La Loi sur le Conseil national de sécurité risque de renforcer le climat d’impunité

Le gouvernement malaisien doit abroger, réexaminer et réviser en profondeur la Loi de 2016 sur le Conseil national de sécurité lors de la prochaine réunion du Parlement. Cette loi accorde au Conseil national de sécurité des pouvoirs extraordinaires, non contrôlés et potentiellement excessifs. Elle contient également des dispositions qui ne respectent ni le droit international relatif aux droits humains et les normes en la matière, ni la Constitution fédérale.

La Loi sur le Conseil national de sécurité, qui entre en vigueur le 1er août, accorde des pouvoirs étendus à l’exécutif lui permettant notamment d’autoriser des arrestations sans mandat, des perquisitions et des saisies de biens, ainsi que d’imposer des couvre-feux. Amnesty International s’oppose fermement aux dispositions de cette loi autorisant des mesures qui porteraient atteinte aux droits humains et entretiendraient la culture de l’impunité au sein de la police et d’autres forces de sécurité en Malaisie.

L’article 18 de la loi accorde au Premier ministre de vastes pouvoirs lui permettant de désigner n’importe quelle zone du territoire malaisien comme « zone de sécurité », privant ainsi le roi de ce pouvoir et supprimant les garanties constitutionnelles contre l’abus de pouvoir par l’exécutif. On craint par ailleurs qu’en raison de la tendance actuelle des autorités malaisiennes à faire l’amalgame entre la dissidence pacifique et les « menaces pour la sécurité nationale », cette loi ne soit utilisée pour porter atteinte aux droits humains.

Amnesty International est préoccupée par certains articles de cette loi qui renforceraient le climat d’impunité et de complicité entre différentes instances gouvernementales en ce qui concerne les violations des droits humains. Les articles 25 et 26 à 29 accordent de vastes pouvoirs discrétionnaires permettant de procéder à des arrestations sans mandat et de saisir des biens. L’article 34 autorise, quant à lui, le recours à la force, y compris à une force meurtrière, sans que les garanties prévues par les Principes de base sur le recours à la force et l’utilisation des armes à feu par les responsables de l’application des lois (ONU) ne soient en place. Les forces de sécurité doivent, dans la mesure du possible, avoir recours à des moyens non violents avant de faire usage de la force et user de cette force « avec modération » et veiller à « ne causer que le minimum de dommages et d’atteintes à l’intégrité physique ».

Compte tenu du bilan de la Malaisie en matière de morts en garde à vue et de violences policières, pour lesquelles les responsables ne sont souvent pas amenés à rendre des comptes, il est particulièrement inquiétant qu’aux termes de l’article 35 de la loi sur le Conseil national de sécurité, les magistrats et les coroners (officiers de justice chargés de faire une enquête en cas de mort violente, subite ou suspecte) ne soient plus tenus de mener d’enquête sur les causes de la mort (inquest) pour les personnes tuées « dans le cadre d’opérations menées dans les zones de sécurité par les forces de sécurité afin de veiller au respect de la loi ». La procédure d’inquest a été renforcée par la création, en avril 2014, du Tribunal du Coroner. En vertu du droit international et des normes internationales, notamment les Principes des Nations unies relatifs à la prévention efficace des exécutions extrajudiciaires, arbitraires et sommaires et aux moyens d’enquêter efficacement sur ces exécutions, les autorités malaisiennes doivent ouvrir des enquêtes efficaces sur les homicides commis par les forces de sécurité lorsqu’elles soupçonnent ces homicides d’être illégaux, prendre des mesures à l’encontre des responsables présumés et fournir des recours efficaces aux victimes, ce qui inclut des réparations.

La Loi sur le Conseil national de sécurité s’ajoute de manière inquiétante à une longue liste de lois relatives à la sécurité (adoptées pour remplacer la tristement célèbre Loi relative à la sécurité intérieure de 1960), telles que la Loi sur les atteintes à la sécurité (Mesures spéciales) et la Loi sur la prévention du terrorisme de 2015. Amnesty International a exprimé de vives inquiétudes quant aux dispositions de ces lois qui ne tiennent pas compte des droits fondamentaux à un procès équitable et à la liberté de mouvement, d’expression et de réunion pacifique en Malaisie, droits qui doivent pourtant être respectés et protégés en vertu non seulement du droit international relatif aux droits humains mais également de la Constitution du pays.

Complément d’information

En 2011, le gouvernement a aboli une loi répressive datant de 1960, la Loi relative à la sécurité intérieure, et a promis de la remplacer par des lois permettant de « trouver un équilibre entre la sécurité nationale et les libertés individuelles ». La Loi relative à la sécurité intérieure avait déjà été utilisée comme outil de répression contre l’opposition politique pacifique. Les personnes arrêtées au titre de cette loi pouvaient être détenues sans procès à des fins d’enquête pendant une durée pouvant aller jusqu’à 60 jours. Au bout de ces 60 jours, le ministre de l’Intérieur pouvait ordonner leur maintien en détention pour une période pouvant aller jusqu’à deux ans, renouvelable indéfiniment. Pendant des années, Amnesty International a dénoncé des cas de torture et d’autres mauvais traitements subis par des personnes détenues au titre de cette loi.

La Loi sur le Conseil national de sécurité a été adoptée par les deux chambres du Parlement en décembre 2015. La chambre basse a adopté la loi à l’issue d’un débat qui a duré moins d’une journée, tandis que la chambre haute l’a adoptée après un vote à voix ouverte sans avoir fait aucune modification. La loi a ensuite été promulguée sans avoir reçu la sanction royale, en vertu de l’article 66 de la Constitution qui dispose qu’une loi peut entrer en vigueur dès lors que le projet de loi est adopté par les deux chambres du Parlement, et ce même si le roi n’a pas donné la sanction royale. La Conférence des Dirigeants avait demandé plus de temps pour peaufiner la loi, mais cette demande n’avait pas été prise en considération et la loi a été adoptée sans avoir été modifiée.

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