La population victime de l’activité de l’industrie minière

La Coal India Limited, entreprise détenue par l’État indien, première productrice mondiale de charbon, ne tient pas compte de l’avis des communautés autochtones adivasi, alors que ses activités les affectent directement, écrit Amnesty International Inde dans un nouveau rapport rendu public mercredi 13 juillet.

Intitulé « When Land Is Lost, Do We Eat Coal ?” : Coal Mining and Violations of Adivasi Rights in India », ce rapport dénonce l’attitude des filiales de Coal India, de plusieurs ministères du gouvernement central et des autorités locales (au niveau de l’État) de Chhattisgarh, Jharkhand et Odisha, qui n’ont pas engagé de consultation sérieuse auprès des Adivasi concernant les achats de terres, les compensations et la réinstallation des populations. Le rapport souligne également l’impact environnemental des mines, qui affecte profondément la vie et les moyens de subsistance de ces communautés.

« Le gouvernement envisage de presque doubler la production de charbon d’ici 2020 et Coal India veut extraire un milliard de tonnes de houille chaque année, a déclaré Aakar Patel, directeur exécutif d’Amnesty International Inde. Or, ni l’entreprise ni les autorités fédérales ou de l’État ne semblent vouloir discuter avec les Adivasi dont les terres sont rachetées et les forêts détruites pour les besoins de l’extraction minière. »

« Face à des lois abusives, à des garanties qui ne sont guère respectées et au mépris des droits humains affiché par les entreprises, les communautés adivasi en sont venues à s’opposer à l’extension de mines dans lesquelles elles plaçaient naguère leurs espoirs d’emploi et de prospérité, du moins tant qu’elles n’ont pas obtenu de réparations pour les atteintes dont elles sont victimes. »

Le rapport dénonce un ensemble d’atteintes aux droits humains perpétrées dans des mines à ciel ouvert exploitées par plusieurs filiales de Coal India : la mine de Kusmunda, à Chhattisgarh, exploitée par South Eastern Coalfields Limited ; la mine de Tetariakhar, à Jharkhand, exploitée par Central Coalfields Limited ; la mine de Basundhara-West, à Odisha, concédée à Mahanadi Coalfields Limited.

Ce document est basé sur des entretiens menés auprès de 124 membres de communautés adivasi affectées, dans les trois secteurs où sont situés ces mines ; de responsables des services des forêts et de contrôle de la pollution des régions de Chhattisgarh, Jharkhand et Odisha (au niveau des villages, du district et de l’État) ; de représentant des trois filiales de Coal India en cause ; et de journalistes, de militants et de juristes locaux.

Les principales conclusions de ce rapport ont été communiquées aux autorités de l’État et aux entreprises concernées, qui ont été invitées à formuler leurs commentaires. Aucune réponse ne nous est parvenue.

Acquisition de terres dans des conditions contestables

Les achats fonciers destinés aux activités extractives de Coal India sont effectués en vertu de la Loi sur les secteurs carbonifères (acquisition et développement), qui n’impose pas aux pouvoirs publics de consulter la population affectée ni d’obtenir au préalable le consentement libre et informé des peuples indigènes touchés, comme l’exige pourtant le droit international. Une nouvelle Loi sur l’acquisition foncière, entrée en vigueur en 2014, dispose explicitement que les achats réalisés au titre de la Loi sur les secteurs carbonifères sont exemptés de la nécessité d’obtenir le consentement des familles affectées ou de procéder à des études d’impact.

Dans chacune des trois mines de Coal India prises en considération, le gouvernement central a acquis des terres sans en informer directement les familles affectées et sans les consulter sur d’éventuelles mesures de compensation et de réinstallation. Souvent, la seule notification officielle s’est limitée à la parution dans un journal officiel – quasiment impossible à consulter par les communautés concernées – d’un avis annonçant l’intention des pouvoirs publics de procéder à des achats de terres.

« La Loi sur les secteurs carbonifères porte atteinte à la sécurité d’occupation des populations, a déclaré Aruna Chandrasekhar, chercheur chez Amnesty International Inde. Toute expulsion réalisée au titre de cette loi risque fort d’être en réalité une expulsion forcée, interdite par le droit international. »

Des lois pour la défense de l’environnement et des droits des Adivasi mal appliquées

En cas de projet industriel, les services des États de contrôle de la pollution sont tenus par les lois indiennes de protection de l’environnement de mener des consultations publiques auprès des populations locales susceptibles d’être affectées, pour leur permettre de formuler les éventuelles préoccupations qu’elles pourraient avoir. Or, les consultations publiques organisées dans les secteurs touchés par les trois mines étudiées comportaient de sérieuses lacunes.

