Communiqué de presse

Kosovo. Amnesty International condamne les menaces adressées à une défenseure des droits humains

Amnesty International est gravement préoccupée et choquée par les menaces adressées à Nazlie Bala, défenseure des droits humains au Kosovo. Nazlie Bala est une militante respectée des droits humains qui a contribué de manière importante au recueil d’informations sur les violations perpétrées avant et après la guerre de 1998-1999. Elle a également joué un rôle capital dans la mise en place d’un soutien institutionnel aux personnes souffrant de violence domestique.

Le 20 mars, Nazlie Bala, rentrant chez elle après sa journée de travail, a trouvé une lettre anonyme glissée sous sa porte. Cette lettre menaçait : « Ne protège pas la honte. Ou nous te tuerons. »

Nazlie Bala fait campagne en faveur d’un projet de modification de loi, présenté en première lecture le 14 mars devant l’Assemblée du Kosovo, qui vise à garantir les droits des femmes ayant subi des crimes de guerre de nature sexuelle durant le conflit armé. Elle avait publiquement soutenu le projet lors d’un débat télévisé sur RTK le 18 mars.

Ce projet de modification de la loi sur le statut et les droits des martyrs, des invalides, des vétérans, des membres de l’Armée de libération du Kosovo, des victimes civiles de la guerre et de leur famille, met en avant la reconnaissance légale, le respect et la reconnaissance publique des victimes de violences sexuelles. Il vise à leur accorder des réparations, notamment sous forme de soutien financier et de réadaptation.

« Plus de 10 ans après la fin de la guerre, des centaines de femmes continuent de vivre avec les conséquences du viol et d’autres formes de torture, sans avoir réellement accès à l’aide médicale, psychologique et financière dont elles ont besoin pour reconstruire leurs vies brisées. Pendant ce temps, la plupart des auteurs présumés d’infractions pénales ne font pas l’objet d’enquêtes », a indiqué John Dalhuisen, directeur du programme Europe et Asie centrale d’Amnesty International.

En 2011, Amnesty International a déclaré que la loi, dans sa version actuelle, établit une discrimination catastrophique envers les femmes et les jeunes filles qui ont été violées ou ont subi d’autres formes de violence sexuelle dans le contexte du conflit armé. Aucune disposition ne prévoit de leur accorder le statut de victime civile de la guerre, ni d’octroyer des allocations à celles qui souffrent de blessures physiques ou mentales dues à un viol ou à d’autres formes de violence sexuelle.

Le projet de loi, en réaffirmant la dignité des victimes de viol et le respect public qui leur est dû, remet en cause la notion de honte (à laquelle il est fait référence dans la lettre de menaces), qui empêche depuis si longtemps les femmes d’avouer publiquement les violations subies et de venir témoigner en vue d’engager des poursuites en justice, de peur que la honte ne s’abatte sur leur famille ou leur communauté.

À ce jour, très peu d’enquêtes ont été ouvertes sur les allégations de crimes de guerre de nature sexuelle au Kosovo et une seule action en justice pour viol, en tant que crime de guerre, est actuellement menée par la Mission de l’Union européenne au Kosovo, responsable des enquêtes et des poursuites pour tous les crimes relevant du droit international.

Amnesty International rappelle que le viol et les autres crimes de violence sexuelle commis dans le cadre du conflit armé au Kosovo constituent des crimes de guerre. Ce qui signifie que tous les États – et pas seulement le Kosovo – sont habilités à enquêter sur les personnes dont la responsabilité pénale serait engagée et, s’il existe suffisamment d’éléments à charge recevables, à les juger dans le cadre de procès équitables.

Amnesty International demande à la présidente Atifete Jahjaga de soutenir publiquement les droits des femmes victimes de crimes de guerre de nature sexuelle. Elle invite le Premier ministre et les membres du gouvernement du Kosovo à condamner publiquement les menaces visant Nazlie Bala. Elle exhorte le Service de police du Kosovo et le bureau du procureur à ouvrir immédiatement une enquête indépendante, impartiale et approfondie sur les menaces qu’a reçues Nazlie Bala, tout comme d’autres défenseures des droits humains. Elle demande aux autorités de protéger dûment ces femmes.

Amnesty International invite le gouvernement du Kosovo à mettre en œuvre en droit et dans la pratique les principes de la Déclaration de l’ONU sur les défenseurs des droits de l’homme, qui fournit un cadre pour la protection des défenseurs des droits humains. Elle demande aussi aux ambassades des États membres de l’Union européenne (UE) d’apporter protection et soutien aux défenseurs des droits humains au Kosovo.

Les personnes occupant des postes de pouvoir au Kosovo ne doivent pas invoquer des coutumes, traditions ou autres croyances, pour échapper à leurs obligations d’octroyer des réparations pour les crimes de violence sexuelle infligés aux femmes, et doivent déclarer publiquement à chaque occasion leur volonté de prévenir, d’enquêter, de poursuivre, et de sanctionner toutes les formes de violence à l’égard des femmes.

Complément d’information

On ignore le nombre exact de femmes et de jeunes filles ayant subi des viols et d’autres formes de violence sexuelle durant la guerre du Kosovo. Selon certaines estimations, elles se comptent par milliers, tandis que des centaines de récits crédibles de viol et d’autres crimes de violence sexuelle ont été recueillis par des ONG locales et internationales. Dans la vaste majorité des cas signalés, les femmes kosovares (Albanaises du Kosovo) ont été violées ou agressées sexuellement par les forces paramilitaires, militaires ou de police serbes. Amnesty International a aussi eu connaissance de viols et d’autres actes de violence sexuelle qui auraient été perpétrés par des membres de l’Ushtria Çlirimtare e Kosovës (UÇK, Armée de libération du Kosovo) contre des femmes serbes et roms (Tsiganes).

Les crimes de guerre de nature sexuelle ont eu des conséquences sur la santé physique et reproductive des femmes, et de graves répercussions sur leur santé mentale, nombre d’entre elles souffrant de syndrome de stress post-traumatique. Tandis que certaines ont bénéficié de soutien et d’assistance de la part d’ONG de défense des droits des femmes, aucune n’a encore reçu de réparations.

Le droit à réparation est précisé dans les Principes fondamentaux et directives concernant le droit à un recours et à réparation des victimes de violations flagrantes du droit international des droits de l’homme et de violations graves du droit international humanitaire, adoptés par l’Assemblée générale des Nations unies en 2005. Ces réparations englobent notamment un accès égal et efficace à la justice, et des réparations adéquates, efficaces et rapides pour les dommages subis, notamment des mesures de restitution, d’indemnisation, de réadaptation et de réhabilitation, ainsi que des garanties de non-répétition.

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