Communiqué de presse

Cambodge. Libérez des manifestantes et un moine bouddhiste emprisonnés à l’issue de procès sommaires

Dix défenseures du droit au logement, dont deux souffrent de graves problèmes de santé, et un moine bouddhiste, tous condamnés à une peine de prison au terme de procès sommaires, doivent être libérés immédiatement et sans condition, a déclaré Amnesty International avant l’ouverture de leur procès en appel qui doit se tenir jeudi 22 janvier.

Ces 11 personnes ont été appréhendées à la suite de deux manifestations connexes, à Phnom Penh, la capitale cambodgienne, en novembre 2014.

« Ces militants sont victimes de la répression incessante des autorités cambodgiennes contre les manifestations pacifiques. Ils n’auraient jamais dû être poursuivis en justice, et encore moins emprisonnés », a déclaré Janice Beanland, spécialiste du Cambodge à Amnesty International.

« L’utilisation cynique de diverses lois et des tribunaux dans le but d’intimider et de punir des personnes ayant exercé leur droit à la liberté de réunion pacifique doit cesser. Jeudi 22 janvier, la Cour d’appel doit saisir l’occasion qui lui est donnée d’abandonner les poursuites visant ces 11 militants, et ordonner leur libération sans délai ni condition. »

Sept de ces femmes, résidentes du quartier de Boeung Kak à Phnom Penh, ont été arrêtées le 10 novembre 2014 après avoir traîné un lit sur la chaussée près de la mairie, geste symbolique de protestation contre l’inaction manifeste des autorités face à des inondations dans leur quartier. Le lendemain, elles ont été inculpées d’« entrave à la circulation » au titre de la législation sur la circulation routière, et condamnées à un an de prison à l’issue d’un procès ayant duré moins de trois heures.

Des milliers de personnes ont été expulsées de force dans les environs du lac Boeung Kak depuis 2007, époque à laquelle le terrain a été donné à bail à une entreprise pour qu’elle s’y développe.

Les trois autres femmes - deux de Boeung Kak et une de Thmor Kol, un autre quartier dont les résidents risquent d’être victimes d’expulsions forcées - et le moine bouddhiste ont été arrêtés après avoir mené une action de protestation pacifique devant le tribunal municipal de Phnom Penh. Ils entendaient réclamer la libération des sept militantes durant le procès de celles-ci le 11 novembre. Ils ont été inculpés le lendemain, le 12 novembre, d’« entrave au travail d’un représentant de l’État » et également condamnés à un an de prison au terme d’un procès sommaire.

Les femmes ont entre 28 et 75 ans. Au moins deux d’entre elles ont de graves problèmes de santé - l’une continue à souffrir de saignements consécutifs à une fausse couche survenue peu avant son arrestation. Toutes ces femmes soutenaient leur famille financièrement ou s’occupaient d’enfants, et leur emprisonnement injuste a eu de graves répercussions sur leurs proches.

« D’ici à leur libération, celles qui souffrent de problèmes de santé doivent pouvoir recevoir des soins adéquats, prodigués par des médecins de leur choix », a déclaré Janice Beanland.

Il est établi depuis longtemps que le Cambodge se sert de son système de justice, qui est fortement politisé, pour s’en prendre à des militants et les emprisonner, notamment parce qu’ils ont participé à des manifestations pacifiques.

Le procès en appel s’ouvre tandis que se déroule la mission finale de Surya Subedi, le rapporteur spécial des Nations unies sur la situation des droits de l’homme au Cambodge, qui a fréquemment déploré le manque d’indépendance de la justice et préconisé une réforme en profondeur.

« Les autorités cambodgiennes ne peuvent pas s’attendre à ce que quiconque examine ces cas isolément - ils s’inscrivent dans un schéma familier dans lequel les autorités s’en prennent aux dissidents et portent atteinte aux droits à la liberté de réunion pacifique et d’expression, souvent de manière violente »
, a déclaré Janice Beanland.

« Les partenaires du Cambodge en matière de développement doivent exiger la libération de ces 11 militants et rappeler au gouvernement qu’il est tenu, en vertu du droit international, de respecter le droit à la liberté de réunion pacifique. »

Complément d’information

Sept femmes - Nget Khun, Tep Vanny, Song Srey Leap, Kong Chantha, Phan Chhunreth, Po Chorvy et Nong Sreng - ont été appréhendées le 10 novembre 2014. Trois autres femmes - Heng Pich, Im Srey Touch et Phuong Sopheap - et un moine bouddhiste - Soeung Hai - ont été arrêtés le 11 novembre. Ils sont tous détenus au centre correctionnel de Prey Sar aux abords de Phnom Penh.

Des milliers de personnes sont expulsées de force au bord et à proximité du lac Boeung Kak depuis 2007, époque à laquelle le terrain a été loué à une entreprise aux fins de réhabilitation. En 2011, le Premier ministre a alloué des terrains aux quelque 900 familles restantes pour qu’elles y construisent des logements. La plupart des familles ont désormais reçu des titres de propriété foncière mais le mouvement de protestation continue en faveur des dizaines de personnes qui ont été exclues. L’ancien lac a par ailleurs été rempli de sable, ce qui a donné lieu à de graves inondations dans le quartier lors de périodes de fortes pluies.

Les femmes de Boeung Kak ont été en première ligne de la campagne menée par la population locale afin d’obtenir des titres de propriété pour les résidents et d’attirer l’attention sur d’autres questions sociales. À l’instar de dirigeants de nombreuses autres communautés touchées par la crise foncière au Cambodge, des représentants de Boeung Kak ont été arrêtés et incarcérés à plusieurs reprises en raison de leur action militante pacifique.

Ces dernières poursuites en date rappellent la rapidité de procédures remontant à mai 2012, quand 13 défenseures du droit au logement, dont cinq de celles emprisonnées en novembre dernier - Nget Khun, Tep Vanny, Song Srey Leap, Kong Chantha, Phan Chhunreth – ont été arrêtées lors d’une autre manifestation pacifique. Elles avaient été condamnées à deux ans et demi de prison après un procès sommaire, puis remises en liberté le mois suivant, l’affaire ayant suscité un tollé national et international.

Le droit fondamental à la liberté de réunion pacifique est garanti par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, auquel le Cambodge est partie, et par la Constitution cambodgienne.

Les autorités cambodgiennes sont légalement tenues de respecter, protéger et faciliter l’exercice de ce droit. Le rapporteur spécial des Nations Unies sur le droit de réunion et d’association pacifiques a observé que « la fluidité de la circulation ne prend pas automatiquement le pas sur la liberté de réunion pacifique » et a déclaré que les « espaces voisins de certains bâtiments emblématiques [...] doivent également être considérés comme des espaces publics, et des réunions pacifiques doivent pouvoir se dérouler dans ces lieux. »

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