Le Hamas doit annuler des exécutions devant avoir lieu dans la bande de Gaza

Les autorités du Hamas dans la bande de Gaza doivent renoncer à leur projet visant à mettre des détenus à mort et doivent immédiatement instaurer un moratoire officiel sur les exécutions, a déclaré Amnesty International vendredi 27 mai à l’heure où des exécutions semblaient imminentes, après leur validation par le Conseil législatif palestinien à Gaza et la diffusion de déclarations émanant de plusieurs hauts responsables du Hamas.

Le 25 mai, les membres du Conseil législatif palestinien à Gaza se sont réunis et ont approuvé l’application de condamnations prononcées contre des détenus ayant épuisé leurs voies de recours.

Si le Conseil législatif palestinien est lui-même divisé, ses membres dans la bande de Gaza sont majoritairement affiliés au Hamas, et le vice-président du Conseil législatif, Ahmad Bahar, son plus haut représentant sur place, a promis à de nombreuses reprises ces derniers jours que des condamnations à la peine capitale seraient mises en œuvre. Lui-même et d’autres représentants du Hamas considèrent manifestement l’annonce faite par le Conseil législatif palestinien comme la dernière étape avant l’exécution de prisonniers dont la condamnation a été confirmée par l’appareil judiciaire de la bande de Gaza, qui présente de nombreuses failles.

Cette brève annonce n’a pas précisé combien de sentences de mort ont été validées et considérées comme applicables, mais le 20 mai, Khalil al Hayya, haut responsable du Hamas et membre du Conseil législatif palestinien, a donné à entendre que 13 personnes reconnues coupables de meurtre, pour la plupart en relation avec des vols à main armée, avaient épuisé leurs voies de recours. D’autres hauts responsables du Hamas, notamment Ismail Haniyeh, vice-président du bureau politique du Hamas, et Abdel Raouf al Halabi, président du Conseil judiciaire suprême, ont évoqué de manière similaire 13 cas pour lesquels toutes les dispositions légales et judiciaires avaient été prises et l’application de la peine capitale était imminente.

Le 22 mai, Ismail Jaber, procureur général relevant du gouvernement de facto du Hamas, a déclaré à des journalistes qu’il espérait que des condamnations à mort qui avaient été confirmées par la Cour de cassation de Gaza seraient mises en œuvre dans les jours à venir, et que les exécutions seraient publiques, de sorte à concrétiser « l’objectif du châtiment...avoir un effet dissuasif sur la criminalité. » Il a par ailleurs sollicité la coopération des autorités judiciaires dans la bande de Gaza afin de « satisfaire la population » en faisant rapidement progresser plusieurs condamnations à mort récentes, et a souligné que le Conseil législatif palestinien était l’unique autorité légitime habilitée à ratifier les condamnations à mort confirmées par la Cour de cassation à Gaza. Dans un message publié sur Facebook le 26 mai, le procureur général a indiqué que si la date des exécutions n’avait pas encore été arrêtée, il espérait qu’elles auraient lieu avant le mois du ramadan, qui doit commencer le 6 juin.

Les mesures prises par les responsables du Hamas font suite à deux affaires de meurtre survenues au cours du mois écoulé ayant été largement relayées et condamnées par les médias, à la perception selon laquelle la criminalité violente est en hausse dans la bande de Gaza ces dernières années, et aux déclarations publiques de proches des personnes tuées réclamant la mise en œuvre des condamnations à mort dans les meilleurs délais.

Amnesty International reconnaît que les gouvernements ont le droit et le devoir de traduire en justice les personnes soupçonnées d’infractions pénales. Il n’existe cependant aucune preuve crédible que la peine de mort a un effet plus dissuasif sur la criminalité que les peines d’emprisonnement. Amnesty International s’oppose en toutes circonstances et sans aucune exception à la peine de mort, quelles que soient la nature et les circonstances du crime commis, la culpabilité ou l’innocence ou toute autre situation du condamné, ou la méthode utilisée pour procéder à l’exécution.

La peine capitale viole le droit à la vie inscrit dans la Déclaration universelle des droits de l’homme. Il s’agit du châtiment le plus cruel, inhumain et dégradant qui soit.

Complément d’information

Aux termes de la loi palestinienne, les condamnations à mort doivent être ratifiées par le président palestinien avant de pouvoir être appliquées. Cependant, depuis 2010, le gouvernement de facto du Hamas procède de temps en temps à des exécutions sans obtenir l’aval du président Mahmoud Abbas. Des représentants du Hamas à Gaza affirment que puisque les élections présidentielles et législatives ont été reportées à plusieurs reprises, et que le gouvernement de « consensus national » dirigé par le président Mahmoud Abbas n’assume pas la plupart de ses fonctions dans la bande de Gaza, c’est le Conseil législatif palestinien qui dispose de l’autorité requise pour ratifier les condamnations à mort.

Entre avril 2010 et mai 2014, les autorités du Hamas ont exécuté dans la bande de Gaza 19 personnes déclarées coupables de meurtre, de trahison ou de « collaboration » avec des entités hostiles - ce qui désigne généralement Israël. L’une de ces personnes, Hani Muhammed Abu Alian, mis à mort le 2 octobre 2013, avait moins de 18 ans au moment d’une des infractions dont il était accusé, et avait été condamné sur la foi d’« aveux » arrachés sous la torture, en violation de nombreuses normes internationales.

Amnesty International reste très préoccupée par le recours généralisé à la torture et à d’autres formes de mauvais traitements contre des détenus dans la bande de Gaza, y compris à l’encontre des condamnés à mort, tandis que le Hamas est de fait au pouvoir, et l’organisation déplore par ailleurs que les tribunaux s’abstiennent d’adhérer aux normes internationales d’équité en matière de procès, en particulier dans les affaires où l’accusé encourt la peine de mort. Les allégations de torture ne font pas l’objet d’enquêtes indépendantes et les responsables ne sont pas poursuivis en justice.

Si aucune exécution judiciaire n’a eu lieu dans la bande de Gaza depuis la formation du gouvernement de « consensus national » en juin 2014, de nombreuses exécutions extrajudiciaires ont été recensées. Les forces du Hamas ont ainsi tué au moins 23 Palestiniens dans la bande de Gaza lors de l’offensive militaire israélienne en juillet et août 2014. Personne n’a été amené à rendre des comptes pour ces homicides sommaires, ni pour d’autres crimes de droit international et graves violations commis par les forces du Hamas durant le conflit ayant opposé Israël et la bande de Gaza en 2014. Plus récemment, le 7 février 2016, les brigades Ezzedine al Qassam, l’aile militaire du Hamas, ont sommairement exécuté Mahmoud Rushdi Ishteiwi, ancien membre des brigades, après l’avoir maintenu en détention dans des lieux secrets pendant plus d’un an. Des membres de sa famille l’ayant vu occasionnellement durant son incarcération ont signalé qu’il avait été torturé.

Des tribunaux civils et militaires prononcent des condamnations à mort dans la bande de Gaza, et des civils sont parfois jugés par des tribunaux militaires. En 2015, les tribunaux de la bande de Gaza ont prononcé ou confirmé au moins 10 sentences capitales. Selon le Centre palestinien de défense des droits humains, depuis le début 2016, les tribunaux militaires et civils à Gaza ont imposé ou confirmé des condamnations à mort contre 10 personnes, accusées pour la plupart d’entre elles de « collaboration ».

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