Pas de visa pour les défenseurs égyptiens des droits humains

L’interdiction de voyager prononcée contre Gamal Eid le 4 février 2016 représente le dernier épisode en date d’une longue série de restrictions arbitraires sur les déplacements imposées à des militants et défenseurs des droits humains de premier plan. Amnesty International, le Réseau euro-méditerranéen des droits humains, Front Line Defenders, Human Rights Watch, l’IFEX, l’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits humains (programme conjoint de la FIDH et de l’OMCT), People In Need et Solidar condamnent cette répression manifeste exercée par les autorités égyptiennes contre la société civile indépendante.

Le 4 février 2016, Gamal Eid, avocat réputé spécialiste des droits humains, également fondateur et directeur du Réseau arabe d’information sur les droits humains, a été informé par des agents de la sécurité égyptiens à l’aéroport international du Caire, où il s’était rendu afin de prendre un vol pour Athènes pour des motifs professionnels, qu’il faisait l’objet d’une interdiction de voyager. On ne lui a donné aucune explication sur les raisons de cette interdiction, et il n’avait reçu aucune notification préalable ni convocation pour enquête.

Nos organisations tiennent à insister sur le fait qu’il ne s’agit pas d’un cas isolé en Égypte. L’interdiction de voyager a été utilisée à maintes reprises par les autorités égyptiennes à des fins d’intimidation et pour réduire au silence les militants et défenseurs des droits humains qui s’expriment de façon indépendante, ainsi que des avocats et des journalistes, et cette pratique devient malheureusement habituelle dans le pays. De plus, de telles mesures sont utilisées sans motifs juridiques sérieux et elles sont souvent infondées et arbitraires.

La liste des militants et défenseurs des droits humains égyptiens soumis à une interdiction de voyager à l’étranger ne cesse de s’allonger.

Selon des informations reçues par Front Line Defenders, le 14 janvier 2016, le militant et poète Omar Hazek a été bloqué à l’aéroport par la sécurité égyptienne ; il n’a pas pu prendre l’avion qui devait l’emmener à Amsterdam, où il devait recevoir un prix pour la liberté d’expression décerné par PEN International. En outre, les autorités lui auraient confisqué son passeport et son téléphone portable, l’auraient interrogé sur ses activités en Égypte et ses relations avec des organisations internationales, et lui auraient dit que l’interdiction de voyager émise contre lui était basée sur « des raisons de sécurité ».

Par ailleurs, Mohamed Lotfy, fondateur et directeur de la Commission égyptienne pour les droits et les libertés, est de fait soumis à une interdiction de voyager pour « des raisons de sécurité » depuis le 2 juin 2015, date à laquelle les forces de sécurité l’ont empêché de prendre l’avion pour aller en Allemagne où il devait mener des activités de plaidoyer pour les droits humains et s’exprimer devant le Parlement allemand au sujet de la situation des droits humains en Égypte.

Le 13 janvier 2015, la militante politique Esraa Abdel Fattah, qui travaille pour l’Académie égyptienne pour la démocratie, a été confrontée à la même situation : il lui a été interdit de se rendre en Allemagne. Hossameldin Ali, Ahmed Ghonim et Bassim Samir, de l’Académie égyptienne pour la démocratie, ont au fil des ans également été soumis à une interdiction de voyager, selon des informations reçues par Front Line Defenders. De nombreux militants et défenseurs des droits humains, au nombre desquels figurent certains de ceux soumis à une interdiction de voyager, continuent de faire l’objet d’une enquête pénale ouverte en 2011 qui porte sur des fonds qu’ils auraient illégalement reçus de l’étranger. Des enquêteurs se sont rendus dans les bureaux d’organisations de défense des droits humains et ont demandé des documents d’immatriculation, et des juges ont continué de convoquer le personnel pour le questionner.

Nos organisations condamnent fermement le recours de plus en plus courant à l’interdiction de voyager contre les militants et défenseurs des droits humains en Égypte, car il vise manifestement à entraver leurs activités légitimes et pacifiques de défense des droits humains et de la démocratie.

En conséquence, nos organisations exhortent les autorités égyptiennes à lever immédiatement et sans condition les interdictions de voyager imposées dans le pays à des militants et défenseurs des droits humains uniquement en raison de leurs activités pacifiques, et à mettre fin à toutes les formes de harcèlement, y compris sur le plan judiciaire, infligées à des militants des droits humains et de la démocratie dans le pays. Aux termes du droit international relatif aux droits humains, une interdiction de quitter le territoire ne peut être imposée que pour des motifs légitimes et non arbitraires. Une telle interdiction doit être proportionnée (c’est-à-dire temporaire) et toute personne qui en fait l’objet doit être immédiatement informée de cette interdiction, de ses motifs et de sa durée, et doit être en mesure de la contester dans le cadre d’une procédure équitable.

Enfin, nos organisations appellent instamment la communauté internationale à prendre clairement position contre cette répression croissante exercée par les autorités égyptiennes contre les voix de la société civile. Nous exhortons en particulier les autorités de l’Union européenne (UE) à :

 exprimer leurs préoccupations au sujet de l’utilisation croissante de ce moyen de réduire au silence les militants et défenseurs des droits humains lors de toutes les rencontres de haut niveau avec leurs homologues égyptiens, conformément aux Orientations de l’UE concernant les défenseurs des droits de l’homme ;

 exprimer leur soutien aux défenseurs des droits humains en les invitant à des conférences, des forums et des auditions, et à veiller à avoir régulièrement des échanges avec eux au sujet de la situation des droits humains dans le pays par l’intermédiaire des délégations et des ambassades de l’UE.

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