JAMAÏQUE : L’impunité régnant depuis cinq ans soit cesser

Index AI : AMR 38/016/2004

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

Alors que le mois d’octobre touche à sa fin, Amnesty International s’inquiète du fait que plus de cinq années se sont écoulées depuis la condamnation d’un policier pour homicide illégal commis en service, un laps de temps honteux pour le bilan du pays en matière de droits humains.

« Au moins 650 personnes ont été tuées par des policiers en Jamaïque depuis 1999. Beaucoup de ces morts étaient de toute évidence des homicides illégaux, pourtant aucun policier n’a été condamné depuis cette date », a déclaré ce mardi 3 novembre Piers Bannister, chercheur auprès d’Amnesty International pour la Jamaïque.

Le gouvernement jamaïcain a assuré à Amnesty International à de nombreuses reprises que tous les homicides commis par des membres des forces de sécurité faisaient l’objet d’enquêtes approfondies et que les policiers ne bénéficiaient d’aucune impunité. Pourtant des preuves suggèrent le contraire.

« Si les policiers ne bénéficient d’aucune impunité, les Jamaïcains devraient être témoins d’une succession ininterrompue de procès de policiers accusés d’homicides illégaux se traduisant par des condamnations ou des acquittements. Au lieu de cela, on ne voit pratiquement pas de procès et aucune condamnation n’a été prononcée, a déclaré Piers Bannister.

« Combien de temps les autorités de Jamaïque permettront-elles que ce scandale en matière de droits humains perdure ? Le fait que pas un seul policier n’ait été condamné pour homicide illégal en cinq ans est profondément choquant. Le gouvernement ne peut continuer à affirmer que l’impunité n’existe pas en l’absence de procès et de condamnations », a conclu Piers Bannister.

Amnesty International reconnaît que récemment les autorités ont semblé plus disposées à engager des poursuites pénales contre des policiers ; l’organisation salue ce progrès. Toutefois, ce n’est là qu’un petit pas sur la voie de la protection des droits humains.

« Nous saluons le fait que des policiers aient été inculpés récemment, dans l’affaire des homicides de Braeton et de Crawle. Mais comme l’illustre l’affaire Janice Allen, l’inculpation d’un policier n’est en aucun cas la garantie de poursuites rigoureuses dans le cadre d’un procès équitable. »

L’organisation est aussi consciente que les affaires citées précédemment avaient retenu l’attention des médias et suscité un vaste mouvement d’opinion. Amnesty International ne sera satisfaite que lorsque tous les cas d’homicides perpétrés par des policiers feront l’objet d’enquêtes indépendantes et approfondies respectant les normes internationales, indépendamment de l’intérêt manifesté par les médias.

Amnesty International reste sérieusement préoccupée par le temps pris par les autorités pour traduire en justice des policiers accusés d’homicide, ce qui constitue un déni de justice pour toutes les parties. Dans l’affaire du meurtre de Paul Hamilton en 1984, le policier accusé n’a pas encore été présenté à un jury. Dans certains cas, cela prend des années avant que le tribunal du coroner (officier de justice chargé de faire une enquête en cas de mort violente, subite ou suspecte) ne se prononce, un premier pas relatif dans le processus de responsabilisation.

Au cours de ce long processus d’enquête, las souvenirs des témoins s’estompent, certains de ces témoins meurent, d’autres déménagent, etc. Le système semble être conçu pour favoriser les délais, il est voué à l’échec. Aucune des parties ne bénéficient d’un procès équitable.

Au cours de ces dernières années, Amnesty International a répertorié les failles du système d’enquête appliqué aux homicides commis par des policiers. L’organisation a constaté entre autres le manque d’enquêteurs, l’incapacité des autorités à préserver les scènes de crime, les autopsies mal pratiquées et l’absence d’enregistrement des déclarations des policiers concernés dans un délai raisonnable. Rien n’a été envisagé pour y remédier et le système continue de fonctionner de manière inadaptée.

« Les années passent et l’une après l’autre, les affaires échappent à la justice . Ce terrible état de fait risque de diminuer la confiance publique dans le système judiciaire. Un parent proche d’une personne tuée par la police confiait récemment à Amnesty International : « Le gouvernement n’a rien fait pour que justice soit rendue à ma famille. »

Complément d’information

La Jamaïque continue d’avoir l’un des taux par habitant les plus élevés au monde d’homicides perpétrés par des forces de police. La dernière condamnation de policier dont Amnesty International a eu connaissance remonte à octobre 1999, quand trois policiers ont été reconnus coupables du meurtre de David Black, battu à mort dans les locaux du commissariat de police de Trelawny, en septembre 1995. L’organisation a, à de nombreuses reprises, demandé aux autorités que lui soient communiquées les informations concernant d’autres procès et condamnations de policiers, mais aucune réponse ne lui est parvenue à ce jour.

L’organisation suit attentivement la situation dans le pays à travers les médias et par l’intermédiaire d’avocats et de groupes jamaïcains de défense des droits humains ; elle n’a répertorié aucune autre condamnation et n’a enregistré que deux procès. En août 2002, une femme policier a été acquittée du meurtre d’Otis Brown, décédé en 2000, et en mars 2004, les poursuites ouvertes contre un policier pour le meurtre en 2000 d’une jeune fille de treize ans, Janice Allen, ont été abandonnées, l’accusation n’ayant pu fournir trois éléments de preuve essentiels.

Pour plus d’informations, veuillez vous reporter au document suivant : L’affaire Janice Allen démontre un manque de volonté politique de mettre un terme aux homicides commis par la police http://web.amnesty.org/library/index/FRAAMR380052004

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