Réduire au silence les dissidents : où est la liberté d’expression ?

L’incapacité de la police à donner des renseignements sur la disparition forcée d’Itai Dzamara, un militant en faveur de la démocratie ayant critiqué le gouvernement du président Mugabe, met en évidence une culture de l’impunité pour les violations des droits humains au Zimbabwe, a déclaré Amnesty International à l’occasion de l’anniversaire de son enlèvement.

« Cela fait un an qu’Itai Dzamara a disparu sans laisser de trace, et que sa famille souffre de ne pas savoir ce qui lui est arrivé ni où il se trouve. Cela ressemble à un complot orchestré de main de maître pour réduire au silence un dissident connu, et en dit long sur l’état de la liberté d’expression au Zimbabwe  », a déclaré Deprose Muchena, directeur du bureau d’Amnesty International pour l’Afrique australe.

« Les autorités doivent lancer de véritables recherches afin qu’Itai Dzamara puisse retourner chez lui en toute sécurité, et doivent aussi établir une commission d’enquête impartiale présidée par un juge, qui sera chargée de faire la lumière sur les circonstances de sa disparition. »

Itai Dzamara, ancien journaliste, était chez le coiffeur à Glen View, une banlieue de Harare, lorsqu’il a été enlevé par cinq inconnus le 9 mars 2015. Le 7 mars, il s’était exprimé devant les participants à un rassemblement organisé dans la capitale, et avait appelé à mener une action de grande ampleur pour lutter contre la détérioration des conditions économiques au Zimbabwe. Des témoins ont dit que ses ravisseurs l’ont accusé d’avoir volé du bétail avant de le menotter, de le forcer à monter dans un fourgon blanc dont les plaques d’immatriculation avaient été dissimulées et de démarrer.
Ces hommes étaient en civil, mais Itai Dzamara était connu des autorités et avait précédemment été enlevé, illégalement placé en détention et roué de coups par des membres des forces de sécurité. Sa famille pense qu’il est victime d’une disparition forcée.

Faire subir une disparition forcée aux dissidents est en passe de devenir une pratique bien établie au Zimbabwe. En 2008, des dizaines de militants de l’opposition et en faveur des droits humains ont été soumis à une disparition forcée pendant des semaines dans le cadre d’une opération de répression.

L’État a nié son implication à plusieurs reprises, mais de nombreux militants ont plus tard été retrouvés en détention aux mains des autorités, tandis que le sort réservé à d’autres n’est toujours pas connu.

Amnesty International exhorte le Zimbabwe à honorer les obligations qui lui incombent en vertu de la Constitution et du droit international, et à ratifier la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées. Les autorités doivent introduire de toute urgence des mesures visant à protéger tout un chacun contre les disparitions forcées.

« Les disparitions forcées sont un crime au regard du droit international, et les autorités sont tenues d’enquêter sur celles-ci et de poursuivre les responsables. La famille d’Itai Dzamara mérite de connaître la vérité et d’obtenir justice », a déclaré Deprose Muchena.

« Ceux qui ont commandité et perpétré son enlèvement et dissimulent où il se trouve doivent être traduits en justice dans le cadre de procédures équitables se déroulant en public. L’impunité ne doit pas être autorisée à prévaloir. »

Complément d’information

Itai Dzamara, ancien journaliste, a été le dirigeant du groupe protestataire Occupy Africa Unity Square. Il avait précédemment soumis une pétition au président Mugabe, l’appelant à démissionner et à ouvrir la voie à de nouvelles élections, et sa famille craignait des représailles depuis des mois.

Sa disparition a été signalée au poste de police de Glen Norah à Harare et une affaire a été ouverte, mais un an plus tard, aucune enquête digne de ce nom n’a été menée. Amnesty International a déploré la faiblesse des informations fournies dans les rapports transmis jusqu’à présent par la police au greffier de la Haute Cour.

Les efforts déployés par ses proches et des avocats spécialisés dans la défense des droits humains afin d’établir où se trouve Itai Dzamara se sont avérés vains, et son épouse a dit à Amnesty International qu’elle craint que les autorités ne s’en prennent désormais à elle ou ses enfants

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