Le défenseur des droits Ahmed Mansoor doit être libéré

Les autorités des Émirats arabes unis (EAU) doivent libérer immédiatement Ahmed Mansoor, défenseur des droits humains récompensé pour son action, qui est inculpé d’infractions violant son droit à la liberté d’expression, a déclaré le 20 avril, un mois après son arrestation, une coalition de 18 organisations de défense des droits humains.

Ahmed Mansoor, qui a reçu en 2015 le prestigieux prix Martin Ennals pour les défenseurs des droits de l’homme, est détenu depuis le 20 mars 2017 pour des infractions relatives à ses propos et qui concernent notamment l’utilisation de réseaux sociaux pour « publier de fausses informations portant atteinte à l’unité nationale ». Le 28 mars, un groupe d’experts des droits humains des Nations unies a appelé le gouvernement des EAU à le remettre immédiatement en liberté, considérant son arrestation comme « une attaque visant directement le travail légitime des défenseurs des droits humains aux EAU ».

« Ahmed Mansoor est un défenseur des droits et des libertés irréprochable, et chaque jour qu’il passe en détention entache le bilan des EAU en matière de droits humains », a déclaré Joe Stork, directeur adjoint pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord chez Human Rights Watch.

Des sources bien informées ont indiqué à des organisations de défense des droits qu’Ahmed Mansoor a été arrêté par une dizaine d’agents des services de sécurité à son domicile, dans l’Émirat d’Ajman, le 20 mars, avant l’aube. Ils ont mené une fouille minutieuse et saisi tous les téléphones et ordinateurs portables de la famille, y compris ceux qui appartenaient aux jeunes enfants. Sa famille n’a su où il se trouvait que lorsque les autorités ont publié une déclaration officielle le 29 mars indiquant qu’il était détenu à la prison centrale d’Abou Dabi.

Les signataires disposent d’informations indiquant que la famille d’Ahmed Mansoor n’a été autorisée à lui rendre qu’une brève visite surveillée deux semaines après son arrestation, le 3 avril ; les autorités l’avaient alors transféré de son lieu de détention, qui pourrait être le centre de détention jouxtant la prison d’Al Wathba, dans un bureau du parquet à Abou Dabi. Des sources bien informées ont indiqué à des organisations de défense des droits qu’Ahmed Mansoor est détenu à l’isolement et qu’il n’a pas parlé à un avocat.

L’agence de presse officielle des EAU, WAM, a fait savoir le 20 mars qu’Ahmed Mansoor avait été arrêté sur ordre du parquet pour des faits de cyberdélinquance, et placé en détention dans l’attente d’un complément d’enquête. Elle a précisé qu’il est accusé d’avoir utilisé des réseaux sociaux pour : « publier de fausses informations et des rumeurs » ; « promouvoir [un] programme sectaire et motivé par la haine » et « publier des informations fausses et trompeuses portant atteinte à l’unité nationale et à l’harmonie sociale, et ternissant l’image du pays. » Cette déclaration qualifiait les faits lui étant reprochés de « faits de cyberdélinquance », ce qui semble indiquer que les charges retenues contre lui sont basées sur de soi-disant violations de la loi de 2012 relative à la cyberdélinquance, que les autorités ont utilisée pour emprisonner de nombreux militants et qui prévoit de longues peines d’emprisonnement et de lourdes sanctions financières.

Lors des semaines ayant précédé son arrestation, Ahmed Mansoor a appelé à la libération d’Osama al Najjar, qui est toujours incarcéré alors qu’il a purgé la peine de trois ans d’emprisonnement prononcée contre lui pour des accusations liées à ses activités pacifiques sur Twitter. Ahmed Mansoor a également critiqué les poursuites engagées contre Nasser bin Ghaith, universitaire et économiste de premier plan, qui a été condamné à 10 ans d’emprisonnement le 29 mars pour des accusations liées à ses propos, notamment au fait qu’il avait critiqué pacifiquement les autorités des EAU et les autorités égyptiennes.

Ahmed Mansoor a aussi utilisé son compte Twitter pour attirer l’attention sur les violations des droits humains commises dans la région, notamment en Égypte, et sur celles perpétrées par la coalition menée par l’Arabie saoudite au Yémen.

Il a en outre signé une lettre, écrite conjointement avec d’autres militants de la région, appelant les dirigeants participant au sommet arabe organisé en Jordanie fin mars à libérer les prisonniers politiques dans leur pays.

« Ahmed Mansoor a œuvré sans relâche, payant personnellement pour cela le prix fort, pour défendre les droits humains aux EAU et au Moyen-Orient. Il doit être libéré immédiatement, et les autorités doivent cesser, une fois pour toutes, de le harceler », a déclaré Lynn Maalouf, directrice adjointe pour la recherche au bureau régional d’Amnesty International à Beyrouth.

