Communiqué de presse

Philippines. Cinq ans après, aucune condamnation n’a été prononcée au titre de la loi historique contre la torture

Force est de constater que les autorités des Philippines ne s’attaquent pas à la torture : pas un seul tortionnaire n’a été déclaré coupable au titre de la loi historique contre la torture entrée en vigueur il y a cinq ans aujourd’hui, malgré les éléments attestant du caractère généralisé de cette pratique, a déclaré Amnesty International.

La Loi contre la torture, adoptée le 10 novembre 2009, reconnaît la torture en tant que crime spécifique et prévoit un certain nombre de garanties importantes en vue d’aider les victimes qui demandent réparation. Cependant, personne n’a encore été condamné au titre de cette loi et très peu de cas ont atteint le stade des poursuites.

«  Cinq ans sans qu’aucune victime de torture n’obtienne justice : cela montre que cette loi, qui pourrait véritablement faire évoluer la situation en vue d’éradiquer la torture aux Philippines, risque de rester lettre morte. Le gouvernement doit renforcer son engagement afin d’éliminer la torture une bonne fois pour toutes, a déclaré Salil Shetty, secrétaire général d’Amnesty International.

« La torture aux Philippines perdure depuis des décennies et les responsables présumés échappent presque toujours à la justice. Nous continuons de recevoir des informations selon lesquelles les forces de sécurité recourent fréquemment à la torture – en effet, personne n’est en sécurité aux mains de la police.  »

À la connaissance d’Amnesty International, la torture est pratiquée par un large éventail de forces de l’ordre aux Philippines, et il est clair que les policiers y recourent, souvent contre des suspects de droit commun. Ceux qui sont le plus exposés à la torture ou aux traitements cruels, inhumains et dégradants après leur arrestation sont notamment les mineurs délinquants, les récidivistes et les informateurs de la police qui cherchent à prendre leurs distances.

En janvier 2014, une « roue de la torture » a été découverte dans un centre secret de détention dans la province de Laguna ; les policiers l’utilisaient pour décider quelle méthode de torture employer contre les détenus. La plupart des 43 prisonniers présents dans le centre auraient été soumis à des actes de torture et à des mauvais traitements, et 23 d’entre eux ont porté plainte.

Pourtant, malgré le fort intérêt des médias pour cette affaire, aucune poursuite n’a encore été engagée dans le cadre de ces cas 10 mois après la terrible découverte. Cinq de ces victimes de torture ont déjà retiré leurs dépositions.

« La police nationale philippine (PNP) et le ministère de la Justice, via son Bureau national d’enquête (NBI) et le Service des poursuites nationales, doivent redoubler d’efforts pour garantir que toutes les allégations de torture fassent l’objet d’enquêtes approfondies, que les responsables soient amenés à rendre des comptes et que toutes les victimes reçoivent des réparations complètes  », a déclaré Salil Shetty.

En novembre 2012, le président Benigno Aquino a adopté l’ordonnance administrative n° 35, qui met en place des équipes spéciales de procureurs à travers le pays pour enquêter sur les affaires de torture, de disparitions forcées et d’exécutions extrajudiciaires. Toutefois, deux ans plus tard, ces équipes n’en sont qu’à la phase de formation et on ignore si elles sont déployées dans tout le pays.

En mai 2014, Amnesty International a lancé sa nouvelle campagne mondiale Stop Torture, et les Philippines sont le pays mis en avant pour l’Asie. En décembre, une délégation internationale de haut niveau d’Amnesty International lancera un rapport important dénonçant la pratique persistante de la torture aux Philippines, l’absence d’obligation de rendre des comptes pour les tortionnaires et les obstacles auxquels se heurtent les victimes pour obtenir justice. Amnesty International saisit cette occasion de collaborer de manière constructive avec le gouvernement des Philippines, dans le but d’éliminer la torture dans ce pays.

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