Liberia : les crimes de guerre ne doivent pas rester impunis

Charles Taylor, l’ancien président du Liberia, a été condamné à 50 ans de réclusion pour complicité de crimes de guerre par le Tribunal spécial pour la Sierra Leone, à La Haye.

Cette peine a été prononcée pour des crimes commis en Sierra Leone entre 1996 et 2002.

Amnesty International revient sur les dates clés de sa mobilisation contre les crimes qu’il a commis et qui lui ont été attribués en Sierra Leone et au Liberia avant son arrestation.

Le mois dernier, des juges internationaux ont déclaré Charles Taylor, qui a également été à la tête du groupe d’opposition armée du Front national patriotique du Liberia (NPFL), coupable de complicité de crimes de guerre durant le conflit armé interne sierra-léonais. Il n’a pas encore été poursuivi pour les crimes qu’il aurait commis dans son pays natal, le Liberia.

Si ce jugement historique montre avec force que les anciens chefs d’État ne doivent pas se croire à l’abri de la justice internationale, Amnesty International continue à déplorer que des dizaines de milliers de personnes victimes d’atrocités au Liberia et en Sierra Leone n’aient pour l’instant vu aucun autre responsable être traduit en justice.

CALENDRIER

En avril 1992, des représentants d’Amnesty International à peine revenus d’une mission de recherche sur les violations des droits humains perpétrées durant le conflit armé interne sierra-léonais ont noté qu’une force d’invasion menée par le NPFL, sous l’autorité de Charles Taylor, avait pris le contrôle de villes et de villages dans les provinces du Sud et de l’Est en Sierra Leone. Ces forces rebelles, avait déclaré Amnesty International, s’étaient rendues coupables d’atteintes graves aux droits humains, tuant des centaines de personnes ayant refusé de les aider.

Dans un rapport sur l’accord de paix de 1995 au Liberia, diffusé en septembre 1995, Amnesty International a indiqué que plusieurs assassinats politiques – notamment de deux figures importantes de l’opposition, en juillet 1994 – avaient été ordonnés par le NPFL sous l’autorité de Charles Taylor.

En août 1997, Charles Taylor a été investi président du Liberia à la suite des élections générales de juillet 1997. En octobre 1997, Amnesty International a demandé au gouvernement libérien nouvellement élu de mettre les droits humains à l’ordre du jour et d’enquêter sur les violations des droits humains commises pendant la guerre.

En décembre 1999, l’organisation a signalé dans un communiqué de presse que Charles Taylor avait menacé un groupe libérien de défense des droits humains, la Commission pour la paix et la justice, après que celui-ci eut demandé l’établissement dans le pays d’une commission vérité qui serait chargée d’examiner les violations perpétrées durant le conflit armé long de sept ans qu’avait connu le Liberia. .

Un rapport d’avril 2001 a souligné que le gouvernement de Charles Taylor n’avait quasiment rien fait pour enquêter sur les responsables des atteintes aux droits humains systématiques commises durant le conflit armé interne au Liberia qui faisait rage depuis 1989, ni pour les traduire en justice.

Ce rapport signalait en outre que depuis la mi-2000, des dizaines de civils avaient semble-t-il été victimes d’exécutions extrajudiciaires et que plus de 100 d’entre eux, dont des femmes, avaient été torturés par l’Unité de lutte antiterroriste et d’autres forces de sécurité libériennes. Il révélait aussi qu’un ancien conseiller en communication du président Taylor avait « disparu » après avoir critiqué l’exploitation de ressources forestières dans le sud-est du pays par des entreprises d’abattage sans que la population locale n’en retire aucun bénéfice.

En juillet de la même année, Amnesty International a déclaré qu’au moins 40 étudiants libériens ayant essayé de participer à un rassemblement pacifique avaient été torturés par les forces de sécurité. Au moins 20 étudiants avaient été incarcérés, et des étudiantes auraient été violées au cours de leur détention au secret sans inculpation de plusieurs semaines. Les autorités libériennes n’ont cependant ouvert aucune enquête sur ces allégations et personne n’a été traduit en justice, a déclaré Amnesty International.

En décembre 2001, Amnesty International a engagé la communauté internationale à prendre des mesures pour protéger la population contre de nouvelles violations des droits humains au Liberia.

En juin 2003, le Tribunal spécial pour la Sierra Leone a annoncé publiquement que Charles Taylor était inculpé de crimes de guerre. Charles Taylor était alors à Accra, où il assistait à des négociations visant à mettre fin au conflit armé libérien. Amnesty International avait donc exhorté les autorités ghanéennes à l’arrêter. En août de cette année-là, Charles Taylor a quitté ses fonctions de président et s’est exilé au Nigeria.

Les années suivantes, Amnesty International a demandé à plusieurs reprises au gouvernement nigérian de l’arrêter.

Le 23 mars 2006, Amnesty International a engagé Olusegun Obasanjo, le président nigérian, à donner suite à la requête formulée par Ellen Johnson-Sirleaf, la présidente libérienne, en faveur de l’extradition de Charles Taylor, afin qu’il puisse être jugé par le Tribunal spécial pour la Sierra Leone.

Charles Taylor a été capturé par les autorités nigérianes lors d’une tentative manquée de fuir le pays, puis a été remis au Tribunal spécial pour la Sierra Leone, à Freetown, le 29 mars.

En février 2007, Amnesty International a estimé qu’aucun effort n’avait été consenti sous la présidence de Charles Taylor afin de remédier aux violations des droits humains commises lors du conflit armé.

Les forces de sécurité gouvernementales, y compris l’Unité de lutte antiterroriste, comptaient parmi leurs rangs d’anciens combattants n’ayant pas fait l’objet d’une sélection stricte ni reçu de nouvelle formation, et n’ayant pas non plus été soumis à un processus de démobilisation ou de réintégration.

De nombreux exemples d’ingérence de l’exécutif lors de procès, politiques en particulier, ont prouvé que la justice n’était pas indépendante et que rien n’était fait afin de déférer les responsables présumés devant un juge. L’impunité régnait.

Amnesty International continue à demander que Charles Taylor fasse l’objet d’une enquête pour les crimes qu’il aurait commis au Liberia, et que des poursuites soient engagées le cas échéant.

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