Les rapporteurs spéciaux des Nations unies sur la situation des défenseurs des droits de l’homme, sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’expression et d’opinion, et sur le droit de réunion pacifique et d’association, ainsi que le Groupe de travail sur la détention arbitraire et le Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires, ont indiqué dans leur déclaration du 28 mars que le « travail remarquable [d’Ahmed Mansoor] en matière de promotion des droits de l’homme et de progrès de la démocratie, tout comme sa collaboration transparente avec les mécanismes des Nations unies, sont particulièrement appréciés non seulement pour les EAU mais pour l’ensemble de la région ».

Les experts des Nations unies ont dit craindre « que son arrestation et sa détention au secret ne constituent une mesure de représailles pour son engagement avec les mécanismes des droits de l’homme des Nations Unies, pour les opinions qu’il a exprimées sur les réseaux sociaux, notamment Twitter, et parce qu’il est un membre actif d’organisations telles que le Gulf Centre for Human Rights et un partisan engagé de plusieurs autres, notamment Human Rights Watch. »

« L’arrestation et la détention d’Ahmed Mansoor sont extrêmement inquiétantes, car elles représentent une grave attaque contre les défenseurs des droits humains aux EAU, et signalent une répression sans merci dans le pays », a déclaré Khalid Ibrahim, directeur du Gulf Centre for Human Rights (GCHR). Ahmed Mansoor est membre du comité consultatif du GCHR.

Le 29 mars, les autorités des EAU ont répondu directement à la déclaration des experts des Nations unies, contestant les allégations selon lesquelles la détention d’Ahmed Mansoor était arbitraire, et affirmant qu’Ahmed Mansoor « est libre de prendre un avocat, et [que] sa famille a totalement accès au lieu de détention, et est autorisée à lui rendre visite ». En 2015, la rapporteuse spéciale des Nations unies sur l’indépendance des juges et des avocats, qui s’était rendue aux EAU en 2014, s’est dite préoccupée par le fait que les avocats qui prennent en charge des affaires liées à la sécurité de l’État « sont harcelés, menacés et subissent des pressions », et que « l’impunité de telles atteintes à l’indépendance de la profession a un effet dissuasif sur les avocats », en conséquence de quoi il est difficile pour les défendeurs d’engager l’avocat de leur choix.

Les autorités des EAU harcèlent et persécutent Ahmed Mansoor depuis plus de six ans. En novembre 2011, la Cour suprême fédérale d’Abou Dabi a condamné Ahmed Mansoor à trois ans d’emprisonnement pour avoir insulté les hauts dirigeants du pays lors d’un procès entaché par de graves irrégularités et vices de procédure. Le chef de l’État des EAU, Sheikh Khalifa bin Zayed Al Nahyan, a gracié Ahmed Mansoor le 28 novembre 2011, mais les autorités ne lui ont jamais rendu son passeport, le soumettant ainsi de facto à une interdiction de voyager. Il a également fait l’objet d’agressions physiques, de menaces de mort, d’une surveillance exercée par le gouvernement, et de cyberattaques sophistiquées.

Les personnes aux EAU qui parlent des atteintes aux droits humains risquent fortement d’être soumises à une détention arbitraire, emprisonnées et torturées, et beaucoup purgent de longues peines d’emprisonnement ou se sont senties obligées de quitter le pays. À la connaissance des signataires de cette déclaration conjointe, Ahmed Mansoor était le dernier défenseur des droits humains aux EAU qui avait pu critiquer publiquement les autorités.

Les autorités doivent libérer immédiatement Ahmed Mansoor, car les charges retenues contre lui concernent son travail de défense des droits humains et ses critiques à l’égard des autorités, ont déclaré les signataires. Elles doivent lui permettre d’avoir accès immédiatement et régulièrement à sa famille et à un avocat de son choix, et cesser de harceler les défenseurs des droits humains et ceux qui critiquent les autorités.

Signataires :

ARTICLE 19
Amnesty International
Réseau arabe d’information sur les droits humains
CIVICUS
FIDH, dans le cadre de l’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’homme
Front Line Defenders
Gulf Centre for Human Rights
Human Rights First
Human Rights Watch
Index on Censorship
Commission internationale de juristes
Service international pour les droits de l’homme
Fondation Martin Ennals
PEN International
Reporters sans frontières (RSF)
Scholars at Risk
Vigilance for Democracy and the Civic State, Tunisie
Organisation Mondiale Contre la Torture (OMCT), dans le cadre de l’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’homme

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