Guinée équatoriale. Condamnation injuste pour un défenseur des droits humains

Amnesty International est profondément troublée par la condamnation injuste de Wenceslao Mansogo Alo, médecin, pour négligence professionnelle. L’organisation estime qu’il s’agit un prisonnier d’opinion, dont l’arrestation arbitraire et la condamnation injuste ont été motivées par des considérations politiques, et ont pour but de le réduire au silence et de le sanctionner pour ses inlassables critiques vis-à-vis de la politique gouvernementale.

Amnesty International demande une nouvelle fois la libération immédiate et sans condition de Wenceslao Mansogo Alo.

Lundi 7 mai 2012, le tribunal de la province du Littoral, dans la ville de Bata, a déclaré Wenceslao Mansogo Alo, spécialisé en gynécologie, coupable de négligence professionnelle et l’a condamné à trois ans d’emprisonnement. Amnesty International pense que sa condamnation est motivée par des considérations politiques en raison de propos critiques qu’il a tenus à l’égard du gouvernement et de certaines activités politiques, ainsi que de son travail inlassable de défenseur des droits humains.

Wenceslao Mansogo Alo, qui est par ailleurs l’un des membres dirigeants du parti d’opposition Convergence pour la démocratie sociale (CPDS), le responsable de la cellule droits humains de ce parti, ainsi qu’un ardent défenseur des droits fondamentaux et conseiller municipal, est incarcéré depuis son arrestation sans mandat le 9 février 2012. Cette arrestation a fait suite au décès d’une patiente qu’il avait opérée à sa clinique privée le 1er février. La famille de la défunte avait alors accusé Wenceslao Mansogo Alo de l’avoir mutilée, allégations infondées.

CPDS est le seul parti d’opposition indépendant du pays. Il effectue par ailleurs un suivi en matière de droits humains et dénonce régulièrement des violations des droits fondamentaux. Ses membres sont régulièrement visés par des manœuvres de harcèlement et des arrestations.

À la suite de son arrestation en février, Amnesty International et Human Rights Watch ont diffusé une déclaration conjointe demandant la libération immédiate et sans condition de Wenceslao Mansogo Alo, car les deux organisations estimaient que son arrestation était motivée par des considérations politiques et que rien ne semblait justifier son placement en détention.

Un mois plus tard, Wenceslao Mansgo Alo a été officiellement accusé de négligence professionnelle et de profanation de corps. Cette dernière accusation a cependant été abandonnée par la suite et il a été poursuivi pour négligence professionnelle. Les charges retenues contre Wenceslao Mansogo Alo s’appuyaient sur des accusations infondées et sur un rapport diffusé à la suite de l’examen du corps de la défunte par le ministère de la Santé, le 10 février. Aucune autre enquête ne semble avoir été menée afin de confirmer les allégations formulées par l’accusation.

Le rapport a conclu que le corps n’avait pas été mutilé mais que la patiente avait succombé à un arrêt cardiaque causé par un problème lors de l’administration des anesthésiques. Wenceslao Mansogo Alo n’en était pas responsable.

Lors du procès, qui s’est tenu les 4 et 5 avril, le parquet n’a produit aucun élément confirmant les accusations de négligence professionnelle portées contre Wenceslao Mansogo Alo.

Les autorités semblent avoir tiré parti d’un événement malheureux afin de sanctionner Wenceslao Mansogo pour son travail de défenseur des droits humains et de militant politique, ce qui ne s’appuyait sur aucun fait.

Deux médecins censés témoigner à charge ont indiqué devant le tribunal qu’en tant que chirurgien, Wenceslao Mansogo Alo n’était pas responsable de l’administration des anesthésiques. Ils ont en outre précisé que la méthode et le dosage observés dans le cadre de celle-ci étaient conformes aux pratiques médicales en vigueur pour ce type d’intervention et les caractéristiques propres à la patiente. Le tribunal l’a tout de même déclaré coupable.

Outre sa peine d’emprisonnement, Wencesalo Mansogo Alo doit verser une indemnisation d’environ 7 700 euros à la famille de la défunte et payer 2 300 euros à l’État. Il se voit par ailleurs interdire de pratiquer pendant la durée de son emprisonnement. Le tribunal a aussi ordonné la fermeture de sa clinique tant qu’il se trouve en prison. Ses avocats prévoient de faire appel de sa déclaration de culpabilité et de sa condamnation.

L’anesthésiste qui travaillait avec Wenceslao Mansogo Alo a également été reconnue coupable de négligence professionnelle et condamnée à six mois d’emprisonnement. Il lui a aussi été ordonné de verser une indemnisation d’environ 1 100 euros à la famille.

Des irrégularités de procédure relevées lors de la période de détention provisoire de Wenceslao Mansogo Alo semblent elles aussi trahir une motivation politique. On peut par exemple citer les retards inexpliqués du juge d’instruction et de la cour d’appel lorsqu’il s’est agi de traiter des demandes et recours déposés par les avocats de la défense contre la détention injuste de cet homme. Aux termes du droit équato-guinéen, les tribunaux doivent répondre dans les trois jours. Ce délai n’a pas été respecté.

En outre, malgré l’absence d’inculpation officielle à l’époque, le juge d’instruction avait justifié sa détention en invoquant une infraction présumée, s’appuyant uniquement sur l’accusation infondée de la famille de la défunte et sur le rapport relatif à l’examen du corps de celle-ci. Le juge lui a ensuite refusé la libération sous caution, ce qui est contraire au droit équato-guinéen. Le juge d’instruction n’a pas répondu dans le délai de trois jours imparti par la loi à une requête déposée le 14 février par l’avocat de la défense afin qu’il revoie sa décision, compte tenu de l’absence d’infraction. Par la suite, la cour d’appel n’a pas non plus réagi dans les meilleurs délais à un recours déposé contre le maintien en détention de Wenceslao Mansogo Alo.

Le tribunal doit normalement rendre sa décision et prononcer une condamnation dans les trois jours suivant la fin du procès. Or il ne l’a pas fait avant lundi 7 mai, soit plus d’un mois après la fin du procès, dépassant de loin les délais prévus.

Au fil des années, Amnesty International a recueilli des informations sur des procès motivés par des considérations politiques et craint que la justice équato-guinéenne ne soit ni indépendante ni impartiale. En vertu de la Constitution, le « premier magistrat de la nation » est le président de la république. Les juges ne connaissent pas la sécurité de l’emploi, et sont nommés ou démis de leurs fonctions par le président selon son bon vouloir. Par le passé, le président a limogé des juges pour en nommer d’autres dans le cadre de procès politiques spécifiques. Certains ont indiqué en privé avoir dû se référer à la « plus haute autorité » pour recevoir des instructions concernant certaines affaires. L’organisation a par ailleurs constaté que certains jugements et décisions rendus par des magistrats étaient ignorés par les autorités politiques.

Amnesty International demande une nouvelle fois aux autorités équato-guinéennes de remettre Wenceslao Mansogo Alo en liberté immédiatement et sans condition, et de l’indemniser pour son maintien illégal en détention.

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