Les nouvelles mesures restrictives ne vont qu’attiser les tensions

Des mesures autoritaires introduites par le gouvernement éthiopien ne feront qu’aggraver une crise ne cessant de s’amplifier ayant coûté la vie à plus de 800 personnes depuis que des manifestations ont commencé en novembre 2015, a déclaré Amnesty International mardi 18 octobre, après que le gouvernement a adopté une directive imposant des restrictions de grande ampleur s’inscrivant dans l’état d’urgence.

Cette directive autorise les autorités à effectuer des arrestations sans présenter de mandat, et prévoit des mesures de réinsertion. Si des mesures de ce type ont été employées par le passé, elles ont mené à la détention arbitraire de manifestants dans des prisons militaires isolées, sans que ces personnes ne puissent s’entretenir avec leur famille ni avec des avocats.

« Ces mesures d’exception sont d’une grande sévérité et leur champ d’application est si vaste qu’elles menacent des droits fondamentaux qui ne doivent pas être restreints même sous l’état d’urgence », a déclaré Muthoni Wanyeki, directrice régionale pour l’Afrique de l’Est, la Corne de l’Afrique et les Grands lacs à Amnesty International.

« Au lieu de les atténuer, ces mesures aggraveront les causes des manifestations suivies de cette année, qui sont en relation avec des problèmes se posant avec acuité sur le terrain des droits humains. Les autorités doivent sérieusement se pencher sur ces doléances. D’éventuelles opérations de répression et violations des droits humains supplémentaires ne feraient qu’aggraver la situation.  »

Dans une déclaration publique diffusée mardi 18 octobre, Amnesty International recommande qu’au lieu de restreindre davantage les droits humains, le gouvernement mette la situation à profit et se réengage à respecter, protéger et concrétiser ces droits, conformément à ses obligations régionales et internationales.

« C’est l’incapacité du gouvernement à dialoguer de manière constructive avec les manifestants qui continue à alimenter ces actions de protestation. Il faut qu’il change de stratégie  », a déclaré Muthoni Wanyeki.

« Le gouvernement doit mettre fin au recours excessif et arbitraire à la force contre les manifestants par les organes chargés de la sécurité nationale, et libérer tous les manifestants, dirigeants et sympathisants de l’opposition, mais aussi les journalistes et blogueurs arrêtés pour avoir exercé leurs droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique. »

Au moins 600 manifestants ont été tués dans la région d’Oromia, et 200 en Amhara depuis novembre de l’an dernier.

Complément d’information

Les manifestations ont commencé en novembre 2015, lorsque des membres de l’ethnie Oromo sont descendus dans la rue car ils craignaient que le plan directeur du gouvernement pour Addis-Abeba, qui prévoyait l’extension à l’Oromia du contrôle administratif exercé depuis la capitale, ne se traduise par la confiscation de terres. Ces actions de protestation se sont poursuivies même après que le plan directeur a été mis au rebut, se muant en demandes en faveur de l’obligation de rendre des comptes pour les violations des droits humains, de l’égalité entre les ethnies et de la libération des prisonniers politiques.

Les manifestations ont ensuite gagné la région d’Amhara, qui se dit marginalisée depuis longtemps.
L’épisode le plus grave jusqu’à présent a été la mort de manifestants, dont le nombre s’élèverait à plusieurs centaines, lors d’une bousculade le 2 octobre à Bishoftu, à environ 45 kilomètres au sud-est d’Addis-Abeba, durant la fête religieuse d’Irrecha. Des groupes de manifestants ont déclaré que la cohue a été provoquée par le recours injustifié et excessif à la force des autorités. Le gouvernement a nié ceci, attribuant quant à lui ces décès à des « forces hostiles à la paix ».

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