Poursuites contre les défenseurs des droits humains

La Malaisie continue sa répression féroce contre la dissidence en engageant des poursuites judiciaires ciblées contre les militants qui expriment ouvertement leurs opinions.

Le dernier exemple en date est le procès de Lena Hendry, défenseure des droits humains malaisienne, qui a été reconnue coupable en vertu de la Loi sur la censure cinématographique et condamnée à une amende de 10 000 ringgits (2 260 dollars des États-Unis) par le tribunal d’instruction de Kuala Lumpur le 22 mars 2017, pour avoir projeté un film sur les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité qui auraient été commis au Sri Lanka. Ce documentaire, intitulé No Fire Zone : The Killing Fields of Sri Lanka, porte sur les crimes commis par les forces gouvernementales sri-lankaises et par les Tigres libérateurs de l’Eelam tamoul (LTTE) à la fin du conflit armé en 2009.

Le 10 mars 2016, le tribunal d’instruction avait acquitté Lena Hendry des charges retenues contre elle et conclu que le ministère public n’avait pas su prouver le bien-fondé de ses accusations. En septembre 2016, la haute cour avait ordonné le renvoi de l’affaire devant le tribunal d’instruction, jugeant recevable l’appel du parquet contre l’acquittement de cette femme. Lena Hendry et ses avocats ont été en contact avec le chef de la représentation diplomatique du Sri Lanka en Malaisie, qui leur a déclaré par courrier ne plus rien avoir contre ce film.

Le travail des défenseurs des droits humains en Malaisie devient de plus en plus difficile. Dans le climat politique actuel, celles et ceux qui critiquent la politique du gouvernement ou qui militent pour les droits fondamentaux sont la cible de poursuites judiciaires et sont empêchés de mener à bien leurs activités légitimes. Les défenseurs des droits humains doivent pouvoir sensibiliser l’opinion au travail important qu’ils réalisent, que ce soit en montrant des documentaires sur les droits humains ou en organisant des rassemblements pacifiques pour promouvoir les droits civils et politiques.

Les dispositions de la Loi de 2002 sur la censure cinématographique sont vagues et érigent de fait en infraction toute forme de diffusion ou de projection d’un film qui n’a pas été approuvé par le Conseil de la censure cinématographique, y compris lorsqu’il s’agit de travaux de journalistes citoyens. Elle prévoit une peine maximale de trois ans d’emprisonnement ou une amende pouvant aller jusqu’à 30 000 ringgits (7 200 dollars des États-Unis). Dans l’affaire dont il est question ici, une amende de 10 000 ringgits pour avoir montré un documentaire sur les droits humains est excessive et disproportionnée, restreint abusivement le droit à la liberté d’expression, et limite le droit de la société de rechercher et de recevoir des informations et des idées.

Amnesty International est convaincue que le procès excessivement long de Lena Hendry, qui a débuté en septembre 2013 après son arrestation et son incarcération du jour au lendemain, avec plusieurs de ses collègues, s’inscrit dans le cadre d’une politique plus générale d’intimidation, de harcèlement et de criminalisation des défenseurs des droits humains en Malaisie.

On constate en outre une tendance inquiétante du parquet à faire appel ou à réclamer des peines plus lourdes dans les affaires concernant des défenseurs des droits humains.

Complément d’information

Le gouvernement malaisien utilise tout un éventail de lois pénales pour réprimer les défenseurs des droits humains, comme la Loi de 1948 relative à la sédition, la Loi de 1998 sur les communications et le multimédia, la Loi de 2012 relative aux rassemblements pacifiques et la Loi de 2012 sur les atteintes à la sécurité (Mesures spéciales).

Les autorités ont soumis à des enquêtes et arrêté de nombreuses personnes, telles que des militants, des journalistes, des avocats et des politiciens de l’opposition qui exerçaient tous pacifiquement leurs droits humains.

Ces arrestations ont eu un effet glaçant sur le débat public et l’espace civique en Malaisie, les gens n’osant plus s’exprimer d’aucune manière – que ce soit en publiant des contenus sur les réseaux sociaux, en projetant des documentaires ou en participant à des rassemblements pacifiques.

Au titre de l’article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme, « tout individu a droit à la liberté d’opinion et d’expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d’expression que ce soit ». 


Le documentaire No Fire Zone : The Killing Fields of Sri Lanka projeté par Lena Hendry dénonce des crimes de droit international présumés commis par les troupes du gouvernement sri-lankais et par les Tigres libérateurs de l’Eelam tamoul (LTTE) durant les dernières phases du conflit armé interne en mai 2009. Il met l’accent sur la situation désespérée des civils pris entre deux feux et sur le refus d’accorder une aide humanitaire adaptée dans la zone dite « de cessez-le-feu ». Depuis la diffusion de ce documentaire, les autorités sri-lankaises se sont engagées à rendre des comptes pour ces crimes présumés et à offrir des réparations satisfaisantes aux victimes.

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