Les services de contrôle de la pollution n’ont guère cherché à communiquer avec des habitants peu alphabétisés, ni à leur expliquer les conséquences des activités d’extraction. Le plus souvent, les commissions consultatives du ministère fédéral de l’Environnement, des Forêts et du Changement climatique ne se sont pas attardées sur les inquiétudes évoquées lors des réunions publiques, pour donner finalement un avis favorable à l’extension des mines.

Lors d’une réunion publique consacrée à l’extension de la mine de Kusmunda, à Chhattisgarh, les représentants de l’entreprise n’ont passé que quelques minutes à expliquer l’impact du projet. Sur les 38 personnes qui se sont exprimées lors de cette réunion, la seule qui ait émis une opinion favorable appartenait au personnel de Coal India. Une commission consultative du ministère a pourtant émis un avis favorable à l’extension de la mine, sans avoir véritablement apporté de réponses aux préoccupations exprimées.

« En outre, les gouvernements qui se sont succédés ces dernières années à la tête du pays se sont efforcés de réduire les obligations en matière de réunions publiques pour certaines catégories de mines, compromettant encore un peu plus les droits des populations locales », a déclaré Aruna Chandrasekhar.

Aux termes de la Loi sur les panchayats (extension aux zones répertoriées), ou PESA, les pouvoirs publics sont tenus de consulter les « gram sabhas » (assemblées de village) dans les régions protégées habitées par des Adivasi avant tout achat de terres ou toute mesure de compensation et de réinstallation. Or, aucune consultation de ce type n’a eu lieu dans les secteurs occupés par les trois mines étudiées.

La Loi sur les droits forestiers oblige les autorités des États à obtenir l’autorisation des grams sabhas adivasi avant de pouvoir livrer un secteur forestier à une activité industrielle. Là encore, les autorités n’ont pas cherché à recueillir le consentement des communautés concernées, exigé par cette loi, dans les trois secteurs occupés par les mines étudiées dans le rapport d’Amnesty International. Les réunions de village qui ont été organisées ont manifestement été très insuffisantes.

« L’application de la PESA et de la Loi sur les droits forestiers repose essentiellement sur la reconnaissance de la légitimité du gram sabha. C’est cette décentralisation du pouvoir au bénéfice des communautés adivasi que le gouvernement central, comme ceux des États, refuse apparemment d’accepter », a déclaré Sudha Bharadwaj, juriste spécialisé dans les droits humains travaillant pour les communautés adivasi de Chhattisgarh.

« Pour ces trois mines, les pouvoirs publics et les entreprises ont manifestement considéré les réunions publiques plus comme une simple formalité administrative que comme l’occasion de véritablement entendre ce que les gens avaient à dire et de tenter de leur apporter des réponses », a déclaré Aruna Chandrasekhar.

Des entreprises qui ne respectent pas les droits humains

Coal India et ses filiales ont le devoir, en vertu des normes internationales relatives à la responsabilité des entreprises en matière de droits humains, de respecter les droits fondamentaux des personnes, en faisant notamment preuve de la diligence requise pour s’assurer que les services de l’État ont bien procédé aux consultations nécessaires concernant les activités minières envisagées. Ce devoir prévaut sur l’obligation de respecter la législation nationale.

Les entreprises semblent cependant n’avoir guère cherché à consulter les communautés elles-mêmes ni à vérifier que les consultations menées par les pouvoirs publics avaient été satisfaisantes et conformes aux normes relatives aux droits humains. Les entreprises et les pouvoirs publics travaillent fréquemment la main dans la main pour faire partir les populations qui occupent des terres vouées à l’extraction du charbon.

« Coal India a bénéficié en connaissance de cause de procédures d’acquisition de terres qui portaient atteinte aux droits fondamentaux de milliers de personnes, a déclaré Aruna Chandrasekhar. Cette entreprise ne peut pas se dégager de son obligation de respecter les droits des populations en accusant simplement les pouvoirs publics de ne pas avoir fait leur travail. »

« Les atteintes aux droits humains qui accompagnent apparemment les activités de Coal India remettent en question les promesses du gouvernement central de favoriser un développement n’excluant personne, avec des répercussions très importantes pour l’avenir », a déclaré Aakar Patel.

« Coal India doit de toute urgence apporter une réponse aux conséquences en matière de droits humains de l’extension des mines de Kusmunda, Tetariakhar et Basundhara-West, en totale concertation avec les communautés affectées par ces projets. L’entreprise doit veiller à ce qu’aucune extension n’ait lieu tant que subsistent des préoccupations relatives aux droits humains. »

« Le gouvernement central doit faire en sorte que toute acquisition de terres à des fins d’extraction de charbon s’accompagne d’études d’impact en matière de droits humains, et que le consentement préalable, libre et informé des communautés adivasi soit une condition sine qua non de toute nouvelle mise en exploitation. »

« L’extraction du charbon est présentée comme faisant partie intégrante du progrès économique de l’Inde. Mais le développement n’est qu’un château de cartes s’il ne repose pas sur le dialogue et le respect des droits humains. »

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