Les autorités du Kazakhstan doivent s’attaquer au problème des brutalités policières

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

ÉFAI - 22 mars 2010

Amnesty International a exhorté les autorités du Kazakhstan à mettre fin aux violations des droits humains commises par la police. À partir du moment où ils sont arrêtés, les suspects sont couramment frappés à coups de pied, battus et asphyxiés.

L’organisation publie ce lundi 22 mars 2010 un rapport intitulé Kazakhstan : No effective safeguards against torture, qui met en lumière le caractère généralisé de la torture et des autres formes de mauvais traitements dans le cadre du système judiciaire et la persistance de l’impunité pour de tels agissements.

« Les autorités du Kazakhstan doivent adopter une attitude de tolérance zéro envers la torture, alors qu’elles se dérobent à leurs engagements internationaux en refusant de s’attaquer à ce problème », a déclaré Halya Gowan, directrice du programme Europe et Asie centrale d’Amnesty International.

Le Kazakhstan, qui préside actuellement l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), manque également aux obligations qui lui incombent au titre du droit international en termes de droits humains, notamment en matière de prévention de la torture et d’autres traitements cruels, inhumains ou dégradants.

La législation kazakhe prévoit que les policiers sont tenus d’enregistrer une détention dans un délai de trois heures. Pourtant, la plupart des cas signalés de torture ou de mauvais traitements interviennent dans les heures qui suivent l’arrestation d’un suspect.

Parfois, la détention n’est pas enregistrée pendant plusieurs jours et les suspects sont maintenus en détention au secret sans avoir la possibilité de consulter un avocat, ni de recevoir la visite d’un médecin ni de leurs proches. Les noms des policiers en charge de la détention ne sont pas officiellement consignés.

Sous la pression et en raison des mauvais traitements, nombre des détenus avouent des crimes qu’ils n’ont pas commis et, les « aveux » extorqués sous la torture étant généralement retenus à titre de preuve devant les tribunaux, ils peuvent être condamnés sur la seule base de ces »aveux ».

La pratique qui consiste à extorquer des « aveux » sous la torture résulte en partie de ce que les policiers sont jugés en fonction du nombre de crimes résolus, malgré une formation et des équipements médicolégaux insuffisants, et est exacerbée par la corruption.

Les commissions officielles chargées d’inspecter les centres de détention mènent leurs activités depuis 2005, mais les pouvoirs dont elles disposent sont compromis.

Elles se voient systématiquement refuser l’accès aux centres de détention au secret pour enquête du Service de sécurité nationale et l’accès aux structures qui relèvent de la compétence du ministère de l’Intérieur leur est rarement accordé.
« Les autorités du Kazakhstan doivent autoriser les mécanismes indépendants de contrôle à se rendre de manière inopinée dans tous les centres de détention. Il est prouvé que cela s’avère très efficace pour prévenir la torture », a expliqué Halya Gowan.

Par ailleurs, les voies de recours sont pratiquement inexistantes. Les victimes de brutalités policières rechignent à porter plainte, par peur des représailles. Elles risquent en effet d’être en butte à des mesures d’intimidation. Lorsqu’elles osent déposer plainte, les investigations ne sont pas menées de manière rapide, approfondie ni impartiale.

« À ce jour, aucune victime ayant porté plainte pour torture n’est parvenue à obtenir réparation », a commenté Halya Gowan.

Ce climat d’impunité bat en brèche le rôle des autorités au Kazakhstan, tant policières que judiciaires. Il n’est pas surprenant que la population ait perdu confiance dans le système de justice pénale.

« Des mesures opportunes et énergiques relatives aux problèmes les plus urgents peuvent avoir des conséquences profondes et durables pour toute la population du Kazakhstan », a ajouté Halya Gowan.

Amnesty International exhorte les autorités kazakhes à mettre en œuvre des garanties essentielles contre la torture, notamment :

• mettre fin à la pratique de la détention de facto non reconnue ;

• permettre aux organismes indépendants de surveillance d’accéder librement à tous les centres de détention ;

• faire appliquer la loi qui interdit de retenir à titre de preuve devant les tribunaux des « aveux » arrachés sous la torture ;

• instituer un mécanisme de plainte réellement indépendant.

Études de cas

Rassim Bairamov a été conduit au poste de police de Roudnovo, petite localité du nord du Kazakhstan en juillet 2008, pour « discuter ». D’après son témoignage, il a été roué de coups sur tout le corps et frappé à coups de pied. On lui a mis un masque à gaz sur la tête, dont l’arrivée d’air a été coupée.

Les policiers voulaient que lui et son ami Alexandre Bruikhanov avouent avoir dérobé de l’argent et trois bouteilles de bière dans une boutique du coin, accusation qu’ils ont tous deux niée.
Pourtant, après avoir été pendant 48 heures roués de coups, torturés, privés de sommeil et avoir essuyé des menaces ciblant leurs familles, les deux jeunes hommes ont fini par signer des « aveux ».

C’est alors que leur détention a fait l’objet d’un enregistrement officiel et qu’ils ont été informés de leurs droits. Pendant deux ans, leurs mères ont sans relâche porté plainte concernant les tortures et mauvais traitements présumés que leurs fils auraient subis. Elles ont demandé qu’une information judiciaire soit ouverte contre deux policiers que leurs fils avaient dénoncé comme étant les principaux responsables et que ces policiers soient inculpés d’actes de torture. Toutefois, leurs requêtes ont été invariablement rejetées par les procureurs, à tous les niveaux.

En octobre 2008, Dimitri Tian a été convoqué au poste de police d’Astana pour être entendu en tant que témoin dans une affaire de meurtre. Il a déclaré que les policiers l’avaient mis en sous-vêtements et frappé à coups de bouteilles en plastique et de matraques afin qu’il « avoue » les meurtres d’une femme et de ses trois enfants. Les policiers ne l’ont pas informé de ses droits et sa détention n’a pas été enregistrée dès le début. Lorsqu’il a tenté de porter plainte, il aurait été de nouveau battu. Au tribunal, le juge a enjoint le jury de ne pas prendre en compte l’allégation de torture. Dimitri Tian a été condamné à une peine d’emprisonnement de 25 ans en juin 2009. Les allégations de torture n’ont donné lieu à aucune enquête.

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