Des propositions de loi visant à rétablir le châtiment suprême

Les membres du Congrès des Philippines doivent s’opposer aux propositions de loi visant à réintroduire la peine de mort, a déclaré Amnesty International ce vendredi 25 novembre. Le rétablissement de la peine capitale serait non seulement un revers majeur pour la promotion et la protection des droits humains dans ce pays, mais aussi une violation des obligations qui incombent aux Philippines en vertu du droit international.

Une sous-commission de la Chambre des représentants examine actuellement sept propositions de loi qui, si elles étaient adoptées, rétabliraient la peine de mort pour un large éventail de crimes. Dans le cadre de ce qui semble être une procédure accélérée, ces propositions de loi pourraient être examinées par la Chambre des représentants et par le Sénat avant la fin de l’année 2016. Les Philippines, qui ont aboli complètement la peine de mort pour la deuxième fois en 2006, sont parties à un instrument international en vertu duquel les exécutions sont catégoriquement interdites et le pays est tenu d’abolir ce châtiment. Il est impossible de se soustraire à ces obligations.

Amnesty International est opposée à la peine de mort en toutes circonstances, car il s’agit d’une violation du droit à la vie, qui est consacré par la Déclaration universelle des droits de l’homme, et du châtiment le plus cruel, inhumain et dégradant qui soit. C’est une peine irréversible, prononcée et appliquée par des systèmes judiciaires qui ne sont pas à l’abri de la discrimination ni des erreurs.

À une époque où un nombre croissant de pays abolissent ce châtiment et où 141 pays au total sont maintenant abolitionnistes en droit ou en pratique, les Philippines, en rétablissant la peine de mort, s’inscriraient nettement contre la tendance mondiale vers son abolition. Elles remettraient également en cause les bons résultats qu’elles ont obtenus jusqu’ici lorsqu’elles sont intervenues pour obtenir la commutation de condamnations à mort prononcées contre des Philippins à l’étranger, des travailleurs expatriés, par exemple. L’assistance juridique apportée par les autorités philippines à leurs ressortissants confrontés à cette peine dans d’autres pays et les pressions politiques qu’elles ont exercées en leur faveur ont incontestablement contribué à protéger les droits de ces personnes, notamment le droit à un procès équitable.

Amnesty International est également préoccupée par le fait que les autorités philippines, pour justifier le rétablissement de la peine de mort, affirment qu’elle a un effet dissuasif sur la criminalité et permet de rendre justice aux victimes. Lorsque les États s’acquittent de l’obligation qui leur incombe de respecter et de protéger les droits fondamentaux des victimes de crimes violents et autres crimes graves, ils ont également pour devoir de veiller à ce que tous les droits humains soient protégés et respectés. Ils doivent notamment faire le nécessaire pour que les procédures judiciaires soient équitables, que les peines ne soient pas cruelles, inhumaines ou dégradantes ni assimilables à une forme de torture, et qu’elles aient pour but principal l’amendement des prisonniers et leur réinsertion sociale.

Les modifications législatives envisagées rendraient passibles de la peine de mort des infractions autres que les homicides intentionnels, notamment des infractions liées aux stupéfiants, ou l’enlèvement, le viol et le vol qualifié lorsqu’ils s’accompagnent de circonstances aggravantes. En vertu du droit international, les pays qui n’ont pas encore aboli la peine capitale doivent restreindre le champ d’application de ce châtiment aux homicides intentionnels. Les dispositions législatives proposées feraient également de la peine de mort une sanction obligatoire dans certaines circonstances, en violation d’une autre interdiction énoncée dans des instruments internationaux.

Aucun élément convaincant ne prouve que la peine de mort ait un effet dissuasif. Les statistiques provenant des pays qui ont aboli la peine capitale montrent que la disparition de ce châtiment n’a pas entraîné une augmentation des crimes précédemment passibles de la peine de mort, tandis qu’il est établi que les politiques punitives ont peu d’influence sur la consommation de stupéfiants.

Amnesty International demande instamment aux membres de la Sous-commission des réformes judiciaires de la Commission de la justice et, plus généralement, aux membres du Congrès, de rejeter les propositions de loi dans leur totalité.

Complément d’information

La Sous-commission des réformes judiciaires de la Commission de la justice de la Chambre des représentants examine actuellement les propositions de loi n° 1, 16, 513, 3237, 3239, 3240 et 3418 sur le rétablissement de la peine de mort. Les Philippines ont ratifié le 20 novembre 2007 le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine de mort.

À ce jour, 141 pays, soit plus des deux tiers des pays du monde, ont aboli la peine de mort en droit ou en pratique. Le nombre de pays où des exécutions ont lieu a également diminué, 11 pays seulement, selon les informations disponibles, ayant procédé à des exécutions chaque année ces cinq dernières années. Sur les 193 États membres des Nations unies, 169 (soit 88 %) n’ont procédé à aucune exécution en 2015.

Dans la région Asie-Pacifique, le nombre de pays ayant aboli la peine capitale pour tous les crimes s’élève à 19 depuis que les îles Fidji et Nauru ont aboli ce châtiment, respectivement en 2015 et 2016, et huit autres pays sont abolitionnistes en pratique. En 2015, la Mongolie a également adopté un nouveau Code pénal abolissant la peine de mort. Son entrée en vigueur est prévue pour 2017.

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