembre 2012, les tribunaux de Singapour ont la possibilité de ne pas imposer la peine de mort dans certains cas. Dans les affaires de stupéfiants, les prévenus peuvent maintenant échapper à ce châtiment s’ils ne sont impliqués que dans le transport, l’expédition ou la livraison d’une substance illicite, ou s’ils ont simplement proposé leurs services (en tant que « mules ») pour de tels actes, à condition que le parquet puisse certifier de leur coopération avec l’Office central des stupéfiants dans ses opérations de lutte contre la drogue.

Aux termes du droit international relatif aux droits humains, le recours à la peine de mort doit être limité aux « crimes les plus graves ». À de nombreuses reprises, le Comité des droits de l’homme [ONU] a établi que les infractions à la législation sur les stupéfiants ne relevaient pas des « crimes les plus graves », un constat confirmé par le rapporteur spécial des Nations unies sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires et arbitraires et par le rapporteur spécial des Nations unies sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

L’application obligatoire de la peine de mort est contraire au droit international relatif aux droits humains.

Le Comité des droits de l’homme a indiqué que « la condamnation automatique et obligatoire à la peine de mort constitue une privation arbitraire de la vie, en violation du paragraphe 1 de l’article 6 du Pacte [international relatif aux droits civils et politiques], dans des circonstances où la peine capitale est prononcée sans qu’il soit possible de prendre en considération la situation personnelle de l’accusé ou les circonstances ayant entouré le crime en question ». En outre, la loi singapourienne prévoit que, en cas de présomption de possession et de trafic de stupéfiants, la charge de la preuve ne pèse pas sur le ministère public mais sur l’accusé, ce qui constitue une violation du droit à un procès équitable et de la présomption d’innocence.

En juillet 2012, les autorités de Singapour avaient instauré un moratoire sur les exécutions pour permettre au Parlement de réexaminer les lois imposant la peine capitale comme châtiment obligatoire. Depuis que les exécutions ont repris en 2014, au moins dix personnes ont été mises à mort dans le pays – sept pour trafic de stupéfiants et trois pour meurtre. Par ailleurs, au moins sept nouvelles condamnations à mort ont été prononcées de façon automatique pour trafic de stupéfiants en 2016, et au moins 38 personnes se trouvaient sous le coup d’une condamnation à la peine capitale à la fin de l’année.

Amnesty International s’oppose en toutes circonstances à la peine de mort, qui constitue le châtiment le plus cruel, inhumain et dégradant qui soit, et une violation du droit à la vie inscrit dans la Déclaration universelle des droits de l’homme. À ce jour, 141 pays ont aboli la peine capitale en droit ou dans la pratique. Dans la région Asie-Pacifique, 19 États ont aboli cette peine pour tous les crimes et huit autres sont abolitionnistes dans la pratique. Il n’existe aucun élément prouvant que la peine de mort ait un effet dissuasif particulier sur la criminalité. Amnesty International appelle les autorités singapouriennes à renoncer immédiatement à exécuter Mohd Jeefrey bin Jamil ainsi que tout autre prisonnier, et à prendre rapidement des mesures pour abolir la peine de mort une bonne fois pour toutes.

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