Communiqué de presse

Expulsion illégale vers le Kazakhstan : le gouvernement italien doit rendre des comptes

Le gouvernement italien doit conduire une enquête et rendre publics tous les éléments entourant l’expulsion illégale de l’épouse et de la fille de l’opposant politique kazakh Moukhtar Abliazov, a déclaré Amnesty International le 16 juillet. Le Parlement italien se penchera prochainement sur une enquête interne ouverte le 10 juillet par le ministre de l’Intérieur sur des allégations de collusion entre les deux pays et d’autres violations de la législation italienne.

« Les autorités italiennes doivent veiller à ce qu’une enquête exhaustive soit menée, et que toutes les violations des droits humains éventuellement commises contre la femme et la fillette donnent lieu à des poursuites pénales, a déclaré John Dalhuisen, directeur du programme Europe et Asie centrale d’Amnesty International. Alors seulement on pourra écarter les soupçons de collusion entre les autorités italiennes et kazakhes. »

Alma Chalabaïeva et sa fille âgée de six ans, Alua Abliazova, ont été appréhendées dans une maison de Rome le 29 mai 2013 lors d’une opération conduite par des policiers qui recherchaient, selon certaines informations, Moukhtar Abliazov. Cet homme fait l’objet d’un mandat d’arrêt délivré par les autorités britanniques pour des charges de détournement de fonds, et est sous le coup d’une demande d’extradition formulée par le Kazakhstan.

À l’issue d’une procédure d’expulsion conduite avec un empressement propre à éveiller des soupçons, Alma Chalabaïeva et sa fille ont été contraintes par la police italienne d’embarquer à bord d’un avion privé, le 31 mai. Le jet les a emmenées au Kazakhstan.

Le 12 juillet, le gouvernement italien a révoqué la mesure d’expulsion, reconnaissant ainsi que le renvoi forcé de la mère et sa fille vers Almaty avait été conduit en violation de la législation italienne.

« L’annulation de la mesure d’expulsion concernant Alma Chalabaïeva constitue un petit pas en avant dans un dossier qui requiert la transparence et la reddition de comptes à tous les niveaux, y compris les plus élevés, du gouvernement et des organes chargés de l’application des lois, a déclaré John Dalhuisen. Il est inacceptable qu’une femme et sa petite fille aient été chassées d’Italie à bord d’un avion privé en dehors de toute procédure légale, et conduites dans un pays où elles risquent d’être persécutées.  »

Selon la presse italienne, l’ancien Premier ministre italien Silvio Berlusconi a rencontré le président kazakh Noursoultan Nazarbaïev en Sardaigne le 6 juillet, ce qui témoigne des liens étroits entre le gouvernement kazakh et certains responsables italiens influents.

Une enquête interne de la police italienne est en cours sur cette affaire. Toutefois, elle est supervisée par le ministre de l’Intérieur, Angelino Alfano, qui est aussi le secrétaire politique de Peuple de la liberté, la formation de M. Berlusconi.

Au moment de l’expulsion, les autorités italiennes ont fait valoir que celle-ci était justifiée par des irrégularités dans les papiers d’Alma Chalabaïeva. Or les avocats de celle-ci ont depuis apporté la preuve que ces documents étaient bel et bien en règle.

« Il faut que cette enquête soit véritablement indépendante – et soit bien perçue comme telle, a poursuivi John Dalhuisen. Il est extrêmement préoccupant que le ministère de l’Intérieur conduise une enquête sur des faits qui, principalement, le concernent : il est en effet responsable de toutes les questions liées à l’immigration, y compris les expulsions et les autres mesures d’éloignement. L’enquête sur le renvoi forcé d’Alma Chalabaïeva ne peut pas être considérée comme une affaire interne à la police.  »

Le 7 juin 2013, Alma Chalabaïeva, qui se trouve actuellement avec sa fille à Almaty, a été inculpée de falsification d’un document d’identité kazakh, une infraction pénale passible de deux à quatre années d’emprisonnement aux termes de la législation kazakhe.

« Alma Chalabaïeva est désormais entre les mains des autorités kazakhes, qui, sait-on hélas, n’hésitent pas à monter contre les opposants politiques et leurs proches des dossiers reposant sur des charges fabriquées de toutes pièces. Le gouvernement se livre aussi depuis longtemps à la torture et aux mauvais traitements, et conduit des procès contraires aux normes d’équité les plus élémentaires. Tout responsable politique ou membre des pouvoirs publics italiens qui a pu jouer un rôle dans une opération plaçant Alma Chalabaïeva et sa fille sous la menace de telles violations doit être amené à répondre de ses actes », a conclu John Dalhuisen.

Complément d’information

Moukhtar Abliazov a obtenu l’asile au Royaume-Uni en 2011 après qu’il eut été établi qu’il risquerait d’être persécuté en cas de renvoi dans son pays. Cet homme a occupé plusieurs postes importants au sein du gouvernement du Kazakhstan. En 2001 il a fondé avec plusieurs autres responsables politiques et hommes d’affaires de premier plan le mouvement politique Choix démocratique du Kazakhstan. En 2002 il a été déclaré coupable de forfaiture et de détournement de fonds publics – des charges motivées par des considérations politiques, estime Amnesty International – et condamné à six années d’emprisonnement au Kazakhstan. Selon ses déclarations, il a été frappé durant sa détention et a subi d’autres mauvais traitements, qui lui ont été infligés pour le contraindre à abandonner ses activités politiques d’opposition. Il a été remis en liberté en 2003, à la condition de renoncer à la politique. Il a quitté le Kazakhstan en 2009, et s’est installé par la suite au Royaume-Uni. On ignore où il se trouve actuellement.

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