Mauritanie. Appel à la libération des militants anti-esclavagistes détenus

DÉCLARATION PUBLIQUE

Index AI : AFR 38/004/2010

17 décembre 2010

Amnesty International appelle à la libération immédiate et inconditionnelle de huit militants anti-esclavagistes arrêtés le 13 décembre 2010 à Nouakchott, capitale de la Mauritanie, après avoir dénoncé le cas de deux jeunes filles qu’ils estimaient être tenues en esclavage.

Ces militants sont tous membres de l’Initiative pour la Résurgence du Mouvement abolitionniste en Mauritanie (IRA), une ONG créée et présidée par Biram Dah Ould Abeid, qui est également membre de SOS Esclaves. L’IRA demeure non reconnue par les autorités en dépit d’une demande officielle d’enregistrement.

Il y a quelques jours, l’IRA a été alertée du cas de deux jeunes filles âgées de neuf et quatorze ans qui seraient détenues en esclavage au domicile d’une fonctionnaire. Biram Dah Ould Abeid et d’autres membres de cette ONG ont alors saisi le préfet du département d’Arafat, un quartier de Nouakchott. Celui-ci a alors confié l’affaire au commissariat d’Arafat 1, géographiquement compétent.

Le commissaire a demandé à deux membres de l’IRA d’accompagner les policiers au domicile de la personne soupçonnée de maintenir les deux jeunes filles en esclavage. Arrivés sur les lieux, ils ont constaté qu’une fillette de neuf ans et une adolescente de quatorze ans travaillaient dans cette maison comme domestiques respectivement depuis trois ans et deux ans et demi.

Les policiers ont emmené les deux jeunes filles au commissariat pour interrogatoire mais ils ont refusé que les membres de l’IRA assistent à leur entretien contrairement à ce qui été prévu précédemment. Devant la réaction des membres de cette ONG qui tenaient à être présents lors de l’audition de ces deux esclaves présumées et qui ont protesté contre cette décision qui leur semblait arbitraire, le commissaire a accusé les membres de l’IRA d’être venus faire du tapage. Certains membres de l’IRA, ont été passés à tabac y compris le président Biram Dah Ould Abeid, qui a été blessé à la tête et au genou.

Neuf membres ont initialement été placés en garde à vue où, selon les informations recueillies par Amnesty International, ils auraient été victimes de mauvais traitements. L’un d’entre eux a été libéré le 15 décembre.

Ces personnes ont ensuite été présentées devant le procureur suite à une plainte des policiers pour « coups et blessures à agents » et « obstruction à l’ordre public ». Le Procureur a confié les huit hommes à la brigade mixte de la gendarmerie pour complément d’enquête. Le délai de garde à vue a été prolongé de 48 heures et expire dimanche 19 décembre 2010. A ce jour, les détenus n’ont pu recevoir aucune visite de leurs familles.

Sur la base de ces informations, Amnesty International considère que ces détenus sont des prisonniers d’opinion, détenus uniquement en raison de leurs activités de défense des droits humains et notamment de lutte contre l’esclavage. L’organisation demande leur libération immédiate et inconditionnelle et appelle également les autorités à donner une suite positive à la demande d’enregistrement de l’IRA.

Pour ce qui est des deux jeunes filles, la procédure a été classée sans suite par le Parquet le 15 décembre 2010 bien que la brigade des mineurs qui a ouvert une enquête, a entendu les parents des deux jeunes filles, ait constaté que ces deux jeunes filles étaient « exploitées » comme domestiques. Le Parquet n’a voulu engager de poursuites ni à l’encontre des parents qui ont nié que leurs filles étaient des esclaves, ni à l’encontre de la femme chez qui elles ont été retrouvées.

INFORMATIONS GÉNÉRALES

Bien qu’officiellement abolie depuis 1981, l’esclavage n’a été érigé en infraction pénale qu’en août 2007. Aux termes de la loi, l’esclavage est passible d’une peine maximale de dix ans d’emprisonnement.

En dépit de cette loi, les pratiques esclavagistes perdurent et sont régulièrement dénoncées par les associations comme SOS Esclaves et l’IRA. Depuis 2007, aucune poursuite pour esclavage n’a pu aboutir devant les tribunaux.

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